Ajouter un extrait
Liste des extraits
— Voulez-vous dire que nous n’allons pas les suivre ? s’insurgea Cathal.
— Je dis seulement qu’en dépit de tous ses défauts, Seamus Munro n’est pas stupide au point de signer ses crimes. Il y a peut-être une autre explication. Je ne puis partir avant de savoir…
— J’exige le prix du sang ! cria Cathal.
— Quel sang ? dit froidement Lucais. Tenez-vous à trouver les vrais coupables, ou êtes-vous prêt à exécuter n’importe qui, juste pour assouvir votre vengeance ?
Sourcils froncés, Cathal soutint le regard de ce jeune seigneur qui avait su s’imposer comme leur chef, bien qu’il n’ait pas grandi parmi eux.
— Les Munro sont coupables, affirma-t-il, buté.
— C’est possible, mais pas certain.
Lucais pivota sur sa selle pour contempler la scène. Éclairés par les flammes orangées, deux moutons égorgés baignaient dans leur sang. Trois autres bêtes apeurées se blottissaient dans un coin de l’enclos.
— Sale besogne… marmonna-t-il, écœuré. Cupide comme il l’est, je veux bien croire que Seamus ait rompu notre trêve pour nous voler, mais pourquoi aurait-il abandonné son butin ?
— Parce que nous sommes arrivés trop vite ! lâcha Cathal. Et nous perdons notre temps à tergiverser ainsi comme des nonnes affolées ! Qu’importe ce qu’ils ont pris ou non ? Il faut nous lancer à leur poursuite et leur faire payer leurs méfaits !
Un murmure approbatif s’éleva autour de lui.
"Par le ciel, pensa Lucas, apprendront-ils un jour à répondre autrement que par la force de l’épée ?"
Afficher en entierHighlands, Écosse, juin 1367
Un pâle clair de lune filtrait à travers le brouillard accroché à la cime des arbres. Sous cette lumière blafarde, les Sutherland gravissaient à cheval l’étroite gorge rocheuse. Les yeux rougis sous leur heaume de fer, ils allaient, ahanant, les traits crispés par la rage et la détermination. Ils venaient de laisser derrière eux les vestiges carbonisés d’une ferme appartenant à leur clan et, en suivant la trace des scélérats qui avaient abandonné les leurs à l’agonie, arrivaient à une autre ferme, celle de Bran Sutherland.
Des relents de fumée leur parvinrent alors qu’ils franchissaient la crête. L’odeur planait, acre et terrible, dans l’air humide.
— Trop tard, grommela Lucais Sutherland, les dents serrées.
Sans ralentir son allure, il entraîna ses hommes le long de la pente glissante, en direction de la lande désolée et de l’incendie qui embrasait la nuit. L’alarme avait sonné au château de Kinduin bien après minuit, les tirant de leur lit pour la seconde fois de la semaine.
Tandis qu’il arrêtait son étalon près du corps ensanglanté du jeune Bran, Lucais maudit le ciel de lui avoir confié la charge de terres aussi étendues. Comment aurait-il pu les surveiller efficacement ? Il ne pouvait être partout à la fois !
— Est-il mort ? demanda-t-il à Cathal Sutherland, agenouillé près de son fils aîné.
— Non, mais il est bien mal en point, je le crains.
Tout en parlant, le vieil homme regarda Lucais. Des larmes contenues brillaient dans ses yeux noisette.
— Qui a pu faire cela ? murmura Cathal, effondré.
— Je l’ignore, répondit le jeune seigneur d’une voix sourde, mais je ne tarderai pas à le savoir.
A cet instant, son cousin Niall arriva près de lui, l’air furibond.
— La piste mène vers le nord-ouest, annonça-t-il à la cantonade.
— Les Munro ! gronda Cathal d’un ton haineux.
Des jurons furieux lui firent écho. Les harnais grinçaient, les chevaux piaffaient, percevant l’impatience des cavaliers de se lancer à la poursuite des criminels.
Lucais calma ses hommes d’un geste de la main.
— Attendez ! Ces traces qui mènent droit au château de Scourie me semblent suspectes.
Ainsi qu’il était prévisible, des protestations s’élevèrent.
Afficher en entier