Extraits

Sur la dernière photo quej'avais vue de Lucie, joues rondes, sourire dévoilant un appareil qui lui dessinait la dentition en noir, c'était une gamine qui m'avait laissé d'autant plus indifférent que je n'aime pas les enfants en général. Et puis, la vision de son appareil coûteux m'avait énervé. Comme les Américains, tout le monde aura bientôt les dents alignées et régulières sous peine d'être considéré comme un pauvre, incapable de se payer la norme, de plus en plus coûteuse, mais toujours ennuyeuse, comme toutes les normes. Lesquelles se multiplient à l'âge adulte. Ô mon époque, la plus moutonnière de notre histoire et à qui l'on a réussi à faire croire qu'elle était la plus individualiste.

C'était le weekend de la Toussaint.J'avais bouclé un sac en vitesse, tout en m'efforçant de ne rien oublier d'essentiel à ma survie pendant ces vacances improvisées à la campagne. Pas la campagne civilisée genre Normandie ou Bretagne que je pratique souvent, non, la vraie campagne, celle que je redoutais d'autant plus que je ne la connaissais pas.

Anne-Marie venait de descendre. Elle avait mal dormi et maquillé son visage bouffi pour camoufler les dégâts. Je suis toujours étonné que les femmes ne comprennent pas qu'en cachant, on révèle.

Je l'ai souvent observé chez les criminels. Le mensonge direct est la pire des solutions. Alors qu'en restant au plus près de la vérité, ou même en choisissant le silence, ils ont de bien meilleures chances de s'en sortir.

Anne-Marie, visage nu, assumant ses yeux gonflés et son teint pâle, aurait eu l'air plus jeune qu'avec la tête de momie que lui prêtait sa poudre épaisse.