Bonne Nuit Punpun!, Tome 13

Voilà un manga, et une histoire, qui m'auront fait passer par toutes les émotions imaginables !

Depuis le début, on suit l'histoire de Punpun, petit garçon qui se retrouve confronté à des difficultés le jour où son père envoie sa mère à l'hôpital suite à une dispute. À partir de là, on a l'impression que Punpun subit sa vie, qu'il la regarde défiler sans réellement en faire partie… c'est une sensation étrange qui s'est emparée de moi en avançant dans l'histoire. Car en effet, au début, pendant les premiers tomes, on se prend d'affection pour le petit Punpun qui a l'air vraiment malheureux et dépressif même.

Par contre, le temps passe, les tomes s'enchaînent… et là ! Punpun devient quelqu'un de vraiment abject et détestable… alors oui, on peut essayer de lui trouver des excuses, la vie n'a pas été tendre avec lui, mais n'est-ce pas le lot de chacun ? C'est un manga très intéressant, justement à cause du fait qu'il nous fait tout d'abord aimer Punpun, et le prendre en pitié, pour petit à petit nous faire douter de chacun de ses actes et de chacune de ses décisions.

Je pense me pencher sur d'autres œuvres de cet auteur, car il m'a franchement convaincue.

Un manga inoubliable !

Une fin moins sombre que je m'y attendais.

Spoiler(cliquez pour révéler) j'aurai bien aimé enfin voir le visage de punpun

Une très bonne fin, à la mesure de toute la série !

C’était dur, intense et ça a remis en question plein de chose (notion de moral, du bien et du mal, des limites, des normes sociales, etc.) mais c’était une très bonne lecture.

Attention, c’est à destination d’un public averti ! La violence (montrée ou suggérée) est omniprésente !!

Retour complet sur l’œuvre (spoilers)

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Il fait bon de rappeler les prémices de cette lecture qui sont tout aussi importants que celle-ci en elle-même. J'ai commencé à lire Oyasumi Punpun quelques semaines après mon premier Asano, qui était Solanin. Avec ce premier manga, j'ai pu voir la maîtrise du mangaka dans la compréhension du monde réel et son véritable talent pour retransmettre cette réalité. De facto, mes espérances étaient des plus élevées (je vous invite à lire mon avis dans le topic dédié), bien qu'elles fussent assez différentes. En effet, Solanin avouait une certaine douceur, qui faisait l'éloge de la vie, toujours depuis le prisme de l'existentialisme. A contrario, j'attendais une violence plus crue dans Oyasumi Punpun, même si la finalité devait se finalement être peu ou prou la même chose : difficile pour une personne de changer sa vision si marquée du monde, en une seule année. Et véritablement, je peux le dire, je n'ai pas été déçu. Loin de là. Oyasumi Punpun a su marquer un point d'orgue dans ma mangagraphie actuelle. Et rares sont ceux qui ont réussi à me pousser aussi loin.

Peut-être faut-il rappeler la nature de ce manga, parce qu'il est intéressant de voir comme il se caractérise en lui-même. Dans une interview, Asano qualifiera lui-même Oyasumi Punpun d'une « histoire d'amour », d'une « romance » et en découlera quelque chose qui ressemble à un « road movie ». C'est très particulier et très intéressant de noter cela. Ainsi, Asano désire placer son focus sur la relation entre Aiko et Punpun, bien que celle-ci ne soit pas vraiment extensive dans le manga. On verra en effet, l'ombre de cette relation planer pendant l'intégralité de l’œuvre, mais elle n'est représentée, stricto sensu, que pendant une bonne moitié du manga. Et la présence d'Aiko est encore plus faible avec moins de 30% d'apparitions effectives ! Malgré tout cela, Asano met dans une sorte de second plan, toutes les intrigues parallèles : c'est un choix assez subtil, car on comprend facilement le mal-être de Punpun dans la réalité : tout ce qui lui arrive en dehors de sa relation avec Aiko n'est qu'une futilité, ou plutôt une nécessité qui est le prix à payer pour rester en vie. En cela, on peut vraiment s'interroger sur la relation entre Punpun et Aiko, puisqu'elle est centrale au sein d'Oyasumi Punpun.

Je voulais aborder ce sujet à la fin, comme la voûte d'ogive du manga, mais je me suis rendu compte qu'il était nécessaire de traiter cela au départ, car tout découle de cette relation. Il m'était venu à l'esprit que la relation entre les deux protagonistes était sadomasochiste. En réalité, je pense que cette vision n'est pas exacte : il s'agirait, à mon sens, plutôt d'une relation auto-destructrice, mais sans volonté originelle de destruction. Pour comprendre cela, il faut parler de ce couple au travers du symbolisme extrêmement bien ciselé tout au long du manga.

Les premiers chapitres annoncent directement la couleur. Punpun se fait offrir un télescope et, rapidement, identifie dans le ciel étoilé un groupement d'étoiles qui est le Triangle de l'été. Il s'agit d'un triangle composé par Vega, Altaïr et Deneb. A première vue, ça semble sans intérêt, mais la chose devient plus évocatrice quand on parle de Qixi (Le Bouvier et la Tisserande). Cette légende chinoise raconte l'histoire de Niúláng, un buffle (dans la version originelle), qui rencontre sept fées se baignant dans un lac. Il vole alors les vêtements de celles-ci et la plus jeune, Zhīnǚ est invitée à les récuper auprès de Niúláng. Mais ce dernier la voit nue et elle est contrainte d'accepter sa demande en mariage. Leur amour est néanmoins réel et ils vivent des moments heureux, jusqu'à ce que la déesse des cieux découvre cela et décide de séparer les deux amoureux, en coupant le ciel de son épingle à cheveux. Niúláng est Altaïr. Zhīnǚ est Vega. Et cette coupe dans le ciel est la Voie Lactée. Pourtant, une fois par an, les étoiles se retrouvent dans le ciel. Près de Deneb. Le nom latin de cette étoile est Alpha Cygni, ce même cygne blanc qu'est devenue Sachi. Tout au long du manga, on pourra faire le parallèle avec cette histoire : la déesse des cieux n'est que cette réalité qui séparera les deux individus, les empêchant de trouver le bonheur. Et il faut rappeler que Aiko et Punpun se retrouvent après la relation entre ce dernier et Nanjo. Si cela n'est pas suffisant, il ne faut pas oublier que Punpun affiche des cornes dans la dernière partie du manga : si on pourrait croire qu'il s'agisse des cornes du diable, ce sont en fait les cornes du buffle. Enfin, on pourra retrouver ce symbolisme du triangle lorsque Punpun décide de prendre l'apparence d'un tétraèdre, le plus simple des polyèdres, mais aussi cette forme uniquement composée de triangle.

Je pense que la symbolique a été bien épuisée, donc me faut donc passer à ce qu'il y a autour, l'essentiel, à vrai dire. L'histoire d'amour entre Aiko et Punpun est réelle. Pourtant, elle échoue à chaque fois : selon moi, Aiko avait besoin d'une personne sur laquelle est pouvait compter, à cause de sa belle-mère. Punpun a été le premier arrivé et Aiko s'est naturellement dévouée vers lui. Malheureusement, Punpun a eu une enfance particulière et les conflits entre sa mère et son père ne l'ont pas aidé à avoir une stabilité émotionnelle (difficile de prodiguer de l'amour convenablement quand on ne l'a jamais – et s'il vous plaît, nuancez bien ce « jamais » comme il le faut, tous les personnages l'aimaient à leur manière – reçu). Aiko avait besoin de Punpun et Punpun avait besoin d'Aiko. Mais ni l'un, ni l'autre n'avait la carrure pour subvenir aux besoins de l'autre, aussi dévoué étaient-ils. C'est en cela que leur relation est autodestructrice : ça n'est qu'une finalité et une fatalité de leur situation, il n'y avait pas d'autres échappatoires.

C'est parce que Punpun n'a pas reçu l'éducation émotionnelle nécessaire qu'il a échoué dans ce qu'il voulait obtenir (son amour avec Aiko et tout ce qui a découlé). Malgré cela, on peut se rendre compte que ça n'était pas si dérangeant que ça à lire : on ne s'est pas nécessairement dit que Punpun était un grand malade mental et psychotique, justement parce que cela était justifié par les événements qu'on connaissait. En effet, toute l'histoire est narrée depuis son point de vue. Nous sommes dans la définition la plus totale d'un slice of life, voire bien plus, puisque c'est son parcours de onze à vingt ans qui nous est montré. Ainsi, on voit un personnage qui est tiraillé par ses rêves et par le poids de la réalité. Et malheureusement, c'est toujours ce dernier qui l'emporte. Punpun voulait devenir scientifique. Mais c'était trop loin, trop difficile à atteindre. La réalité l'a rattrapée. Alors, il avait besoin de s'échapper de celle-ci. Il avait son Dieu, pour l'aider. Mais voilà que son Dieu n'était que la partie immergée de son psyché, la partie de lui qui comprenait la fatalité de la vie et des codes moraux. Ca n'est pas pour rien qu'il s'est crevé un œil, dans les chapitres finaux. Il fallait mettre un terme à cette insidieuse remarque pessimiste pour avancer.

De l'autre côté, le suicide d'Aiko a un sens double, à mes yeux. C'est a) d'abord le simple fait qu'elle efface ainsi les preuves et que Punpun ne sera jamais plus inculpé pour le meurtre de sa mère et b) la conscience que cette relation n'apportera plus rien de bon. C'est le dernier instant de lucidité, qui outrepasse la passion. Néanmoins, un passage rempli d'émotions est également à prendre en compte : le vœu d'Aiko de n'être jamais oublié par Punpun. Peut-être qu'Aiko s'est également suicidée pour éviter d'être seule physiquement parlant et qu'elle décide de remettre son âme à Punpun, dernier protecteur de sa mémoire.

Maintenant, ai-je vraiment envie de passer tout le reste de ce billet sur le commentaire des personnages ? Je ne pense pas, ça serait long, éprouvant à écrire et à lire. Donc je vais aller à l'essentiel : les points névralgiques qui composent le cœur de l’œuvre.

Nous ne sommes pas dans une « histoire joyeuse » et si dans Solanin, les protagonistes suivaient le courant de la vie et profitaient de celui-ci, dans Oyasumi Punpun ce même courant est dénié, on veut s'en échapper, avant de voir qu'il est impossible de sortir de son étreinte. Ainsi, tous les personnages sont dans le déni de la réalité : Yuuichi et sa culpabilité, Midori avec le viol de Punpun, Punpunmama et son désir du bonheur familial (le passage où l'on apprend que les lettres venaient d'elle était incroyable, je l'avais , Punpunpapa et la fuite de ses responsabilités.

Une seule exception à cela et c'est le passage un peu compliqué du manga, qui n'est pas forcément doué de sens à première vue : Pegasus et tous ses suivants. Punpun est un personnage qui était initialement rêveur et qui voulait sauver la Terre avant d'être rattrapé par la plus froide réalité. Au contraire, Pegasus est l'inverse absolu : il est le personnage qui va se battre quoi qu'il arrive pour ses idéaux, avec l'aide de ses camarades. Parodie avouée du héros de shônen, à vrai dire. Notez surtout qu'il a effectivement sauvé la Terre que Punpun et Aiko voulait détruire (cf. le porte-bonheur cassé avec le kanji « bonheur » qui symbolise la volonté suicidaire de Punpun). Vraiment Pegasus est l'antithèse de Punpun et il permet d'avoir un autre point de vue sur la question, ce qui est un coup de maître pour nuancer la vision unilatérale de Punpun.

En parlant de point de vue, l'autre moment très important du manga est évidemment le dernier chapitre. Pourquoi faire revenir Harumi ? Et pourquoi changer de point de vue. Pour le coup, l'explication me semble bien plus facile à comprendre. Harumi avait déménagé dans une autre ville et il n'a participé à aucune des péripéties de la trame. Ainsi, il a une vision vierge des événements. Que voit-il alors ? Punpun. Entouré de toutes les personnes qui ont été plus ou moins proches de lui durant la trame. Harumi a donc l'impression de voir un Punpun qui a réussi dans la vie, mais c'est tout le contraire. C'est l'une des clés du manga : ne pas juger sur les apparences. Il faut évidemment mettre cela en relation avec Punpunmama et son amour tacite pour Punpun.

Et quid de la fin ? Quel est son parti-pris ? Ca n'est décidément pas un « happy ending », car le poids de la réalité est toujours le même. Mais il donne de l'espoir, celui que le nouveau cycle ira mieux, sera moins pesant. Même si, cela pourrait arriver à n'importe qui, sans qu'on le sache aux premiers abords.

Pour parler un peu de la partie artistique, je le répète, c'est simplement excellent. Hormis la famille de Punpun, les traits sont très réalistes et émotifs, tout en restant assez sombres. Je pense notamment aux scènes de sexe où l'ambiance est toujours dérangeante, la nudité n'est absolument jamais empreinte de fan-service. L'ensemble est très mature et très contrôlé, n'ayez absolument aucune crainte sur cet aspect-là. Je m'attarderai aussi sur les décors qui sont absolument somptueux. Il faut savoir que Asano a utilisé de la photographie et de la modélisation 3D pour arriver à un tel résultat et, s'il dit regretter cela parce que ça détruit en partie le travail au crayon, il faut dire que les scènes sont justes magnifiques. Evidemment, ces scènes portent toutes une symbolique et c'est drôle de voir l'effet qu'elles produisent, même sans les personnages. De la même façon, les double-pages sont utilisés avec une maîtrise extraordinaire, vous en avez une compilation durant ce post.

Je devrais aussi parler de Sachi, de Yuuichi, de Seki, mais je n'en ai pas la foi (dans ce billet, mais je répondrais volontiers si on me demande). Oyasumi Punpun est une œuvre qu'il faut lire et comprendre par soi-même, parce qu'on a tous vécu de ces événements difficiles, mais sûrement pas assez difficiles, pour faire l'impasse sur ce manga.

Il aborde une multitude de problèmes qui sont aussi bien intra- que interpersonnels. Asano dresse ici une relation entre deux êtres qui est difficile, qui aurait pu être évitée, éventuellement. Et dans ce cycle de recherche incessante de l'autre, on tombe dans la dépression. Et on peut tomber très bas et commencer à disparaître de ce monde. Mais on a le choix de s'arrêter et de remonter, de voir la lumière par la bouche du puits sans fond. Même si les conséquences ont été terribles, il ne reste que nous sommes en vie. C'est le plus important est de profiter de cette vie de la meilleure des manières que l'on puisse se trouver à soi-même. Chacun est enclin à sa propre folie. Mais c'est bien parce que l'on est fou qu'il y a cette résilience à vouloir vivre, au plus profond de nous-mêmes. Le souffle de la vie est infini, et même indéfini. Malgré son absurdité, c'est la plus belle chose qui existe dans le monde. Alors, profitons-en.

Oyasumi Punpun est extrêmement difficile à lire. Mais au final, je crois qu'il porte une morale similaire à Solanin. On peut voir ce souffle de la vie de n'importe quelle façon. Je préfère choisir la douceur de celui-ci.

Je ne puis que recommander la lecture d'Oyasumi Punpun. Certes, il pourra vous faire passer par des moments terribles durant la lecture, mais la finalité est à voir. Est-ce que je peux donner autre chose que l'entrée en liste de diamant à ce manga sans défaut ?

Ca y est. Punpun, c'est fini. Et ce dernier tome était dévastant. Je ne peux vraiment pas en dire plus sans spoiler pendant des heures, je vais donc m'abstenir. Mais... Wow. Je ne m'attendais pas à ça, et je suis vraiment secoué/e, j'ai du mal à dire ce que je ressens... En tous cas, Punpun est probablement le meilleur manga que j'ai pu lire de ma vie, c'est magnifique et à lire à tout prix.