Commentaires de livres faits par orane_echris
Extraits de livres par orane_echris
Commentaires de livres appréciés par orane_echris
Extraits de livres appréciés par orane_echris
- Non, en effet. Laisse-moi encore cette liberté.
Elle acquiesça.
- Tu parles comme Tadeck. Il dit que connaître l'avenir ne nous donne pas le droit de décider à la place des autres. Que chacun fasse ses choix, mais les destinées s'accompliront de toutes façons.
- Je ne veux pas que ma destinée soit restreinte aux seules visions de Tadeck.
- Ta destinée ne peut pas se réduire à ça. Elle dépend de toi. Uniquement de toi. Des choix que tu feras, en fonction des données que tu auras. Tu restes maître de ta vie, Yoran. Le fait que Tadeck sache ce qui doit arriver ne change rien au fait que nous seuls décidons.
- Il faut que ça pète, répéta énergiquement madame Rasseneur.
- Oui, oui, crièrent-ils tous les trois, il faut que ça pète.
Souvarine flattait maintenant les oreilles de Pologne, dont le nez se frisait de plaisir. Il dit à demi-voix, les yeux perdus, comme pour lui-même :
- Augmenter le salaire, est-ce qu'on peut ? Il est fixé par la loi d'airain à la plus petite somme indispensable, juste le nécessaire pour que les ouvriers mangent du pain sec et fabriquent des enfants... S'il tombe trop bas, les ouvriers crèvent, et la demande de nouveaux hommes le fait remonter. S'il monte trop haut, l'offre trop grande le fait baisser... C'est l'équilibre des ventres vides, la condamnation perpétuelle au bagne de la faim.
Mais un tapage, de l'autre côté du mur, lui coupa la parole. C'étaient des jurons d'homme, des pleurs de femme, tout un piétinement de bataille, avec des coups sourds qui sonnaient comme des heurts de courge vide.
- La Levaque reçoit sa danse, constata paisiblement Maheu, en train de racler le fond de sa jatte avec la cuiller. C'est drôle, Bouteloup prétendait que la soupe était prête.
- Ah ! oui, prête ! dit la Maheude, j'ai vu les légumes sur la table, pas même épluchés.
Les cris redoublaient, il y eut une poussée terrible qui ébranla le mur, puis un grand silence tomba. Alors, le mineur, en avalant une dernière cuillerée, conclut d'un air de calme justice :
- Si la soupe n'est pas prête, ça se comprend.
- Alors, tu es machineur, et on t'a renvoyé de ton chemin de fer... Pourquoi ?
- Parce que j'avais giflé mon chef.
Elle demeura stupéfaite, bouleversée dans ses idées héréditaires de subordination, d'obéissance passive.
(...)
L'élite est immédiatement solidaire d'elle-même. Un peuple ne sent sa force que quand il n'a plus rien à perdre.
- Pas cette fois, Tadeck, trancha Yoran, qui se sentait aiguillonné par une force inconnue. Il est hors de question qu'on les laisse se faire égorger sans réagir. On est quinze, et plutôt bien entraînés. Les soldats de la reine engraissent à garder les postes avancés des frontières, et ils s'attendent à trouver des villageois soumis, plus habitués à la charrue qu'aux armes. Leur faible nombre le prouve. Il faut qu'on aille au village se joindre à eux et les aider à s'organiser pour se défendre.
Un silence circonspect accueillit la proposition. Les insoumis se regardèrent comme s'ils calculaient les chances de réussite d'un plan aussi hasardeux.
- Tu crois vraiment qu'on peut faire la différence ? questionna Flag.
- A quoi sert ce qu'on fait, sinon ? se défendit Yoran avec une pointe de colère. S'ils restent cachés, les insoumis ne servent à rien. Il faut se faire connaître, mettre le peuple de notre côté et faire trembler l'armée.
Il se demanda fugitivement si c'était bien lui qui parlait de cette façon.
- Faire trembler l'armée, alerta Liam, c'est prendre le risque d'irriter la reine.
- Justement, affirma-t-il plus posément. Je crois qu'il est temps de lui apprendre qu'on ne bafoue pas le peuple en toute impunité.