Extraits

Aimer un homme aussi cassé que je le suis moi-même, ça n'a pas de sens. Deux névrosés ensemble, dans une symbiose parfaite de leurs déviances. On ne peut pas se sauver, on peut seulement faire naufrage main dans la main.

Elle n'est pas Belle perdue dans un champ de rose, elle est la rose elle-même, magnifique et dévoré d'épines.

Le manoir aux tours ancestrales et plongé dans les ténèbres. Aucune lumière ne vient rompre son austérité. Il palpite des horreurs qu'il a abrité.

Medora Keenan ressemble à un succube désirant aspirer mon fluide vital. La question est à présent de savoir si, derrière son beau visage de poupée, il n'y aurait pas en prime l'ombre d'une tueuse qui se cacherait ?

- Vous êtes matinale.

- J'ai du mal à dormir lorsque je suis seule dans mon lit.

- J'ai du mal à dormir lorsqu'il y a quelqu'un dans le mien, rétorqué-je pour calmer ses ardeurs.

Sa douceur me foudroie, ne convient pas à l'image que je suis en train de brosser d'elle. Elle me déstabilise, comme si je faisais face à un écran de cinéma et que je regardais plusieurs films de Medora en même temps; chacun de ses rôles est différent.

Je veux que tu aies envie de moi, Jensen, et que ton désir devienne tellement fort qu'il te rende fou. Je veux que tu tombes amoureux de moi, et que ton amour finisse par t'étouffer. Je veux que tu sois obsédé par moi, et que ton obsession devienne ta seule addiction. Je veux être tatouée sur chacun des pans de ta vie, ancrée sur ta peau comme une marque au fer rouge. Que tu ne remarques plus que moi dans une pièce pleine de monde. Que tu ne penses qu'à moi lorsque tu es seul. Je veux être ton univers, Jensen Caldwell.

Je ne peux pas m'empêcher de la trouver sublime, ainsi agenouillée devant moi, les yeux brillants. Comme une idole sacrée. Une offrande, dans un conte de fées lugubre.

Une princesse de ténèbres.

Je devine la lutte intérieure qu'il mène. Elle le magnifie. J'aime qu'il soit dévoré par le doute, par son envie, par la mort. Que celle-ci embrasse sa vie.

Comme elle berce la mienne.

"Nos corps se veulent. Nos âmes se supplient. Et je ne sais pas ce qui restera de nous à la fin."