Extraits

— D’après le docteur, tu devrais être très vite remis, il repassera dans quelques jours pour vérifier tes blessures et retirer les files. En attendant, il va falloir que tu évites de trop bouger, je lui rappelle puisqu’il somnolait quand Dr Frank le lui a dit. Miss Busby te préparera une autre infusion demain matin, pour le moment, repose-toi, et surtout, ne te lève pas, ok ?

Je contourne le lit pour ajuster sa couverture. Shango agrippe subitement mon poignet. Je relève les yeux vers lui et il m’adresse un regard bienveillant.

— Ça va, James, ne t’en fais pas, me rassure-t-il d’une voix molle.

— Bien sûr que si, je m’en fais !

— Je suis plus fort que j’en ai l’air.

Je secoue la tête. Il tire légèrement sur mon bras, m’incitant à m’asseoir au bord du lit.

— Tu étais peut-être le plus grand guerrier Anïbäsa, mais même les plus forts ressentent la douleur, je lui dis plus près de lui. Et je ne supporte pas que tu puisses avoir mal. Je n’arrive pas à croire que je sois celui qui ait proposé cette cérémonie… Je ne la regrette pas, grâce à elle tu es enfin libre, mais je me sens responsable, j’ai l’impression de t’avoir moi-même infligé ça.

— Ne dis pas ça. Tu n’as pas à te sentir coupable, tu m’as aidé et je t’en suis infiniment reconnaissant. Je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi, James.

— J’aurais dû faire plus.

— Tu es injuste avec toi-même.

Sa poigne toujours autour de mon bras descend sur ma main.

— Cette douleur est passagère, continue-t-il lentement. Mais la vie que tu m’as offerte, elle, durera.

— J’aurais aimé que tu puisses revoir ton pays.

L’ombre d’un sourire déride son expression toujours si sérieuse. Il replace une bouche blonde derrière mon oreille et me dit d’une voix habitée par le sommeil :

— Ça ne fait rien… La beauté est partout, et toutes ces choses que j’aimais tant près de mon village, je les retrouve en toi. Tu as la couleur du soleil...

Son regard navigue sur ma chevelure blonde.

— Tu as le don de trouver les bons mots, je lui souris malgré tout.

« C’est ce que le lien produit, il comble un vide jusque-là insoupçonné, terminant l’être que nous étions destinés à être. Et lorsque ça se produit, tout devient soudain plus clair.

— Tu as tort. Tu es ma force, Tarkan. »

« Entre mes mains, il devient ma propre partition, et je suis déterminé à lui jouer plus d’un morceau ce soir. Je sais exactement comment lui donner du plaisir, comme un nouvel instinct développé avec notre lien. »

Le Tarkan Özkan que j’ai rencontré à Londres a beaucoup changé, il a fini par comprendre qu’une guerre engendre des sacrifices, et que les dommages ne peuvent pas être tous pardonnés. Je m’emploie chaque jour à le préparer à la vie pour laquelle il s’est engagé en se liant à moi, et le rallier contre mes ennemis était la première étape. Notre voyage à Moscou le mettra à l’épreuve, il a voulu entrer dans un monde sans en connaître toutes ses étendues, mais je le sens prêt à y faire face. Il porte peut-être déjà les couleurs et le nom des Rosebury, mais il n’a pas encore l’âme d’un Lycan. Et il est temps d’y remédier.