Extraits

Chapitre 2 :

Emma

«… Je déglutis et acquiesçai, mais il me secoua doucement.

— Pomets-moi, Emma. Promets-moi que tu vas te sortir de toutes ces conneries. Je ne veux plus que tu passes tes nuits au cimetière. C’est glauque, et tu pues. Le matin.

Je gloussai entre deux sanglots et le frappai sur le bras.

— Je t’aime, Matt. Reviens vite à la maison.

Je le vis déglutir, son regard un peu plus brillant que d’habitude. Il me serra contre lui, et posa ses lèvres contre mon front.

— Je te promets. À bientôt, petite sœur.

Un instructeur sortit du bus et l’appela froidement. À regret, ses bras se détachèrent de moi, et il grimpa dans le bus à reculons. Malgré mon envie de me rouler en boule et de pleurer jusqu’à m’endormir d’épuisement, je me forçai à le regarder traverser le bus jusqu’à un siège au fond. Malgré moi, mon regard passa sur chaque soldat visible d’où je me tenais, sans apercevoir Alexandre...»

— Cours autant que tu veux Emma. Ça ne changera rien. Tu es mienne, tu le sais, et si jamais tu le laisses toucher ce qui est à moi, il est mort. N’oublie pas qui je suis, j’ai l’entraînement pour ça.

— Ce qui me prend ? Tu me parles d’un autre homme, un avec qui tu voudras faire des enfants, un qui partagera ta vie et celle d’Alexia.

— Et alors ?

— Alexia est ma fille !

Je secouai la tête, n’en croyant pas mes oreilles.

— Et donc je dois rester seule toute ma vie pour élever ta fille ?

Il leva les bras au ciel avant de les laisser retomber contre ses cuisses.

— Exactement !

Je laissai la colère me gagner et avançai d’un pas vers lui.

— Alors toi, tu peux te marier et faire ta vie, tandis que moi je resterai seule et frustrée ?

— Je l’aime tellement, je sais que c’est lui, c’est l’homme de ma vie. Il l’a toujours été. Mais il ne veut pas le voir, papa. Je sais, tu vas dire que je fais ma têtue, que s’il ne veut pas de moi, c’est qu’il n’est pas le bon. Mais c’est lui, je n’ai aucun doute là-dessus. Et j’essaie de tourner la page, tous les jours. Mais quoi que je fasse, tout en revient toujours à lui.

Alexandre était mon premier amour, le vrai, le grand, celui qui vous marquait à jamais. Et même si cet amour était à sens unique, j’étais heureuse de ressentir cela pour lui, heureuse de savoir ce que cela faisait d’aimer quelqu’un de tout son être, de toute son âme.

C’est à ce moment-là que je compris une chose : je voulais que cette enfant soit la mienne. À l’idée qu’elle puisse être d’un autre homme, tout en moi se rebella. Cela voudrait dire qu’Emma n’avait pas hésité à laisser un autre homme la toucher après ce que l’on avait partagé, et c’était hors de question de l’envisager.

Elle était mienne. Depuis cette nuit-là, Emma était à moi.

Je baissai le regard sur la petite fille qui lui tenait la main. Des yeux violets à la pupille cerclée d’or.

Elle aussi était mienne.

Je déglutis, les émotions se bousculant en moi. Colère. Rage. Joie. Bonheur. Tout se mélangeait.

Chapitre 1 :

Alexandre

«…

— IL SERAIT TEMPS QUE TU GRANDISSES PUTAIN !

Elle se figea, avant de se retourner lentement vers moi. Je sursautai presque devant son regard vide de toute émotion. Comment une fille aussi pleine de vie avait-elle pu tomber aussi bas ? Et surtout, pourquoi ne faisait-elle rien pour remonter ?

— Alex…

Je tendis le bras vers Matt, lui faisant signe de se taire. Il était plus que temps qu’elle se bouge le cul. Je m’approchai d’elle et posai ma main sur son épaule. Je la sentais se raidir sous mes doigts, mais je ne reculai pas.

— Je comprends Emma, je t’assure. Je sais que tu as mal, je sais que tu as peur de te retrouver seule, mais Matt et moi, nous serons toujours la pour toi. Tu n’auras qu’à nous appeler, et nous serons là.

Son regard se chargea de colère, et d’un geste brusque, elle recula.

— Je n’en ai rien à faire que tu partes ou que tu restes. Tu peux aller te faire mettre à Tombouctou si ça te chante ! Mais tu n’avais pas le droit d’embarquer mon frère dans tes délires !

D’une main sur mon torse, elle me repoussa.

— Il est tout ce qui me reste ! TOUT ! Et à cause de toi, il va risquer sa vie je ne sais où ! JE VAIS PERDRE MON FRÈRE À CAUSE DE TOI !

Une douleur sourde naquit dans ma poitrine en sentant la peur et la douleur dans sa voix, en voyant son regard violet tourner presque au bleu nuit sous les émotions qui la traversaient.

— Emma, il ne lui arrivera rien. Je te le jure. Je ferai tout pour qu’il ne lui arrive rien.

Elle sembla soudain se rétracter en elle-même. Je vis tout sentiment quitter son regard, alors qu’elle reprenait le contrôle de son univers. Calmement, sans aucune émotion, elle planta son regard dans le mien pendant plusieurs secondes silencieuses.

— Et depuis quand ta parole a une quelconque valeur, Alexandre ?

Elle soutint mon regard une seconde de plus avant de me tourner le dos, et de partir.

Ce fut la dernière fois que je vis Emma au cours des deux années qui suivirent.»