Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 732
Membres
1 013 560

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

Extrait ajouté par missbonbons 2012-01-02T15:22:50+01:00

Jeudi 18 septembre

7 h 10

Chère Marla,

Je me suis dit que ce serait un peu idiot de m’écrire à moi-même et de remplir tout un livre de commentaires uniquement pour moi.

C’est trop narcissique – je finirais par me sentir comme un de ces égocentriques New Age – alors je me suis dit que c’était aussi bien de t’envoyer toutes mes réflexions nombrilistes. Je te refile le bébé, d’accord ?

Si ça se trouve, je ne vais rien écrire du tout. En fait, ça va beaucoup mieux. Je me sens même optimiste concernant ce voyage. Ma terreur d’hier s’est envolée.

Je t’écris tôt, ce matin. J’ai déjà bu mon thé et mes bagages sont prêts. Une fois n’est pas coutume, le ciel est lumineux à Los Feliz et, cela tient du miracle, j’ai réussi à faire entrer tous mes vêtements pour le week-end dans mon ensemble de bagages léopard qui comprend, comme tu le sais, une grande valise, une moyenne, un sac à main et un sac à chapeaux. Pas mal, hein ? Je suis sûre que Coop sera impressionné que je voyage aussi léger.

Bien entendu, j’ai dû mettre les chaussures dans une malle à part, et alors ? Je la glisserai discrètement au milieu des autres bagages quand personne ne regardera.

L’un dans l’autre, je suis l’image même de la voyageuse élégante et raffinée.

J’espère que ton voyage à Paris se passera bien aujourd’hui. C’est tellement génial !

Il me tarde que tu reviennes pour que nous nous racontions tout en détail.

Bises, bises.

Gwen.

Jeudi 18 septembre

8 h 45

Zut ! Oh, mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu !

O.K., je sais, je dois respirer. Si je me mets à hyper-ventiler sur le siège arrière, ils ne s’en apercevront même pas. Ils ne découvriront mon cadavre avec mon visage bleu qu’au prochain arrêt pipi.

Marla, je ne veux pas mourir seule, sur le siège arrière, coincée entre deux planches de surf et une malle pleine de mes plus jolies paires de chaussures !

Ce serait une maigre consolation de savoir que mes go-go boots m’auront tenu compagnie jusqu’à mon dernier souffle.

Je ne peux plus les supporter ! Ras-le-bol complet, l’enfer total.

Je parle de Coop et de Dannika, pas de mes go-go boots. Comment ai-je pu envisager un jour que ça pourrait marcher avec Coop ? Puisqu’il a choisi le camp de ce Satan bio en coton organique, je ne veux plus rien avoir en commun avec lui.

Ah, ça, on peut dire qu’ils rigolent. Ha ha ha ha. Le monde est si délicieusement drôle quand vous êtes un grand et beau mec voyageant en compagnie de sa magnifique déesse hippie. Votre empotée de petite amie assise à l’arrière n’a aucune importance. Elle est seulement là pour empêcher la planche de surf de glisser.

Marla, que vais-je devenir ? J’ai été prise en otage par un superbe couple branché et bohème qui se moque des beaux bagages, des vêtements de voyage vintage et – par la même occasion – de moi.

D’accord.

Je sais ce que tu vas dire.

Respire, ralentis, reprends depuis le début.

Je vais essayer. Grâce à Dieu, je n’ai jamais été malade en voiture et j’ai l’impression que ce stylo et ce journal sont les seules choses qui m’empêchent de commettre un double homicide.

Reprenons donc depuis le début. Voyons… où en étais-je ?

Comme je te le disais, tôt ce matin, l’horizon était dégagé et ma tenue impeccable. Je portais mon ensemble vert automne à taille basse, mon manteau de voyage léopard et mes chaussures à talons aiguilles léopard – imprimé qui, comme tu le sais, est ma signature. J’ai mis un foulard vert sur ma tête et, au dernier moment, j’ai pris les lunettes de soleil Jackie O. que tu adores. Pas de fausse modestie entre nous, j’avais un chic fou. Je me suis observée dans le miroir sous toutes les coutures et je me suis dit que pour hyperglamour qu’elle soit, la copine de Coop en aurait pour son argent.

Comme Dannika arrivait de San Diego et que j’habite plus au sud que Coop, il était entendu qu’elle passerait me prendre en premier. J’ai entendu sa voiture arriver mais le temps que j’aille à la fenêtre, elle était déjà hors de ma vue. J’ai pris une grande inspiration, j’ai attendu qu’elle sonne à la porte, et j’ai ouvert.

En la voyant devant moi, mes poumons se sont entièrement vidés de leur air. J’étais sonnée. Je sais que tu as ses cassettes de yoga, qu’elle a une petite célébrité à cause de sa nouvelle émission et que la plupart de ceux qui la croisent pourraient l’identifier aisément, mais voir les gens en vrai ça change tout.

Elle est superbe. C’est tout ce que je trouve à dire.

J’aurais voulu t’écrire qu’elle n’a pas de jolies dents et que ses seins montrent des signes de relâchement – chose que l’on ne peut pas voir à la télé avec les tonnes de maquillage, les dizaines de projecteurs et les angles de caméras –, mais la vérité c’est que, en vrai, elle est cinq millions de fois plus belle qu’à la télévision. Il y a de quoi s’ouvrir immédiatement les veines, tu peux me croire. Ses cheveux sont d’un blond lumineux, longs et épais comme dans les pubs pour shampoing à la télé, tellement beaux qu’on dirait des faux. Sous le soleil lumineux de Los Feliz, on aurait dit que ses cheveux étincelaient et que sa tête était entourée d’un halo doré. Teint frais, peau bronzée juste ce qu’il faut, radieuse. Des yeux bleu océan. Elle doit mesurer un mètre soixante-quinze et elle est tellement mince et tonique que je suis sûre qu’elle n’a pas un gramme de cellulite. Elle portait un pull sans manches — un de ces hauts moulants que portent les sportives avec soutien-gorge intégré — et un pantalon large de yoga suffisamment taille basse pour révéler dix centimètres de ventre plat et bronzé avec un piercing dans le nombril. Des tongs aux pieds, des lunettes de soleil dans les cheveux, des bracelets en argent aux bras, un collier en jade autour du cou et un minuscule diamant dans le nez. Un minimalisme exaspérant, d’autant que tous ces ridicules accessoires la mettaient encore davantage en valeur. Une bombe atomique hippie. Ses choix vestimentaires sont exactement à l’opposé des miens. Elle est l’image de la simplicité zen alors que j’ai opté pour l’excès catholique. Elle est tongs, je suis talons. Elle est chanvre et coton organique, je suis gabardine de laine et cachemire. Elle est baume pour les lèvres au thé vert, je suis rouge à lèvre candy-pomme rouge.

Je pourrais la regarder de haut, mais voyons les choses en face, elle a un look d’enfer.

C’est tout.

A l’instant où j’ai posé les yeux sur elle, j’ai senti une horrible vague de jalousie déferler dans mes veines. Et empoisonner mon sang. Elle se contentait de rester là, en face de moi, radieuse et éblouissante. Elle a fait un pas en avant, et avant que je comprenne ce qui m’arrivait, elle m’a serrée dans ses bras, m’enivrant d’huiles essentielles — à vue de nez, je dirais jasmin et ylang-ylang. Lorsqu’elle m’a lâchée, j’ai vu ses lèvres bouger, mais j’étais incapable de comprendre le moindre mot.

J’étais sous le choc, je crois. J’ai réussi à bredouiller un truc vague, en espérant que cela colle à peu près à sa question. Elle m’a répondu par un grand sourire, donc je pense ne pas m’être trop plantée.

Puis elle a baissé la tête et en voyant mes bagages, elle a perdu son sourire.

— Tu prends… tout ça ?

— C’est un mariage, n’est-ce pas ? Je ne peux absolument pas aller à un mariage sans un ou deux chapeaux, ai-je dit en tapotant ma boîte à chapeau avec amour.

— Mais c’est… euh, un mariage très simple, a-t-elle dit d’un air ennuyé. Es-tu sûre d’avoir besoin de toutes ces valises ? Phil et Joni sont vraiment sans façon. Ils vivent dans les bois.

— J’ai pris également des vêtements simples. Je veux pouvoir faire face à toutes les éventualités.

— Ouais, bon, a-t-elle dit en regardant toujours mes valises avec inquiétude. On va les descendre à la voiture et voir ce qu’on peut faire avec.

Tu sais que j’ai toujours rêvé d’avoir un cabriolet décapotable — un de ces monstres gros consommateurs d’essence de la fin des années cinquante ? Evidemment, tu sais aussi que je ne sais pas conduire et que je n’ai absolument pas l’intention de passer mon permis, mais cela ne m’empêche pas d’aller de temps en temps sur eBay pour regarder les annonces de vieilles voitures, juste pour le fun. Alors, quand j’ai vu la voiture de Dannika, mon cœur, déjà au bord de la crise cardiaque, s’est mis à battre violemment puis il est tombé tout droit dans mon estomac, j’en étais malade. J’avais devant moi la plus jolie voiture que tu puisses imaginer : une Mercury cabriolet de 57, d’un rouge cerise vif, ses chromes brillant au soleil comme des pierres précieuses. Posée sur le siège arrière, avec ses ailerons fendant les airs, une planche de surf jaune citron. Une vraie pub pour la Californie, un tableau parfait, beau à pleurer.

J’aurais dû être ravie et superexcitée à l’idée de voyager comme passagère dans la voiture de mes rêves. Et je l’étais. Dans quelques minutes nous partirions en direction de la côte vers un petit village authentique pour passer un week-end de rêve avec mon bel amoureux et ses amis glamour et superbranchés. La vision de la voiture de Dannika aurait dû me remplir de joie. J’aurais dû être soulagée de voir à quel point mon manteau de voyage léopard et mes immenses lunettes de soleil se mariaient parfaitement avec cette Mercury rouge décapotable. Mais je ne pensais pas à cela. La seule et unique pensée, cruelle et dévastatrice, qui occupait mon cerveau à cet instant précis était celle-ci : si elle aime le même genre de voiture, c’est qu’elle doit aimer le même genre d’homme.

Point.

Dannika a fait le tour de la voiture et s’est attaquée à mes valises. Ses épaules étaient magnifiques, ses muscles sculptés jouaient sous sa peau bronzée alors qu’elle s’acharnait à faire rentrer ma plus grosse valise dans le coffre profond. Je voyais bien qu’il n’y aurait aucun problème, on aurait pu faire entrer, dans ce coffre immense, cinq fois plus de bagages. A part la planche à voile, j’ai pu constater qu’elle n’avait emporté qu’un vieux sac à dos en cuir et une combinaison de surf. J’avoue qu’en voyant toute cette place perdue j’ai été tentée un instant de courir chez moi pour chercher mon vison, car je sais qu’il peut faire frisquet à Mendocino. Mais en voyant Dannika souffler comme un bœuf sous le poids de mes bagages, je me suis dit qu’elle n’apprécierait sans doute pas un petit plus à sa cargaison.

— Waouh, a-t-elle dit en soulevant la valise moyenne, qu’est-ce que tu transportes là-dedans, du ciment ?

— Pour l’essentiel, des articles de toilette.

C’est alors que je me suis rappelé la malle à chaussures que j’avais laissée dans l’entrée.

— Oh, il y a encore une chose, ai-je dit en lui tendant ma boîte à chapeaux, je reviens tout de suite.

J’ai failli lui demander d’aller la chercher elle-même, mais je n’ai pas voulu lui faire le plaisir de reconnaître qu’elle était plus musclée que moi. Elle affichait déjà un sourire assez large et moqueur, inutile de lui donner un autre avantage. J’aurais préféré qu’elle passe d’abord chez Coop, comme ça, il aurait porté tous mes bagages et détendu l’atmosphère avec son rire si chaud et si contagieux. Il aurait tourné les choses à la rigolade et c’est de lui que nous nous serions moqués, pas de moi. Je suis revenue vers la voiture avec ma malle à chaussures et autant te dire que ça n’a pas été facile de la transporter jusqu’au trottoir. Je n’aurais jamais cru que des chaussures puissent être si lourdes. C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte avec horreur que je commençais à transpirer. Quand Dannika m’a vue plantée fièrement à côté de la malle (qui, entre nous soit dit, est à peine un peu plus grande que le minifrigo que nous avions à l’université, alors, où est le problème ?) elle a croisé les bras sur sa poitrine et haussé les sourcils.

Comme tu peux l’imaginer cette attitude a provoqué en moi une vague glacée de ressentiment. D’abord, hausser les sourcils c’est mon attitude à moi. Personne ne le fait aussi bien que moi, tu en conviendras, j’en suis sûre. Mais en outre, elle l’a utilisée complètement en dehors du contexte, ce qui est impardonnable. Hausser les sourcils est une forme de ponctuation et l’utiliser sans raison valable vous donne un petit côté je-m’en-foutiste très déplaisant — comme une virgule égarée ou un point-virgule inutile au beau milieu d’une phrase parfaite. Penser que mon innocente petite malle à chaussures puisse provoquer un tel haussement de sourcils, était, disons-le simplement, insultant.

Pour ne pas dire stupide.

Sur un ton glacial, je lui ai demandé :

— Tout va bien ?

Elle a claqué la porte du coffre avec plus de force que nécessaire et désigné mon dernier bagage d’un mouvement du menton.

— Pourquoi ne mets-tu pas ça sur le siège arrière ?

— Oh, mais il y a encore de la place dans le coffre, non ?

— Il faut laisser de la place à Coop.

— C’est vrai, mais il n’aura pas grand-chose. Tu connais les hommes, ils se contentent facilement de deux T-shirts et d’une brosse à dent.

— Ce n’est pas le cas de tout le monde, a-t-elle dit entre ses dents. Peu importe, pose ça sur le siège arrière.

J’ai obtempéré, non sans me coincer, au passage, un muscle situé entre mes deux épaules. Pour faire le moins d’effort possible, j’ai voulu soulever la malle et la basculer sur le siège arrière sans prendre la peine d’ouvrir la portière. Je ne le recommande pas. La douleur a été insupportable et encore maintenant, je sens encore une douleur lancinante près de ma colonne vertébrale. Bien entendu, ma fierté est plus forte que mes problèmes de chiropractie. J’ai donc plaqué un sourire sur mes lèvres et je me suis installée à la place du passager, cherchant machinalement ma ceinture de sécurité. Mais je n’ai rien trouvé.

— Ce beau bébé n’a pas de ceinture, a-t-elle déclaré en démarrant la Mercury et en s’engageant brutalement dans la circulation. Désolée, mais de toute façon, je ne les mets jamais. Je trouve que c’est trop étouffant, cela gêne les mouvements, tu vois ce que je veux dire ?

Marla, je ne sais pas si je t’en ai déjà parlé, et je ne voudrais pas que tu me trouves bizarre, mais j’adore les ceintures de sécurité. Mourir sur l’autoroute est une de mes plus grandes terreurs et le sentiment de cette ceinture créant en quelque sorte une bande de résistance et de protection en travers de ma poitrine est à la fois, pour moi, délicieux et réconfortant. Statistiquement, il y a mille fois plus de probabilité de mourir sur la 405, l’autoroute de Los Angeles, que d’un cancer, d’une attaque terroriste ou de la main d’un tueur psychotique. La plupart des gens refusent de voir la vérité en face, mais pour moi, c’est une évidence. Chaque fois que je suis en voiture, je sens un danger mortel m’écraser comme une chape poisseuse, lourde et écrasante. Je pense que c’est la raison pour laquelle je n’ai jamais appris à conduire. Si je ne me jette pas contre un poids lourd de terreur, je suis sûre que j’attraperais une maladie nerveuse mortelle en quelques semaines.

Apparemment, Dannika ne partageait pas ma phobie. Elle a tracé la route à travers Los Feliz et jusqu’au-delà de Siver Lake comme un taxi new-yorkais pressé. Ses mains touchaient rarement le volant, trop occupées à régler la radio, à jouer avec ses bracelets, à faire aller et venir les essuie-glaces pour nettoyer le pare-brise, à jouer avec ses cheveux voletant autour de sa tête comme des banderoles dorées et brillantes. Je me suis accrochée à la poignée de la portière et je me suis arc-boutée sur le plancher pour ne pas m’envoler. La seule chose qui nous a sauvées d’un carambolage, c’est que tout le monde — hommes, femmes, enfants — arrêtait toute activité sur notre passage pour admirer sa beauté dorée. Alors qu’elle se garait sur le trottoir devant chez Coop, maintenant le volant avec ses genoux pour pouvoir se remettre du baume sur les lèvres, j’ai commencé à saisir le sens de l’expression « être béni des dieux ».

— Hé ! Voilà mes filles préférées ! s’est exclamé Coop en descendant les marches de son bungalow en bois avec un large sourire aux lèvres.

Dannika a hurlé de joie et a jailli d’un bond de la voiture dès qu’elle a entendu sa voix. Elle s’est jetée dans ses bras comme s’ils étaient des amants que la guerre et la famine avaient séparés pendant des dizaines d’années. J’ai senti cette boule palpitante de je-ne-sais-quoi envahir ma poitrine — jalousie, il me semble, ou peut-être rage, psychose, ou les trois — quoi que ce soit, j’ai senti quelque chose griller et se figer en moi, un peu comme de la pâte à beignet plongée dans de l’huile bouillante. Je suis sortie lentement du siège passager, en espérant que le temps que je fasse le tour de la voiture calmement, les embrassades seraient terminées, mais lorsque je suis arrivée à leur hauteur, Dannika était toujours accrochée à lui, ses cheveux blonds plus brillants que jamais dans la lumière du soleil, ses gracieux bras bronzés farouchement noués autour de son cou. Par-dessus ses épaules, les yeux de Coop ont croisé les miens et en voyant son air désolé, la boule palpitante dans ma cage thoracique a un peu diminué. Il avait l’air de dire :

— Désolé, elle est… comme ça parfois…

D’une certaine façon, cet échange de regards secrets, alors que Satan continuait à s’accrocher si pathétiquement, m’a réconfortée et apaisée.

Lorsqu’elle a finalement relâché son étreinte, il a repris son souffle.

— Waouh, ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vus !

— Des mois ! s’est-elle exclamée en le détaillant d’un regard appréciateur, on dirait que tu as changé.

— Vraiment ?

Il l’a contournée, s’est approché de moi, a pris ma main, s’est penché vers moi et, à ma grande surprise, m’a planté un baiser chaud et ferme sur les lèvres, juste sous son nez à elle. Je n’étais pas étonnée de ce geste parce que Coop et moi sommes en général avares de baisers, pas du tout, mais simplement parce que nous n’avons pas l’habitude de nous embrasser en public. Trois mois, c’est un peu court pour explorer toutes les opportunités.

— Salut, chaton, a-t-il dit dans mon oreille, tu es magnifique. J’adore ces chaussures. Mon Dieu, géniale ta tenue !

Sa voix mâle a fini de dissoudre le beignet gonflant dans ma poitrine. J’ai alors réalisé que Dannika n’avait pas dit un mot sur mon ensemble de voyage. C’est là tout le génie de Satan. Vous ne reconnaissez l’affront que lorsqu’il est trop tard pour vous venger.

— Si, si, j’insiste, tu as changé, a répété Dannika, visiblement ennuyée qu’il prenne la peine de s’intéresser à moi. Tu as quelque chose de différent. Qu’est-ce que c’est ? Tu as maigri ?

Coop a tapoté son estomac à peine visible.

— Je ne crois pas…

— La barbe, ou quelque chose comme ça ?

Il a touché son visage couvert d’une barbe de quelques jours.

— Tu as raison, a-t-il dit en riant.

Elle a secoué la tête d’un air perplexe.

— Ton aura est différente. Tu es sûr de manger assez de vitamines ?

— Attends une minute, mon aura a besoin de vitamines ?

Elle a haussé les épaules.

— Ce sont deux observations séparées, crétin !

— Je suis vraiment heureux pour la première fois de ma vie, c’est tout, a-t-il dit en me regardant.

— Ah, oui ? Ça ne te réussit pas, a dit Dannika.

Il lui a jeté un regard surpris, et elle a insisté.

— Ça ne te va pas, tu as l’air sous-alimenté.

J’ai essayé de ne pas jubiler trop ouvertement, mais je ne crois pas avoir réussi à masquer ma joie.

— Moi, je trouve qu’il est superbe.

— Vraiment ? a lancé Dannika.

L’irritation qui perçait dans chaque syllabe n’a fait qu’augmenter mon bonheur.

Voilà pour le meilleur de la journée, cela tenait dans une coquille de noix. Ce qui a suivi était un cocktail à l’arsenic.

Par où commencer ?

Eh bien, cela n’a pas échappé à ton attention, je suis assise à l’arrière. Au début, ça allait. Comme c’est Dannika qui conduisait, je me voyais mal poursuivre le voyage assise à côté d’elle et elle derrière le volant – la vision était beaucoup trop terrifiante. Ce n’est pas pour rien que le surnom du siège du passager de devant est « la place du mort ». Je m’apprêtais à me porter volontaire pour aller derrière lorsque Coop m’a devancée.

— Je vais derrière, a-t-il dit après avoir jeté son sac dans le coffre. Super ! Tu as pris ta planche, a-t-il ajouté en s’installant sur le siège arrière.

— Où est la tienne ? a demandé Dannika.

— Tu crois qu’il y a assez de place ? a-t-il demandé d’un ton hésitant.

— Oh, Gwen a bien pris quatre valises.

Elle l’a dit sur un ton mi-figue mi-raisin. Comme si elle cafardait en ayant l’air de ne pas y toucher. C’était beaucoup plus agaçant que si elle avait assumé ses commérages. Je l’ai regardée sans sourire.

— Une boîte à chapeaux n’est pas vraiment une valise.

Coop a ri et a passé son bras autour de mes épaules.

— Gwen est une vraie girl-scout, elle est toujours prête à toute éventualité.

Dannika a balancé ses cheveux derrière son épaule.

— Va chercher ta planche et prends ta combinaison, on se débrouillera pour les caser quelque part. Ça fait des millions d’années qu’on n’a pas surfé ensemble ! C’est l’une des deux raisons pour lesquelles j’ai accepté de venir.

Pour être gentil, et aussi parce qu’il adore le surf et qu’il en salivait d’avance, Coop a fait ce qu’on lui demandait. Il est revenu au bout de quelques minutes avec sa planche sous un bras et sa combinaison sous l’autre.

— Je ne sais pas si c’est une bonne idée, j’ai pris ma planche la plus courte mais ça va tout de même réduire l’espace à l’arrière, la place sera très exiguë.

— Gwen a des petites jambes, a dit Dannika en me fixant.

Dans la mesure où elle a de longues jambes, souples et minces, cela m’a semblé une belle vacherie. Toutefois, quand j’ai croisé son regard, elle m’a fait un clin d’œil comme si convaincre Coop de prendre sa planche avait été notre but commun, comme si nous nous étions liguées secrètement et comme si sa petite vanne me faisant passer pour une naine faisait partie de notre complot entre filles.

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode