Extraits

—Bonne nuit, Kaden.

Je lui ai tourné le dos pour me diriger vers la porte.

—Allie ?

Je me suis arrêtée et me suis tournée vers lui. Il s’était redressé à nouveau. Son sourire avait disparu.

—J’ai menti, a-t-il dit, l’air songeur.

J’entendais qu’il s’efforçait de parler distinctement, mais les mots sortaient lentement, lourdement, comme si sa langue lui collait au palais. Sa voix était encore plus grave que d’habitude.

—Comment ça ? ai-je demandé en éteignant la lumière.

—La robe, a marmonné Kaden.

Je l’ai entendu se couvrir avec la couette.

—Elle t’allait trop bien !

J’ai refermé la porte en souriant.

J'ai perdu la bataille que je livrais contre moi-même et je me suis mise à pleurer. Pas fort, pas bruyamment, j'étais trop épuisée pour ça. Mais les mots non formulés se sont échappés sans bruit du coin de mes yeux et ont coulé, une larme après l'autre, finissant par former une grand tâche humide dur le tee-shirt de Kaden

J’ai entendu un bruissement suivi d’un véritable vacarme. Kaden a laissé échapper un juron.

— Je me suis levé si vite que j’ai trébuché.

J’ai ri tout en essuyant mes yeux humides.

— Je me blesse et tu ne trouves rien de mieux à faire qu’éclater de rire ? a grogné Kaden, mais j’ai senti qu’il se réjouissait de mon appel.

« White.

J’ai fixé le nom inscrit à côté de la sonnette. Tout en inclinant légèrement la tête, j’ai levé le doigt, m’apprêtant à sonner, puis je me suis figée, me ravisant à la dernière minute. Les lèvres pincées, les poings serrés, j’ai fait défiler dans ma tête les événements des derniers jours.

Après des semaines de disputes incessantes avec mes parents, et au terme d’un trajet de 1736 km, soit vingt heures de route, j’étais enfin arrivée à Woodshill. J’avais déjà passé deux nuits dans une auberge de jeunesse délabrée et si, durant les premières heures, j’avais été plusieurs fois sur le point de rebrousser chemin, j’avais les idées beaucoup plus claires à présent. Oui, j’avais réussi. J’étais bel et bien là.

Certes, mes débuts à Woodshill ne correspondaient pas franchement à ce que j’avais imaginé. Je m’étais naturellement renseignée de loin sur mon nouveau lieu de résidence. Je connaissais les montagnes de l’Oregon, ses forêts et aussi le campus grâce à mes recherches sur la Toile. La veille, j’avais participé à la journée d’intégration du premier semestre, puis j’avais commencé à visiter les appartements que j’avais auparavant sélectionnés sur Internet. Peine perdue apparemment, car jusqu’à présent, c’était un[…] »

— C’est un colocataire que je cherche, pas une colocataire.

Il a insisté sur le « une » avec un mépris indicible.

Des signaux d’alarme clignotaient à intervalles réguliers dans ma tête. Les autres visites avaient été éprouvantes, mais celle-ci les surpassait toutes.

— Tu as une idée de ce que j’ai enduré ces deux derniers jours ? ai-je lancé, sentant mon cœur s’emballer. Un type en maillot de corps dégueulasse a voulu connaître mon tour de poitrine. On m’a demandé trois fois des faveurs sexuelles en échange d’une chambre. Ensuite, une fille m’a fait comprendre que, si je voulais sa piaule, il faudrait que je garde son mioche ! Et par deux fois, j’ai failli assister à une partie de jambes en l’air entre mes colocataires potentiels !

Au diable les règles Allié. Elles étaient vouées à l'échec a l'instant même où je t'ai vu

Grâce à Dawn, je savais désormais que l'amitié existait vraiment. L'amitié désintéresser. Pas celle qu'on feint uniquement pour tirer le maximum de profit d'une personne. L'amitié sans la pression de toujours faire mieux que l'autre.

— Mon Dieu, tu es tellement imbu de ta personne que j’en ai la nausée. Premièrement, on n’était pas à poil : au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, j’avais des dessous.

— Oh si, crois-moi, je l’ai remarqué, a dit Kaden.