Incroyable qu’un douanier sensé puisse demander à une fille de quinze ans, une blonde banale, avec une queue-de-cheval, de quitter la file au lieu de s’intéresser plutôt à ce type à l’air sournois ou à ce garçon échevelé et d’une pâleur douteuse qui s’était bizarrement endormi dans l’avion juste avant l’atterrissage. Pas étonnant de le voir maintenant arborer un sourire narquois : ses sacs étaient probablement bourrés de substances illégales.

Le vol s’était bien passé, sans turbulence aucune. Mia n’avait pas eu envie de vomir et, pour une fois, je ne m’étais pas trouvée assise à côté d’un de ces gros types qui prennent tout l’accoudoir et puent la bière. Et, même si Papa avait réservé comme d’habitude nos billets dans une de ces compagnies low cost dont on dit qu’elles embarquent toujours trop peu de kérosène, l’avion n’avait pas connu de problèmes quand il avait dû faire quelques tours au-dessus de Heathrow. Et puis, il y avait eu aussi ce beau brun qui se trouvait de l’autre côté du couloir, une rangée plus avant, et s’était souvent retourné vers moi avec un grand sourire. Je m’apprêtais à lui parler mais j’avais laissé tomber quand je l’avais vu feuilleter un magazine de foot en remuant les lèvres comme un gamin de CP. D’ailleurs, ce même garçon fixait maintenant ma valise avec une certaine curiosité. Et il était loin d’être le seul.

Elle lui balance un sourire forcé, évite mon regard et glisse une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle est belle. Un peu brisée, complètement paumée, mais belle.

Lorsqu’il fut plus près, il sourit à Chloé sans me regarder. Et là, déclic immédiat. Je sentis un coup d’électricité soulever mon estomac. L’homme qui se penchait pour embrasser Chloé, je le connaissais. Malgré sa mâchoire carrée, sa barbe de trois jours et ses cheveux plus longs, je l’aurais reconnu entre mille. Dimitri Grévois, mon premier amour. J’étais tétanisée.