Caulfield, sortie interdite

Je tombe. Je regarde la ville pendant que je tombe et que les branches des arbres croisent les doigts nus de leurs mains pour faire une prière. Le ciel est foncé en son milieu, d'un bleu lacéré aux extrémités ; seule la vapeur trahissait la présence d'air dans mes poumons.

J'ai soudain l'impression d'apercevoir, tout là haut, un flocon de neige. Un ticket gagnant. Qui tout en lenteur virevolte vers le bas. Je me figure que je dois absolument le sauver avant qu'il n'atteigne le sol. Et donc j'essaie de m'en emparer. Mais il glisse de mes mains qui n'attrapent que le vide de l'air ambiant. Heureusement pour moi, il en vient un autre. Nouveau flocon, nouvelle possibilité - que je tente d'attraper, lui à défaut de l'autre. Dans un souffle rouge. Les flocons de neige virent au rouge sitôt qu'ils touchent le sol. Quand je relève la tête, je vois le ciel moucheté de grains neigeux qui tranquillement déclinent, restent un instant en suspens, attendent. Et c'est là que je me comprends que je n'arriverai pas à en sauver un seul. Et c'est là, aussi, que je sais que tout est parti en vrille. Pourtant si malgré tout je devais recommencer, je ne ferais pas les choses autrement. Je ne regrette rien. Je ne retire rien. S'il y avait une chose, une seule, que j'aurai pu choisir de retirer, ce serait alors le fait de raconter cette histoire. De toute façon, dans peu de temps, ce sera trop tard.