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Mais pour la première fois la mère de Balzac se heurte dans cet enfant bonasse et indolent à une résistance qu'elle n'avait jamais soupçonnée - à la volonté inflexible, inébranlable, d'Honoré de Balzac ; à une volonté qui, maintenant qu'est brisée celle de Napoléon, ne peut se comparer à aucune autre en Europe. Ce que veut Balzac, il le réalise, et là où il a pris une décision l'impossible même devient possible. Ni les larmes, ni les séductions, ni les adjurations, ni les crises hystériques ne peuvent le faire changer d'avis - il veut devenir un grand écrivain, pas un notaire, et il l'est devenu, le monde en est témoin.
Afficher en entierLe café tombe dans votre estomac, dès lors tout s'agite : les idées s'ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain de bataille et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d'encre car la lutte commence et finit par des torrents d'eau noire, comme la bataille par sa poudre noire.
Afficher en entierMais il faudra encore à Balzac plus d'une amère expérience avant que l'ivresse de sa jeune gloire fasse place au désenchantement, avant qu'il renconnaisse la vérité de la loi qu'il a lui-même proclamée qu'on ne peut être en même temps maître dans deux sphères, mais seulement dans une seule, et que le sens de son destin n'est pas de briller dans un grand monde transitoire et voué à l'oubli, mais bien, en en peignant les sommets et les bas-fonds, de conférer à ce monde l'éternité.
Afficher en entierObserver Balzac à l'oeuvre, c'est peut-être le plusl grandiose exemple que l'on puisse contempler de la continuité d'une activité créatrice dans la littérature des temps modernes. Comme un arbre puissant, nourri des sucs éternels de la terre, il dresse son tronc luxuriant, étendant toujours plus haut vers le ciel la ramure touffue de son oeuvre jusqu'à ce que la hache l'abatte ; solide à son poste, remplissant avec une patience proprement organique, la fonction qui lui fut dévolue par le destin : fleurir sans cesse, croître et donner des fruits toujours plus mûrs.
Afficher en entierIl n'est d'art que du vrai et du véridique ; il n'est point de personnages qui donnent l'impression de la réalité s'ils ne sont en rapports directs avec leur milieu, la terre, le paysage, l'ambiance spécifique de leur temps. Avec son premier roman personnel et original, le réaliste s'éveille chez Balzac.
Afficher en entierEt pourtant, plus haut monte la digue, plus violente se fait contre elle la pression des vagues qui veulent l'emporter.
Afficher en entierCet échec meurtrier a toutefois un peu refroidi son orgueil. Il y a un an, lorsqu'il écrivait le Cromwell dans toute l'ardeur de ses sens, il s'abandonnait encore au flot débordant de ses rêves. Ce jeune homme de vingt ans voulait d'un seul coup conquérir la gloire, l'honneur, la liberté. Maintenant pour ce dramaturge tombé de haut, écrire, créer, ont avant tout un intérêt pratique : ne pas être contraint de rentrer sous la dépendance de ses parents. Les chefs-d'oeuvre et l'immortalité, ce sera pour plus tard, il s'agit d'abord de gagner de l'argent en écrivant, de l'argent à tout prix pour ne plus être obligé de rendre compte de chaque sou à son père, à sa mère, à sa grand-mère comme d'une aumône.
Afficher en entierVoilà, éclatant au grand jour après des années, la réponse aux mille tourments secrets qu'à l'âge où sa sensibilité était la plus vive, il a subits précisément de la part de l'être qui, selon la loi de nature, aurait dû lui être le plus proche. Sa mère seule est responsable de ce que, selon ses propres expressions, "il ait enduré la plus épouvantable enfance qui soit jamais échue sur terre à un homme".
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