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Extrait ajouté par lou02 2016-09-08T14:52:42+02:00

Le marquis de Vere était un homme de peu de mots. Pourtant, rares étaient ceux qui le savaient parmi ses amis et relations. Et celui qui l'aurait affirmé aurait déclenché une tempête de rires et de quolibets. Car en société, lord Vere était considéré comme un incorrigible bavard. Qui parlait à tort et à travers. Aucun sujet ne l'effrayait, pas même le plus abscons, et il était toujours prêt à donner son avis, éclairé ou non. Il pouvait ainsi pontifier des heures durant sur « la préraphaélite » - qu'il pensait être une molécule récemment découverte par la science – ou sur les habitudes alimentaires des tribus pygmées du centre de la Suède. Lord Vere était aussi un homme qui gardait jalousement ses secrets. Cette seule idée aurait fait se tordre de rire ses pairs de l'aristocratie londonienne. Allons donc ! Se serait-on récrié. Ce moulin à paroles était toujours prêt à régaler la compagnie des détails les plus intimes de son quotidien, sans égard pour les chastes oreilles, ce qui donnait souvent lieu à des moments de cruel embarras pour son entourage. Il n'hésitait pas à étaler les difficultés qu'il rencontrait à courtiser les jeunes filles de bonne famille. En effet, en dépit de son titre de marquis, il ne comptait plus les rebuffades. Il révélait également avec la plus grande candeur l'état de ses finances personnelles. Son analyse de la question était du reste fort discutable, puisqu'il semblait n'avoir qu'une très vague notion des fonds dont il disposait. Et avec ses camarades du club sportif, il allait même jusqu'à détailler la longueur et le diamètre de sa virilité, des proportions certes enviables, comme avaient pu le vérifier certaines veuves joyeuses qui, de temps à autre, ne refusaient pas quelques galipettes entre les draps en compagnie de ce grand gaillard au physique d'Adonis. Pour résumer, lord Vere était un sot. Certainement pas un malade mental, pas plus qu'un arriéré : il n'était ni dangereux ni dépendant d'autrui pour la vie quotidienne. Non, lord Vere était juste une andouille. Inculte, prétentieux et bête à manger du foin, il n'avait aucune mémoire, mélangeait les dates et les événements, confondait allègrement les gens, et n'avait d'autre sujet d'intérêt que la mode, la bonne chère et sa petite personne. Étant néanmoins inoffensif et d'un caractère enjoué, il était plutôt apprécié par ses pairs pour les moments d'intense distraction qu'il leur offrait. Il n'était pas doué pour le tir, n'avait en tout et pour tout qu'une malheureuse perdrix à son tableau de chasse - et encore, pour avoir pressé la détente par mégarde. Sa maladresse effrayait. Il se trompait toujours de porte, appuyait toujours sur le mauvais bouton, la mauvaise manette, s'égarait sans cesse, que ce soit en ville ou à la campagne, oubliait l'heure, etc.

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Extrait ajouté par anonyme 2012-11-25T15:17:49+01:00

Elle avait mal aux jambes, aux pieds, et ses mains la démangeaient de le gifler. Pendant un moment, sur l'interminable route du retour, elle marcha loin devant lui, jusqu'à ce qu'elle bifurque au mauvais endroit et qu'il soit obligé de la rappeler. Par la suite elle demeura dans sa sphère immédiate, le mutisme obstiné dans lequel il s'était retranché nourrissant sa colère.

Comment avait-elle pu croire un seul instant qu'elle trouverait la sécurité et le bonheur auprès de quelqu'un qui menait une double vie ?

Personne n'acceptait de s'embarquer sur une telle voie sans y être contraint. Si elle avait réfléchi deux secondes, elle se serait rendu compte que derrière l'idiot se cachait forcément un homme aussi faux et secret qu'elle-même.

Quelle idiote !

Aveuglée par la fureur, elle faillit ne pas voir le valet qui accourait à leur rencontre avant qu'il s'immobilise à sa hauteur pour poursuivre au rythme de ses enjambées rageuses.

— Milord, milady, c'est Mme Douglas... Elle est partie !

Cette phrase n'avait aucun sens. Elissande se passa la main sur les yeux.

— Vous pouvez répéter ?

— Mme Douglas est partie !

— Mais... où ?

— À la gare de Paignton, milady.

Pourquoi diable tante Rachel se serait-elle rendue à la gare ? Elle n'avait nulle part où aller. Ce valet affabulait...

— Où est Mme Green ?

A cet instant, Mme Green les rejoignit en courant, le visage rouge d'émotion.

— Milady, Mme Douglas est partie toute seule !

Elissande pressa le pas. Tante Rachel ne pouvait être que dans sa chambre, en sécurité. Ce n'était pas possible autrement et elle allait le vérifier sur-le-champ.

— Pourquoi ne l'avez-vous pas accompagnée, madame Green ?

— Nous avons fait une promenade dans le jardin. Ensuite, elle a voulu se reposer. Elle ne paraissait pas très bien, alors je l'ai aidée à se recoucher. J'ai jeté un coup d'œil dans la chambre une heure plus tard, elle était vide !

— Alors d'où tenez-vous qu'elle serait partie à la gare de Paignton ?

— C'est Peters qui nous l'a appris, répondit-elle en désignant le cocher, qui s'était approché à son tour.

— Mme Douglas s'est présentée à la remise des voitures et m'a demandé de l'emmener à la gare. C'est ce que j'ai fait, milady.

Elissande s'arrêta enfin. La petite troupe l'imita.

— Vous a-t-elle dit pourquoi elle voulait aller à la gare ?

— Oui, milady. Elle m'a expliqué qu'elle comptait passer la journée à Londres. Et quand je suis rentré, j'ai trouvé Mme Green, Mme Dilwyn et tous les autres complètement affolés.

L'énormité de la situation submergea Elissande. Cette histoire n'avait ni queue ni tête, et une partie d'elle-même s'obstinait à croire à une sorte de mauvaise plaisanterie, un poisson d'avril qui se serait trompé de date.

Sans réfléchir, elle se tourna vers celui qui était encore son mari.

— Y a-t-il eu des visiteurs aujourd'hui ? s'enquit-il brièvement.

À cette question, Elissande sentit son cœur bondir dans sa poitrine.

Mme Dilwyn arriva pour répondre :

— Non, milord, pas que je sache.

Le cocher et le valet secouèrent la tête, mais Mme Green fronça les sourcils.

— Maintenant que j'y pense, il y a eu ce vagabond qui traînait la patte dans l'allée quand Mme Douglas et moi étions dans le jardin. J'ai voulu le chasser, mais Mme Douglas est trop gentille. Elle m'a priée d'aller à la cuisine chercher un panier de victuailles. Quand je suis revenue, le vagabond est tombé à genoux pour la remercier. J'ai vu qu'il lui serrait les mains, alors je l'ai repoussé. Après cela, il a détalé.

Elissande avait cru que son mari venait de fracasser son bonheur tout neuf. Elle s'était trompée. Ce dernier coup ébranlait jusqu'aux fondations de sa nouvelle vie.

— J'ai toujours trouvé que les autorités étaient trop laxistes avec ces bons à rien qui vagabondent dans nos campagnes, clama lord Vere, réintégrant son personnage d'idiot. J'imagine que c'est juste après que Mme Douglas a commencé à se sentir mal.

— En effet, milord, répondit l'infirmière.

— C'est une dame trop délicate pour supporter la proximité d'un tel rustre. Allons, venez, lady Vere, fit-il en prenant Elissande par le coude.

À l'étage, la chambre de tante Rachel était aussi vide que le tombeau pillé d'un roi. Elissande vacilla et dut se rattraper au chambranle, la tumulte de voix s'éleva soudain du rez-de-chaussée. Elle pivota sur ses talons, s'élança en courant dans le couloir et dévala les marches. On venait de retrouver sa tante, et les domestiques manifestaient bruyamment leur soulagement. C'était cela. Forcément...

En réalité, le tohu-bohu signalait seulement l'arrivée d'un télégramme adressé à Elissande, et que l'on venait de découvrir parmi le courrier du jour.

Ma chérie,

J'ai eu tout à coup une folle envie de ces huîtres gratinées qu'on sert au Savoy. J'ai donc décidé de me rendre à Londres et d'y passer la nuit.

Je t'en prie, ne t'inquiète pas pour moi. Sache seulement que je t'aime très fort.

Tante Rachel

Lord Vere prit le télégramme des mains d'Elissande et le parcourut rapidement avant de le lire à voix haute devant les domestiques rassemblés.

— Eh bien, vous voyez, il n'y a pas de quoi se tracasser ! se réjouit-il.

Elle est partie à Londres, tout simplement, et elle rentrera demain. Que chacun retourne à ses occupations. Madame Green, allez boire une tasse de thé et prenez votre journée.

— Mais...

Lord Vere braqua les yeux sur Elissande. Elle desserra les poings et adressa un sourire rassurant à Mme Green.

— Il faut savoir que ma tante est sujette aux lubies, madame Green.

C'est ainsi, il faut faire avec.

L'infirmière s'inclina brièvement, puis gagna l'office tandis que les autres domestiques se dispersaient. Lord Vere et Elissande demeurèrent seuls dans le hall.

— Venez avec moi, ordonna-t-il.

Il l'emmena dans son bureau, ferma la porte et lui tendit un autre télégramme.

— Celui-ci m'était adressé.

Elissande baissa les yeux sur le morceau de papier, mais les mots dansaient et se déformaient, refusant de constituer des phrases cohérentes. Elle ferma les paupières un instant, les rouvrit.

Cher Monsieur,

On nous a récemment informés de la disparition du dénommé Douglas. Pour l'heure, nous ignorons comment il a réussi à s'évader et où il se trouve. Mais les autorités ont tenu à vous alerter et requièrent votre aide pour le ramener en prison.

Bien à vous,

Filbert

— C'était lui, le vagabond, lâcha Vere. Il a dû donner des instructions à votre tante pour qu'elle le rejoigne.

Un étau impitoyable se referma sur la poitrine d'Elissande. Elle n'arrivait plus à respirer. Quatre jours avant son procès, son oncle avait réussi à retrouver sa tante et à l'emmener au nez et à la barbe de tout le monde. En plein jour. Et pendant ce temps-là, que faisait-elle ? Dans les ruines d'un vieux château, la bouche en cœur, elle contait fleurette à ce salaud insensible qui lui tenait lieu de mari.

Ce même mari venait de lui glisser un verre de whisky dans la main.

— Buvez.

Le liquide lui brûla le gosier. Elle inclina le verre davantage, mais il était déjà vide.

— Encore un peu, s'il vous plaît,

— Non. Vous ne tenez pas l'alcool.

Elle fit rouler le récipient vide contre son front.

— Je ne comprends pas... Tout cela, n'a aucun sens. Elle n'était pas seule. Mon oncle ne l'a pas saisie à la gorge pour la traîner à sa suite.

Pourquoi est-elle partie de son plein gré ?

— Il a dû avoir recours au chantage. Menacer votre sécurité ou la mienne. Ou peut-être les deux.

— Mais c'est un fugitif. La police le recherche. Il ne pouvait rien contre nous !

— Vous ne le connaissez pas aussi bien qu'elle.

— J'ai passé toute ma vie avec lui, rétorqua-t-elle avec irritation.

Il la considéra un long moment avec une curieuse commisération dans le regard, comme si elle était quelque créature impuissante sur le point d'être menée à l'abattoir. Puis il murmura :

— Cela vous ennuierait de vous asseoir ? J'ai quelque chose à vous dire.

Il avait quelque chose à lui dire ? À propos de son oncle ?

Soudain, les événements des semaines passées défilèrent devant ses yeux. Ces dizaines de rats qui avaient envahi la maison de lady Kingsley.

Un homme fort intelligent qui arrivait à Highgate Court, feignait d'être un idiot et furetait partout. Et, quelques jours plus tard, la police qui déclarait détenir suffisamment de preuves pour arrêter son oncle.

Quelles probabilités y avait-il que tout cela n'ait été que pures coïncidences ?

Elle s'assit. Ou ce furent peut-être ses jambes qui se dérobèrent sous elle.

— Vous êtes mêlé à cette histoire, n'est-ce pas ? Vous n'êtes pas venu chez moi parce que la maison de lady Kingsley avait été envahie par les rats. Vous êtes venu chercher des preuves contre mon oncle.

— Je vois que nous pouvons sauter cette partie, dit-il d'un ton désinvolte.

— Vous travaillez pour la police ?

Il arqua le sourcil d'un air faussement scandalisé.

— Quelle idée ! Les marquis ne travaillent pas, que je sache. Encore qu'il m'arrive de donner un coup de main aux autorités à l'occasion.

Elissande se pinça l'arête du nez.

— Que vouliez-vous me dire ?

— Savez-vous dans quelles circonstances votre oncle et votre tante se sont rencontrés ?

— À en croire mon oncle, il l'aurait épousée par charité chrétienne. Il rentrait d'Afrique du Sud les poches pleines, elle était une demoiselle en détresse dont le père était mort dans le dénuement après la faillite de sa banque et dont la sœur s'était enfuie pour se prostituer. Il estimait lui avoir évité une vie de désespoir.

— Ils ont peut-être fait connaissance après son retour d'Afrique du Sud, mais je pense qu'il avait des visées sur elle depuis bien longtemps.

Elle se sentit vaciller intérieurement. Elle était persuadée de savoir tout ce qu'il y avait à savoir sur son oncle et sa tante.

— Qu'est-ce qui vous fait croire cela ? demanda-t-elle.

— Les tableaux de Highgate Court. Freddie a retrouvé la trace d'une œuvre jumelle, sans doute peinte à la fin des années 1860. Hier, je suis allé voir ce tableau dans le Kent. Il représente un ange et un homme à genoux qui l'observe d'un air d'adoration. Cet ange a le visage de Mme Douglas. Et le peintre que je pense être votre oncle, a vendu ce tableau afin de financer son voyage en Afrique du Sud.

— Ce serait pour elle qu'il serait parti en Afrique du Sud?

— Peut-être pas pour elle, mais on dirait qu’à l'époque déjà, il était étrangement obsédé par sa personne.

Elissande se leva. Elle ne tenait plus en place.

— Et que s'est-il passé ?

— Il a échoué dans son entreprise. Par manque de chance ou de talent pour les affaires, voire les deux. Mais quelqu'un dans son entourage a découvert une mine de diamants et s'en est vanté auprès de qui voulait l'entendre. Cet homme se proposait de rentrer en Angleterre, tout auréolé de sa gloire et de sa fortune nouvelle. Il s'appelait Edmund Douglas.

— C... continuez, bégaya Elissande.

— J'ai des raisons de penser que votre oncle a assassiné le véritable Edmund Douglas quelque part entre l'Afrique du Sud et l'Angleterre. À

son arrivée dans le pays, il s'est fait passer pour Douglas, s'est servi des lettres de crédit de sa victime, et a épousé votre tante sous cette fausse identité.

Elissande s'était crue prête à entendre le pire. Mais ses doigts tremblants laissèrent échapper le verre à whisky qui alla rouler sur l'épais tapis.

— Nous avons enquêté en Afrique du Sud, poursuivit Vere. Les gens qui ont connu Edmund Douglas se souviennent d'un homme au fort accent, qui avait l'œil gauche barré d'une balafre suite à une rixe dans un pub du temps où il vivait en Angleterre.

— Mais comment... comment se fait-il que personne n'ait pas un instant soupçonné l'imposture ?

— Votre oncle est malin. Il s'est installé dans une région isolée et ne fréquente quasiment personne. Il n'est jamais retourné en Afrique du Sud, et il est possible qu'il ait aussi tué la seule parente qui restait au vrai Douglas sur le sol anglais. Toutefois je crois que votre tante l'a démasqué.

Elissande agrippa le dossier d'une chaise.

— Vous êtes sûr que je ne peux pas avoir un peu de whisky ?

Il alla chercher un autre verre et lui servit un doigt d'alcool. Elle l'engloutit si vite que, cette fois, elle sentit à peine la brûlure.

— Comment ma tante l'a-t-elle percé à jour ? reprit-elle.

— Je l'ignore. Votre oncle se considère comme un héros romantique, capable de tout par amour. Il a commis les pires méfaits pour celle qu'il voyait comme un ange. Cela le valorisait. Mais le jour où elle a découvert qui il était en réalité, elle a été atterrée, ainsi que toute personne saine d'esprit. C'est ce qu'il a considéré comme la trahison de l'ange. Il s'est senti bafoué. L'horreur et le dégoût de sa femme l'ont rendu fou de rage.

C'est pourquoi il l'a peinte s'envolant loin de lui après lui avoir passé une épée au travers du corps, symbole de sa déloyauté.

— Et c'est ce qui explique la cruauté dont il a fait preuve vis-à-vis d'elle toutes ces années ? murmura Elissande.

— Je ne vous aurais pas raconté cette histoire si vous aviez eu les nerfs fragiles, mais je sais que ce n'est pas le cas. Et il faut que vous sachiez ce qu'il en est afin de comprendre pourquoi votre tante est à ce point terrifiée, et à qui nous avons affaire.

— La police nous aidera-t-elle ?

— Nous aurons besoin d'elle pour l'arrêter, mais, pour l'heure, j'hésite à contacter les autorités locales. Ces gens ne sont pas habitués aux enlèvements. Du reste, nous n'avons aucune preuve tangible que votre oncle soit impliqué.

Elissande se laissa tomber dans un fauteuil et enfouit son visage entre ses mains.

— Alors nous ne pouvons qu'attendre ?

— Votre oncle va vous donner de ses nouvelles.

— Vous semblez très sûr de vous.

Elle l'entendit approcher une chaise de son siège.

— Diriez-vous de votre oncle qu'il est rancunier ? demanda-t-il doucement.

— Oui.

— Alors il n'en a sûrement pas fini, et ne se satisfera pas d'avoir récupéré sa femme. Il voudra aussi se venger de vous.

— Mais combien de temps allons-nous devoir attendre ?

— Pas plus tard que cet après-midi, selon moi. Après tout, le temps ne joue pas pour lui.

Elissande ne put retenir un gémissement. Courbée en deux, elle pressa le visage contre ses genoux.

Au grand soulagement de Vere, elle ne demeura pas prostrée très longtemps. Elle finit par se lever, et se mit à arpenter la pièce. Elle ignora le déjeuner que Vere lui avait fait servir et, tournant mécaniquement une cuillère dans son thé, ne cessait d'aller regarder par la fenêtre.

Vere avait envoyé plusieurs télégrammes, déjeuné, bu son thé. Il avait même parcouru le courrier qui lui était parvenu ce matin. À présent il n'avait plus rien à faire, à part être le témoin de son agitation.

— Pourquoi gardez-vous un livre dans le tiroir qui contient votre lingerie ? demanda-t-il à brûle-pourpoint, histoire de la distraire des terribles pensées qui devaient la tarauder en permanence.

Elle était occupée à tripoter les bibelots posés sur le manteau de la cheminée, et fit brusquement volte-face.

— Vous avez fouillé dans mes affaires ?

— J'ai fouillé toutes les pièces de la maison, sans exception.

Pour être tout à fait honnête, il avait fouillé bien des chambres féminines dans le cadre de son travail, mais jamais il ne s'était attardé devant des piles de linge immaculé comme il l'avait fait chez Elissande.

Et pourtant, à l'époque, il savait déjà que ses sourires n'étaient rien d'autre que des armes.

— Je n'ai rien trouvé de particulier dans la vôtre, excepté ce guide touristique.

Le corps rigide, elle s'assit sur le siège dans le renfoncement de la fenêtre.

— Ravie de vous avoir offert un peu de distraction. Si vous tenez à le savoir, je ne rangeais ce guide dans ma commode qu'en l'absence de mon oncle. Quand il était à la maison, je le cachais dans un énorme volume en grec dont j'avais découpé l'intérieur, et que je rangeais sur une étagère parmi trois cents autres livres en grec.

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