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Elle lui glissa un regard en coin — concentré sur la route, il ne semblait plus lui prêter attention. Comment réagirait-il s’il apprenait que l’argent qu’elle réclamait n’était pas pour elle ? Elle réprima un soupir. Ça ne changerait probablement rien. Ce n’était pas comme s’il se souciait d’elle, après tout !
Ou comme s’il s’était déjà soucié d’elle un jour. A Paris, c’était elle qui s’était imaginé que le courant passait entre eux, pas lui. Il n’avait vu en elle qu’une fille facile. Elle l’avait compris dès le soir même, quand elle était partie à sa recherche pour lui présenter ses excuses.
Fixant distraitement les dernières gouttes de pluie qui coulaient sur la vitre, Siena se perdit dans ses souvenirs.
Après avoir réussi à fausser compagnie à son père, elle s’était aventurée dans une zone de l’hôtel réservée au personnel. De couloir en couloir, elle avait fini par reconnaître la voix d’Andreas par une porte restée entrouverte, et, collée au mur, elle avait tendu l’oreille. A l’évidence, il était en train de se faire passer un savon par son patron.
— Monsieur, s’était-il défendu, je ne l’aurais jamais touchée si j’avais su que c’était un tel poison !
— C’était avant qu’il fallait réfléchir, Xenakis, vous n’auriez jamais dû la toucher tout court. Votre conduite est inacceptable. Et d’abord, qu’est-ce que vous vous imaginiez, avec cette fille ? Elle s’ennuyait et vous a pris pour proie, voilà tout. Personne ne vous a dit que la vertu de ces petites princesses n’est qu’une vaste blague ? Elles ont à peine dix-huit ans, mais déjà une foule d’amants à leur actif !
Le patron n’avait pas eu tout à fait tort, hélas ; la réputation des autres débutantes laissait à désirer… Mais ce n’était pas les insultes de cet homme qui l’avaient blessée. Non, c’était Andreas qui lui avait porté le coup de grâce :
— Si je l’ai embrassée, c’est seulement parce qu’elle me fixait comme si elle voulait faire de moi son quatre heures…
Alors, elle s’était enfuie, en larmes, sans demander son reste. Après ce qu’elle avait entendu, comment aurait-elle pu encore vouloir lui présenter des excuses ?
Afficher en entierElle se jeta sur la portière, mais, aussitôt, Andreas lui plaqua un bras en travers du corps pour la clouer au siège. Elle tressaillit, comme traversée par une décharge électrique. Ce contact la troubla tant qu’elle sentit les pointes de ses seins durcir contre l’étoffe de son soutien-gorge.
— Où crois-tu aller, comme ça ? protesta-t-il, le regard noir. Je n’ai pas passé six mois à te retrouver pour te laisser filer maintenant.
Quoi ? Avec ce bras puissant contre son ventre, Siena n’arrivait pas à réfléchir correctement. Elle le repoussa de toutes ses forces et tenta de rassembler ses esprits.
— Six mois ? bredouilla-t-elle.
Autrement dit, depuis que Serena et elle s’étaient retrouvées à la rue — ou presque ?
— Mais alors… Ce soir n’était pas un hasard ?
Le feu passa au vert, mais Andreas ne bougea pas, ignorant le concert d’avertisseurs qui s’éleva derrière eux.
— Donne-moi ton adresse, Siena, sinon, nous sommes bons pour passer la nuit à tourner dans Londres. Ensuite, nous pourrons parler.
Elle réprima un frisson — elle n’avait aucune chance contre lui ! Il avait la réputation d’être intraitable en affaires. Elle avait lu dans la presse qu’il avait fait fermer des hôtels en difficulté afin de s’en mettre plein les poches, sans se soucier de priver d’emploi des centaines de personnes.
Avec un soupir, elle finit par lui donner son adresse, et Andreas redémarra. Alors, seulement, il s’expliqua.
— Je suis parti à ta recherche quand j’ai appris la ruine de ta famille et la fuite de ton père. Tu ne m’as pas facilité la tâche, tu sais… Tu as bien brouillé les pistes.
Siena se crispa sur son siège. Pourquoi avait-il mis tant d’énergie à la retrouver ? Pour l’humilier ? Se venger ?
Comme s’il avait lu dans ses pensées, il ajouta :
— Toi et moi, nous avons une affaire à régler, tu ne crois pas ? Siena s’efforça de garder une expression neutre, alors que, derrière le masque, elle était en proie à un véritable accès de panique. Elle n’était pas prête à lui rendre des comptes !
— Non, je ne crois pas, répondit-elle d’une voix qu’elle espérait assurée.
Heureusement, Andreas ne jugea pas utile de répliquer.
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