Extraits

Pourtant, malgré la terreur qu’elle avait éprouvée, elle se sentait étrangement euphorique. Pour la première fois de sa vie, elle avait affronté la mort… et gagné.

Si seulement elle avait pu faire preuve du même courage lors de l’enlèvement de Kerry… Car, en dépit de tous les efforts de la police et de nombreux appels à témoin, Kerry n’avait jamais été retrouvée. Ni son ravisseur.

Après avoir nettoyé les traces de sang sur sa combinaison et sa planche de surf, Charley grimpa au sommet d’une dune de sable pour inspecter de plus près les dégâts. Par chance, elle s’en était tirée avec seulement quelques bleus et éraflures. C’était surtout pour sa précieuse planche qu’elle s’inquiétait. La violente collision avec le requin avait laissé des traces : le nez de la planche était fendillé sur plusieurs centimètres.

Charley prit la décision de modifier sa trajectoire. Si elle parvenait à frapper le requin de plein fouet avec sa planche, cela lui laissait une infime chance de sauver Bud.

Elle n’eut pas le temps de réaliser à quel point ce plan était insensé et dangereux. Sa planche entra en collision avec le prédateur, l’éjectant par-dessus bord sous la violence de l’impact. Elle plongea tête la première dans la mer et se retrouva secouée en tous sens par les vagues déchaînées. L’eau rugit dans ses oreilles et s’engouffra dans sa bouche. L’espace d’une seconde, Charley crut qu’elle allait se noyer. Puis les flots se calmèrent, la laissant remonter et briser la surface blanche d’écume.

Seule Charley ne bougea pas d’un pouce. Requin ou pas, il était hors de question pour elle de laisser passer cette vague. Sa vague. Un mur d’eau puissant, chargé d’écume, qui promettait de former un rouleau parfait. Et si le prix à payer, c’était de finir en pâtée pour requin, alors Charley n’y voyait pas d’inconvénient. Dans sa courte existence, elle avait déjà dû faire face à deux tragédies, qui l’avaient rendue particulièrement lucide au sujet de la vie. Tout était joué d’avance, il était inutile d’essayer d’échapper à son destin.

Lorsque la vague commença à gonfler derrière elle, Charley s’allongea sur sa planche et se mit à crawler. Elle pouvait sentir toute la force de l’océan, grisée par la sensation familière de l’adrénaline se déversant dans ses veines tandis qu’elle gagnait en vitesse… Mais au moment où elle se mit debout, le requin jaillit de l’eau. Un grand blanc, de plus de quatre mètres de long.

Charley invoqua la vague de toutes ses forces. Elle ressentait le besoin de surfer au maximum de ses capacités, de se trouver au cœur d’un rouleau. Seul l’océan avait le pouvoir de noyer ses souvenirs de l’enlèvement de Kerry et de la mort de ses parents deux ans plus tard, des suites d’un détournement terroriste.

Il portait une combinaison de surf sans manches qui mettait en valeur sa musculature développée et sa peau hâlée. Une touffe de cheveux blonds lui retombait devant les yeux, cachant en partie son visage rieur. C’était un très beau garçon. Pourtant, Charley n’avait pas souvenir de l’avoir déjà rencontré.

Le regard de Charley se posa sur l’horizon, là où le ciel rencontrait l’océan. C’était une belle journée d’été ensoleillée, et l’onde tiède venait lécher sa planche de surf. Pourtant, Charley éprouvait comme un mauvais pressentiment.

D’instinct, elle jeta un regard alentour, mais vit seulement d’autres surfeurs qui, comme elle, tanguaient sur les flots en attendant de prendre une vague digne de ce nom. Elle reporta son attention sur l’horizon, bien déterminée à ne pas se laisser envahir par les vieux souvenirs qui la hantaient.

Mais avant que son amie n’ait pu réagir, l’homme lui braqua un Taser contre le cou, lui infligeant une décharge électrique d’un million de volts. La fillette poussa un hurlement, le corps secoué de violents tremblements, avant de retomber inerte, les yeux révulsés. L’homme l’empoigna alors par les bretelles de son sac à dos et la jeta dans son véhicule.

Dans la chaleur cuisante du soleil californien, un 4 x 4 métallisé aux vitres teintées s’engagea dans une rue tranquille d’un quartier résidentiel. L’homme au volant repéra rapidement une fillette blonde qui marchait sur le trottoir d’un pas insouciant, la pointe de sa queue-de-cheval balançant au gré de ses mouvements. Elle ne devait pas avoir plus de dix ans.