Extraits

Dans ce jardin, sept gardiens veillaient sur sept fleurs, les plus précieuses du monde aquatique. Chacun d’eux avait le devoir de protéger la fleur qui lui avait été attribuée pour le restant de ses jours. Elles survivaient en absorbant la lumière et l’énergie lunaires et ne pouvaient éclore que les nuits de pleine lune. Mais si les gardiens étaient si agités, c’est que cette nuit-là n’était pas comme les autres. C’était une nuit de lune bleue. Autrement dit, de n’importe laquelle de ces fleurs pouvait naître une fille de la Lune. Il était toutefois très peu probable que cela arrive : la dernière naissance d’une sirène Aysun remontait à tant d’années qu’on ne trouvait quasiment plus personne qui s’en souvienne. Depuis qu’il était gardien, Aron avait déjà vécu deux lunes bleues, et il ne s’était rien passé.

Le dragon se jeta en piqué vers Isla et Lucas en crachant une boule de feu. Il allait les toucher ! Pris de panique, les deux amis s’immergèrent dans la lagune pour éviter la flamme, qui manqua de peu de leur calciner la peau. Le terrible monstre vola au ras de l’eau et ils durent s’enfoncer un peu plus sous la surface pour tenter de passer inaperçus. Si le regard glacial du dragon venait à détecter ce qui se cachait là-dessous, ils étaient perdus…

Mais le monstre passa son chemin et poursuivit jusqu’au rivage.

Quelques secondes plus tard, ils sortirent la tête de l’eau et constatèrent que le dragon prenait la direction du Festival de la lune des fraises, qui grouillait d’humains. Ils échangèrent un regard alarmé, et sans un mot ils se mirent à nager vers le quai. Tout cela n’augurait rien de bon.

Cette nuit-là, dans le jardin des Fleurs de Lune, l’ambiance était plus animée que d’habitude. Le lieu, d’ordinaire tranquille et silencieux, vibrait au son des murmures et des chuchotements exaltés venus troubler la spiritualité du fragile écosystème. Dans toute la lagune, il n’y avait pas d’endroit plus extraordinaire que celui-là. Chaque millimètre du jardin respirait la magie et même le moins perspicace des observateurs aurait compris que quelque chose de merveilleux pouvait y advenir à tout instant.