Extraits

Cette fille, c'est mon seul espoir. Ma chance de salut, la seul chose qui m'empêchera de retomber dans l'oubli.

Je lui emboîte le pas, pousse à mon tour cette porte déterminé.

Je la veux. Elle sera à moi.

Il y a des choses qui ne se planifient pas.

Il y a des personnes que vous connaissez avant même de les rencontrer.

Il y a des amours qui défient le temps.

Je le regarde avec un petit sourire.

– Qu’est-ce qu’il y a, dans ces yeux-là ?, me demande-t-il, une note de désir dans la voix.

Alors j’approche mon visage du sien et lui chuchote à l’oreille.

– Tu sais, nous sommes à Las Vegas…

Voilà tout ce à quoi j’ai toujours aspiré. L’amour, la passion, la complicité. Jamais je n’aurais imaginé que ça m’arrive, pas comme ça.

Pas avec quelqu’un comme Dex.

Soudain, je suis prise d’un sentiment d’urgence. C’est du feu qui coule dans mes veines, de la lave en fusion et je me sens invincible, déterminée. Dex seul a ce pouvoir sur moi.

J’en ai assez d’hésiter, de tergiverser. C’est lui, je le sais au plus profond de moi. Dans une semaine, un an ou cinquante ans, ce sera toujours lui, il continuera de me captiver exactement comme le tout premier soir, lors de notre rencontre.

Je suis celle qu’il a choisie, celle dont il a besoin.

– Je t’aime, dis-je alors simplement. Mais j’avais peur. Jamais je n’avais été avec quelqu’un comme ça, jamais je n’avais fait tout ça, avant. C’est tellement vrai, tellement fort…

Je me tais, incapable de retenir plus longtemps mes larmes.

– Je ne sais rien de tout ça et ça me terrifie. Ma vie avant toi était cohérente, rationnelle, mais toi… Toi, tu es le chaos. Tellement passionné et spontané. Avec toi, j’ai toujours l’impression de marcher au-dessus d’un précipice…

– Je ne veux plus de ça, promet Dex.

Mais je secoue la tête.

– Non. Tu ne comprends donc pas ? C’est l’une des raisons pour lesquelles je t’aime. Avec toi, je ne sais jamais à quoi m’attendre. Avec toi, je suis moi. Je me sens vivante.

– Je t’aime, dit-il en m’étreignant et j’entends à sa voix qu’il est ému. C’est toi et ça n’a jamais été que toi. Pour toujours.

Je retiens mon souffle. Il doit noter la surprise dans mes yeux, car il se dépêche d’ajouter :

– Je ne te demande rien, là, maintenant, car tu as raison, tout est allé si vite, trop vite. Mais un jour, je ferai de toi ma femme, Alicia…

– Oui, dis-je en déposant un baiser sur ses lèvres. Oui, je le veux ! Tout de suite. Quand tu décideras. Tout ce qui m’importe, c’est d’être avec toi, toujours.

Je sens son corps se figer contre le mien.

– Tu le penses vraiment ?, me demande-t-il, encore incrédule, tandis que je l’enlace et l’étreins de toutes mes forces, pour me fondre en lui.

– De toute mon âme…

Je l’embrasse pour lui faire sentir combien il m’a manqué, pour lui promettre que jamais plus je ne le laisserai, pour lui crier qu’il est le seul, l’unique en ce monde. Pour l’éternité.

On reprend notre souffle, Dex me serre fort contre lui et me regarde comme s’il redoutait que je puisse à tout instant me désintégrer.

– Je ne pouvais pas y croire… C’était bien toi, il murmure, une main sur ma joue. Quand je t’ai vue… J’ai cru que j’imaginais des trucs.

– C’est moi, je chuchote, bouleversée. Oh, mais comment ai-je pu le laisser partir ? Jamais je ne me suis sentie autant à ma place que là, entre ses bras. Je suis là, en vrai.

Et en le regardant, une certitude comme je n’en ai jamais connu auparavant s’est emparée de moi.

Cet homme.

Cet homme torturé, courageux. Inespéré.

Il est tout et je n’arrive pas à croire que cela m’ait pris tant de temps pour le comprendre.

Alicia est juste là, au premier rang. En train de me regarder avec ses grands yeux noisette, chantant avec moi.

Le monde entier disparaît.

Elle est là. Pour moi. J’ignore à quoi elle pense, ce qui l’a fait changer d’avis. Tout ce qui compte, c’est qu’elle soit venue.

Un soulagement absolu, une euphorie soudaine m’envahissent et se mêlent au bruit de la foule et me transportent. Je ne l’ai pas perdue. Elle doit tenir encore un peu à moi pour être venue ici et merde, je n’ai besoin de rien d’autre, juste de ça.

Juste elle. À moi.

Pour toujours.

Elle ne t’aimera jamais. Tu ne mérites pas une fille comme elle .

Je la voulais tellement, elle était tout pour moi. À la seconde où j’ai posé les yeux sur elle, j’ai su qu’elle pourrait m’arracher aux ténèbres. Mon ange, si douce, si passionnée, si fragile. Mon espoir. Chaque moment passé avec elle a été un miracle. La découvrir, l’apprendre.

L’aimer.

Mais tout ça n’était que mensonges. Je me suis trompé en pensant que ça pourrait être différent cette fois. Que je pourrais être un homme meilleur, pour elle. Quand j’ai vu ce regard dans ses yeux, au moment où ce mec a promis l’éternité à sa nana, j’ai compris.

Elle ne m’a jamais regardé de cette façon.

La vérité me déchire les entrailles en une fraction de seconde, mes pires angoisses se confirment. Devant elle, j’ai mis mon âme à nu, je me suis ouvert à elle, pour ne rien lui cacher de ma laideur, de ma monstruosité, en espérant qu’elle pourrait aimer l’homme que je suis, cassé, perdu.

Mais j’aurais dû le savoir, jamais elle ne m’aimerait.

Je ne suis pas assez bien pour elle. Je ne serai jamais assez bien pour une fille comme elle.

Elle était ma dernière chance et je l’ai perdue. Mes crimes sont trop grands pour que je puisse trouver le pardon maintenant.

Dex me dévisage, il respire fort, et vite, et je vois le désespoir infini dans ses yeux, l’envie qu’il a de me croire et comment il est tout entier séquestré par son passé. C’est fou, après tout c’est à peine si je le connais, pourtant le voir souffrir ainsi m’est insupportable. C’est comme si je l’avais dans la peau maintenant, au sens littéral du terme, il est en moi tout autour de mon cœur, et je sens sa douleur comme si elle était la mienne.

J’ai vite fait de trouver ce qu’il me faut. En dépit de nos plaisanteries, je ne suis pas une fille très sophistiquée et bientôt je me dirige vers la caisse. Pourtant quelque chose m’arrête net à l’entrée du rayon où sont vendues les capotes.

J’hésite.

Je n’en ai pas apporté avec moi. Je prends la pilule depuis des années pour essayer d’atténuer la douleur des crampes, mais aujourd’hui, avec la façon dont Dex me regarde… Alors je me précipite. Le choix est sidérant. Des préservatifs par dizaines, de toutes sortes, nervurés, lubrifiés, aromatisés…

Pour la centième fois peut-être, je me reproche mon manque d’expérience en matière de sexe. J’ai passé trop de temps à languir après Hunter, jamais je n’ai eu le genre de relation qu’ont mes amies. Le jour d’après, devant un petit déjeuner, les confidences, l’échange de ragots… Tout ça. En fait, j’ai l’impression d’être vierge. C’est à la fois excitant et terriblement usant pour les nerfs.

Mais aujourd’hui, je suis sur le point de découvrir toutes ces choses sur lesquelles j’ai fantasmé.

- Tu es là !

À la voix de Dex derrière moi, je me fige. Oh non. Il regarde autour de lui, puis reporte son attention sur moi, et sur ses lèvres se dessine un grand sourire.

- Tu penses à tout, je vois. J’aime les filles prévoyantes.

Je toussote, à cet instant je voudrais que la terre m’engloutisse tout entière. Tu es une femme et tu as envie de coucher avec lui, je me sermonne. Tu n’as pas à te sentir gênée parce que tu achètes des préservatifs.

Je fais de mon mieux pour rester cool et soutiens son regard avec le même sourire.

– Qu’en penses-tu ? Une boîte ou deux ?

Je note la surprise dans ses yeux et j’en ressens un sentiment de victoire. Pour une fois, c’est moi qui le choque.

– Deux, finit par répondre Dex. Pour commencer. Mais pas ceux-là, ajoute-t-il quand je prends une boîte dans le rayon.

– Pourquoi pas ?

Il me fait un clin d’œil.

– Prenons plutôt le modèle extra-large.

J’en reste bouche bée et je m’entends émettre une sorte de hoquet quand Dex s’empare d’une boîte qu’il jette aussitôt dans mon panier. À nouveau, je suis prise de vertiges, mais à ce moment il pose la main dans le creux de mes reins et m’entraîne vers la sortie. Je reste plantée là, silencieuse, pendant que la caissière scanne et emballe mes articles.

Chaque fois que je crois avoir le dessus sur lui, Dex fait en sorte de me prouver que je me leurre.