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— Kate ! Chris ! Vous deux ! s'écrie Amanda.
Je ferme les paupières plus longtemps que nécessaire.
Elle a raison d'être en rogne.
— Vous pensez que c'est le moment opportun pour vous envoyer en l'air ? s'insurge-t-elle.
Je secoue négativement la tête, consciente de notre comportement inapproprié. Ce qui n'est pas le cas de Chris qui se contente de se relever pour venir me saisir par la taille.
— On est jeunes et en bonne santé… faut pas nous en vouloir, susurre-t-il, tout sourires.
Amanda le foudroie d'un regard noir. Je déglutis ma salive de travers.
— Tu te fiches de moi, Chris Farwink ? ! Et Comment j'explique à mes invités que les témoins sont partis en catimini baiser comme des lapins en rut alors que nous devons consacrer nos vœux devant le Seigneur, Jo et moi ? ! Hein ?
Chris se frotte machinalement le crâne puis ouvre les bras, comme inspiré :
— C'est pas lui qui a dit « croissez et multipliez » ? Il ne peut pas nous reprocher de lui obéir au pied de la lettre, si ?
Jo s'esclaffe bruyamment mais sous l'œillade courroucée de sa future femme, il se reprend dans la seconde.
— Vous vous multiplierez plus tard ! Bougez vos fesses, on vous attend !
Une fois Amanda partie, Jo échange un signe de victoire avec Chris. Il n'est pas difficile de comprendre qu'en réalité, Jo est stupidement fier de son meilleur ami : s'envoyer en l'air pendant une cérémonie de mariage doit être bien classé dans leur échelle des lieux insolites pour faire l'amour.
Une fois qu'il est parti à son tour, je croise les bras sur ma poitrine et répète :
— « Croissez et multipliez » ?
Il enfonce les mains dans les poches de son pantalon noir à pinces, et un sourire en coin déforme le pli naturel de sa bouche.
— Ta frangine, explique-t-il succinctement.
— Tu discutes Bible et religion avec Juliette ?
Chris me fait doucement « non » de la tête :
— Je l'ai juste écoutée quand elle parlait à Jamie dans la cuisine. Le pauvre…
Afficher en entierLe téléphone de Benny sonne et un silence de plomb nous écrase dans le hangar. On reconnaît tous la musique des Dents de la mer signalant un appel de Ronan. L'humour de Benny a toujours été source d'interrogations sur sa santé mentale.
Afficher en entier- Quoi, encore ! J'aboie.
Le rire de Chris me répond. Je vais lui arracher les yeux !
- Tu as préparé quoi pour manger, 'tite femme ?
Il s'éclate vraiment !
- Putain, Chris ! Tu vas avoir une omelette assaisonnée au cyanure si tu continues à m'emmerder !
Afficher en entierJe sais que je l'aime. Parce que le regarder me fait mal, ce qui me rend paradoxalement vivante. Je l'aime parce que, quand il me touche, j'ai le corps qui explose en un millier de particules. Parce qu'il suffit que nous soyons dans la même pièce pour que mon univers se résume à lui. Je l'aime et j'étouffe. J'étouffe d'être aussi impuissante à chasser ce qui le hante en cet instant...
Afficher en entierJ’obtempère et sors de la petite tente en arrachant plusieurs piquets pour finalement me prendre les pieds dans la doublure.
Une fois à l’extérieur, j’essaie d’esquiver la saleté de loupiote, mais la gonzesse se fait un devoir de suivre chacun de mes mouvements avec. Et ça, c’est bien chiant. Rien de tel pour me hérisser les nerfs.
— Tu peux éteindre ta putain de lampe ?
— Non.
— Tu braques quoi sur moi, là ?
— Un fusil harpon.
— Charmant. Écoute, c’est une erreur. Je me suis planté de tente et…
Un rire sarcastique m’interrompt
— Vous pensez sérieusement que je vais gober ça ? Vous n'êtes pas le premier taré qui en a après ma sœur !
OK. OK, on reste calme. Comment me sortir de là ? Je suis quasi à poil et une cinglé me tient en joue avec un fusil harpon. Je ne peux rien faire comme tout le monde ? Pas même une cuite dans un putain de camping de merde ?!
Afficher en entier(Katherina - P.381-382)
Nous avançons lentement sous les regards curieux des autres invités à ce pique-nique hors du temps. On vient de franchir une ligne invisible qui nous propulse à une époque bigote. Des cols sages, des expressions se voulant bienveillantes... Des faux-semblants, surtout, ouais ! Un summum d'hypocrisie jamais atteint. Combien de ces gentils pères de famille tabassent leur femme dès la nuit tombée ? Combien de mères indignes oublient leurs enfants pour coucher avec monsieur le jardinier ? Combien de parents renient leur progéniture, dont ils étaient pourtant si fiers, pour les laisser mourir de faim, quelque part, sous un pont ? Juste parce qu'ils ne sont pas devenus ce qu'ils auraient aimé qu'ils soient ? Mais aujourd'hui, c'est dimanche ; alors, après la messe, ils jouent aux bons chrétiens pleins d'empathie. Je n'irais pas jusqu'à affirmer que tous cachent leur véritable nature, non. Peut-être que dans le lot il y en a certains qui sont vraiment investis, persuadés de gagner leur salut dans cette dévotion aveugle envers un Dieu qu'ils n'ont jamais vu. Seulement, dans leurs yeux, en cet instant précis, ce que nous représentons, Chris et moi, c'est un appel au bénévolat qui tient debout. Une sorte de mission. Ils sont la normalité ; quant à nous..., nous somme cette partie de la population vite négligée dès que le lundi pointe le bout de son nez. C'est écoeurant. Révoltant. Je n'ai pas envie de laisser Juliette entre les mains de cette bande de fanatiques englués dans leurs préjugés nocifs.
Afficher en entier(Katherina - P.379)
C'est vraiment... étouffant. Parfois, j'ai cette idée qui me traverse fugacement l'esprit telle une étoile filante : celle de tout plaquer et de m'enfuir. Tout laisser sans un seul regard en arrière. Une éphémère étincelle d'envie poussée par l'épuisement de garder la tête hors de l'eau envers et contre tout. Ramasser chaque problème à la pelle, comme ces bagnards d'antan enchaînés à leur boulet, qui lèvent des cailloux de l'aube au crépuscule. J'aimerais que cela s'arrête... J'en peux plus de toute cette caillasse.
Afficher en entierJe la prends une fois de plus en flagrant délit : ses joues se sont légèrement teintées de rouge. Ce lutin des bois avec sa crinière cuivrée et ses yeux si pâles, ce gnome pourvu d’une langue trop bien pendue…
est cent pour cent innocent. On ne la fait pas à un vieux singe comme moi : les nanas troublées, je les hume à des kilomètres.
Afficher en entier— Provoque-moi.
— Hein ?
Sa voix n’est plus qu’un murmure.
— Provoque-moi. Vas-y.
La mienne n’est qu’un grondement sourd. Ses yeux s’écarquillent, me laissant deviner qu’elle ne sait plus quoi penser de ce retournement de situation. En réponse, sa tête esquisse lentement un « non » silencieux.
— Non ? j’insiste d’un ton encore plus bas.
Elle réitère le mouvement.
Je me penche encore. En réaction, elle entrouvre légèrement les lèvres, faisant basculer ma fureur telle une balance cédant sous la surcharge de poids posé sur un seul de ses plateaux, celui qui t’échange le mode furax contre le mode stimulation sexuelle.
— Tu l’insères où, ton truc ? Dis-moi. Explique. Je suis un mec vachement curieux de nature.
Afficher en entier— Dring, dring, me murmure une voix chaude à mon oreille.
Un long frisson remonte le long de ma colonne vertébrale.
— Dring ? je répète, encore à moitié endormie.
Un rire, mais c’est un son doux et grave, très tendre.
— J’imitais un réveil.
J’ouvre un œil. Chris. Le visage de Chris, plus précisément.
— C’est pas fameux. On aurait davantage dit la sonnerie d’un téléphone à l’agonie.
L’inflexion de ma voix est affreusement rauque, mais c’est normal : son nez, sa bouche, ses joues grignotées par une barbe éternellement naissante sont bien trop proches de moi. Comment fait-il pour entretenir cette légère ombre duveteuse ? Je ne l’ai jamais vu rasé nettement une seule fois depuis notre première rencontre… Il la taille au ciseau ? Cela fait partie du cahier des charges du « bad boy » ?
Ses prunelles métalliques m’épinglent. Il y a cette note sauvage dans sa façon de me regarder : comme si un animal incontrôlable y faisait les cent pas, un animal de type fauve qui me guette.
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