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Puisqu'il n'y avait plus de nourriture, je décidai de manger tous les mots: je lus le dictionnaire en entier.
Afficher en entierPlus tard, j'appris l'étymologie du mot "maladie". C'était "mal à dire" . Le malade était celui qui avait du mal à dire quelque chose. Son corps le disait à sa place sous la forme d'une maladie. Idée fascinante qui supposait que si l'on réussissait à dire, on ne souffrait plus.
Afficher en entier"Les habitants de jamais n'ont pas d'espoir. La langue qu'ils parlent est la nostalgie. Leur monnaie est le temps qui passe : ils sont incapables d'en mettre de côté et leur vie se dilapide en direction d'un gouffre qui s'appelle la mort et qui est la capitale de leur pays."
Afficher en entierLa faim, c’est moi.
(…)Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours crevé de faim.
(…)Encore faut il préciser que ma faim est à comprendre en son sens le plus vaste : si ce n’avait été que la faim des aliments, ce n’eût pas été si grave.
(…)Par faim, j’entends ce manque effroyable de l’être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l’utopique plénitude qu’à la simple réalité : là où il n’y a rien, j’implore qu’il y ait quelque chose.
(…)La faim, c’est vouloir. C’est un désir plus large que le désir. Ce n’est pas la volonté, qui est force. Ce n’est pas non plus une faiblesse, car la faim ne connaît pas la passivité. L’affamé est quelqu’un qui cherche. (…) Il y a dans la faim une dynamique qui interdit d’accepter son état. C’est un vouloir qui est intolérable.
(…)Des mon plus jeune age, j’ai souffert de la pénible impression de ne recevoir jamais que la portion congrue. Quand la barre de chocolat avait déjà disparu de ma main, quand le jeu s’arrêtait sans transe, quand l’histoire se terminait de si insuffisante manière, quand la toupie cessait de tourner, quand il n’y avait plus de page au livre qui pourtant me semblait commencer à peine, quelque chose en moi se révoltait. Quoi ! On m’avait bien eue !
Afficher en entier"L'anorexie m'avait servi de lecon d'anatomie. Je connaissais ce corps que j'avais décomposé. Il s'agissait à présent de le reconstruire. Bizarrement, l'écriture y contribua. C'était d'abord un acte physique: il y avait des obstacles à vaincre pour tirer quelquechose de moi."
Afficher en entier"Esclave, il l'était d'abord de lui-même: je n'ai jamais vu quelqu'un exiger de soi autant de travail, d'effort, de rendement, d'obligations. Esclave, il l'était ensuite par sa facon de se nourrir: perpétuellement affamé, attendant avec une douloureuse impatience une pitance qui n'était pas famélique mais qui en avait l'air, à en juger par la rapidité à laquelle elle était avalée. Esclave, enfin, de son incompréhensible conception de la vie, qui était peut-être d'ailleurs une absence de conception, ce qui ne l'empêchait d'en être esclave."
Afficher en entier"J'avais faim de ma soeur et de ma mère. J'avais besoin qu'elles me prennent dans leurs bras, qu'elles me serrent, j'avais faim de leurs yeux posés sur moi."
Afficher en entier"A présent que je ne mangeais plus, j'étais d'une activité physique et mentale intense. J'avais vaincu la faim et je jouissais de l'ivresse du vide. En vérité, j'étais au paroxysme de la faim: j'avais faim d'avoir faim."
Afficher en entier"Je croyais donc en Dieu sans m'en exclure-et sans en parler, car j'avais bien compris que la question n'était pas en odeur de sainteté à la maison. C'était une foi secrète que je vivais en silence, sorte de croyance paléochrétienne mâtinée de shintoïsme."
Afficher en entier"Il mange à une rapidité effrayante, ne mâche rien, et avec une telle angoisse qu'il semble n'y prendre aucun plaisir. Je suis toujours étonnée quand j'entends des gens le qualifier de bon vivant. Sa rondeur les trompe: c'est l'anxiété personnifiée, incapable de jouir du présent." (Amélie parlant de son père)
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