Extraits

Il cligne des yeux sans rien dire.

Frederick ne dit jamais rien.

Il se rend utile à la laiterie, d’après Maman. Mais sans jamais prononcer un mot.

Jamais.

Il tient un livre ouvert, avec, sur la couverture, des gens habillés comme il y a très longtemps. Crime et… je n’arrive pas à lire quoi.

« Vous en faites pas, Mme Gebby, dit Jed. On va y arriver. Bon, Trig. Maintenant, c’est moi qui porte ça. » Il soulève cette bouteille de gaz comme si c’était une plume.

Trig sourit à Frederick. Frederick le regarde fixement.

« Allez, viens, Trig », dit Jed.

Je prends Trig par le bras. « Oui, viens. Au revoir, Frederick. Au revoir, Mme Gebby. »

Frederick continue de nous regarder fixement.

Mme Gebby continue de tricoter, cliquetis-clic.

Jed s’éloigne à grandes enjambées. Trig et moi nous dépêchons de le suivre.

« Maggie ? me dit Trig en m’agrippant la manche. D’après Lindi, Frederick parlait, avant. C’était même un moulin à paroles, elle dit. Et maintenant, il ouvre plus la bouche, et elle dit que c’est parce qu’il est allé de l’autre côté de la Ligne. À ton avis, Maggie, c’est vrai, ça ? On devient muet, si on passe la Ligne ? »

Je le fait taire d’une petite secousse. « Chut, enfin ! pas si fort. Toute la rue va t’entendre. » Je jette un coup d’œil en arrière. Ouf, apparemment, ni Frederick ni Mme Gebby n’ont entendu.

« B’alors, vous venez ? nous hèle Jed par-dessus son épaule. « Croyez que c’est le moment de faire des messes basses ? »