Bad business

Extrait :

Sylvain était un ami de longue date. Nous nous étions connus quinze ans auparavant lors d'une manifestation antimondialisation où je vendais des T-shirts conspuant les grandes compagnies. Un pote graphiste avait détourné les logos des multinationales et nous avions produit des centaines de maillots que nous vendions trop chers aux idéalistes de la Terre, ou plutôt à toutes celles et tous ceux qui les entouraient. Le filon était excellent, à tel point que Sylvain, lui aussi graphiste et rédacteur, était venu me voir sur mon stand pour me présenter ses croquis. Le type avait une bouille sympa. De celles qui 27 m'attirent tout de suite. Coiffé à l'Iroquois, habillé chez surplus, il portait de lourdes bagues d'argent à chacun de ses doigts d'artiste et un piercing au coin du nez, lui-même relié par une chaînette à son lobe d'oreille. Ses yeux conservaient une expression candide et son sourire, d'une rare douceur, tranchait singulièrement avec l'agressivité de son look. Je crois que nous nous sommes plu tout de suite. Il me présenta son carton à dessins, et moi un énorme pétard trois feuilles qu'il sut apprécier en devinant la provenance du matos. Je lui confirmai que le Maroc était bien le pays producteur de ma résine de cannabis, comme le disent à la télévision les journalistes proprets et garants de la messe du politiquement correct.

Quelques volutes bleues plus tard, et alors que le joint me revenait, il me fit découvrir son art. Sylvain avait un talent fou. Il s'était fait une spécialité des personnages de poissons hilares, au-dessus desquels il inscrivait des phrases très expressives: Fuck the Méduse, Pump up the Poulpe, Enjoy the Crabe, Lime the Morue, Maquereau Welcome, Ablette Dundee et bien d'autres encore... Je trouvai sa collection géniale et lui promis d'en faire quelque chose dès la fin du sommet.