Extraits

Mais il riait, l’euphorie rougissant ses joues. Son souffle s’échappait de ses lèvres, brûlant. Des flocons s’éparpillaient sur ses cils clairs. Ses mains étaient posées de part et d’autre de mon visage. Sa poitrine s’appuyait contre la mienne. Son ventre touchait le mien. Il arrêta de rire. Le froid aurait dû m’engourdir,mais j’eus l’impression que mes sensations s’enflammaient. Juste là, au-dessus de moi, il me regardait, son souffle chaud ricochant sur mes lèvres. J’entendais son cœur, sa respiration, son silence.

Je sentais son poids, sa chaleur, sa présence.

Je regardai ses yeux, sa peau, sa bouche.

Et je l’embrassai.

Peu à peu, avec le feu, avec ses mains, avec ses lèvres, il faisait revenir de la chaleur en moi. Plus je fondais, plus ma poitrine devenait douloureuse. Je suffoquais, incapable de gérer toutes ces émotions qui étaient plus létales que l’eau noyant mes poumons. J’avais peur. J’étais cassé. J’étais terrifié. J’étais brisé. En mille petits morceaux de neige.

— Je voudrais être aimé.

Sa déclaration, si inattendue, me laissa silencieux, me vola ma voix et mon souffle. Je restai immobile, abasourdi. Voyant que je ne répondais pas, il se retourna, un air inquiet troublant ses yeux plus clairs que le ciel :

— Est-ce que ce n’est pas bon, ça non plus ?

— Non, non, repris-je. Non, c’est un très bon nom. C’est parfait, même.

Un grand sourire anima son visage et il sautilla jusqu’à se retrouver en face de moi.

— Alors, alors, je suis Aimé, maintenant ? demanda-t-il, débordant de joie.

L’air revint à nouveau dans ma poitrine. Un sourire naquit sur mes lèvres.

— Oui, tu l’es.

Je me trouvais un peu ridicule, à l’attacher tout en marmonnant des excuses, mais je devais avouer qu’il s’agissait de mon tout premier otage et j’ignorais comment ça se gérait, un otage.

Il posa le bout de ses doigts sur la peau de mon cou. J’appréhendais la douleur de son contact, mais je ne ressentis rien de tout cela. Très vite, son toucher se mua en un voile délicat et apaisa les cicatrices que m’avait laissées la magie précédente. Une sensation de froid glissa le long de ma gorge, délivrant ma trachée jusque-là écrasée, effaçant la douleur, terrassant mes craintes.

Petit à petit, ma respiration revint à la normale. J’aurais dû, à cet instant, me redresser, le remercier, parler.

Mais j’en étais incapable.

J’étais perdu quelque part entre son visage et la caresse de ses doigts contre ma peau. Des frissons me secouaient. Des frissons qui n’avaient rien à voir avec le froid ou la peur. C’était un trouble inconnu qui agitait ma peau, tressaillant à chacun de ses effleurements, noyant ma poitrine d’une chaleur qui me montait à la tête. Je ne sentais que ses doigts, je ne voyais que ses yeux qui se plongeaient dans les miens, eux aussi soumis à cette étrange magie, que sa bouche qui était si proche, que ses joues qui étaient chaudes et roses. Je regardais ses lèvres entrouvertes, je sentais le parfum de terre qui noyait ses cheveux. J’aspirais à connaître tout de ses couleurs, de la chaleur de sa peau, du parfum de ses lèvres. Là où ses doigts se posaient, une traînée brûlante les accompagnait, et bientôt embraser ma gorge ne lui suffit plus et il remonta vers mon visage, longeant ma mâchoire, suivant le dessin de ma tempe, effleurant le tracé de ma pommette, approchant le bout de ses doigts du bout de mes lèvres. Il détaillait chaque courbe de mon visage comme s’il les voyait pour la première fois et à la fin de leur périple, ses yeux se posèrent sur mes lèvres.

Il s’allongea et se lova contre moi. J’en restai interdit, incapable de bouger ou de respirer. Il était juste venu s’installer à mes côtés, pressé dans mon dos au point que je sentais son souffle chaud caresser ma nuque. Il tremblait un peu, et je compris que le feu étant éteint, il devait avoir froid. La tension dans mes muscles se relâcha et je respirai à nouveau. Je n’eus pas le cœur de le repousser, ni même de lui faire savoir que j’étais réveillé. De toute façon, sa chaleur était agréable, et le sommeil finit par me gagner et chasser mes angoisses.