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Extrait

Extrait ajouté par Underworld 2020-01-09T13:53:19+01:00

** Extrait offert par Leanne Banks **

-- Celui qu'elle espérait --

- 1 -

L’entretien étant terminé, Forrest prit rapidement congé d’Annabel Cates, la bibliothécaire de Thunder Canyon, qui avait un chien de thérapie.

— Parfois, c’est plus simple de se confier tout en s’occupant d’un animal, dit-il. Je suis content que nous ouvrions ce groupe d’anciens combattants.

Il ne put résister à l’envie de caresser Smiley, le golden retriever. Annabel le regarda en souriant.

— Je suis sûre que Smiley sera ravi de recevoir des attentions. Pourquoi ne l’emmènerais-tu pas se promener ? Il a passé la matinée enfermé ici.

Il acquiesça d’un hochement de tête et prit la laisse qu’elle lui tendait.

— Bonne idée !

Lorsqu’il sortit de la bibliothèque, il fut saisi par le froid de novembre.

Il inspira profondément. L’air était tellement vif qu’il lui brûlait littéralement la gorge. Le soleil brillait et Smiley agitait la queue. Encouragé par la joie évidente du chien, il commença à remonter la rue.

Smiley était bien dressé et ne tirait jamais sur sa laisse, il le suivait toujours sans faire d’histoires, ce qui rendait les promenades très agréables.

Forrest traversa la rue et se détendit un peu. Il avait remarqué que l’un des symptômes de sa névrose post-traumatique, que le médecin appelait hypervigilance, diminuait toujours un peu quand il était avec Smiley. Le reste du temps, il avait constamment la sensation de devoir se préparer à une fusillade imminente.

Il tourna au coin de la rue. Il commençait à se sentir chez lui dans cette petite ville, ce qu’il trouvait très plaisant. Après avoir été réformé pour raisons médicales, il avait espéré que son retour à Rust Creek Falls où se trouvait le ranch familial l’aiderait à se remettre, mais hélas cela n’avait pas été le cas. Il avait peine à faire toutes sortes de choses qui lui paraissaient autrefois extrêmement simples, et cela ne faisait que mettre en évidence les limites que lui imposait sa jambe blessée.

Il baissa les yeux et s’aperçut que son lacet était défait. Dans l’état où il était, il ne voulait surtout pas prendre le risque de trébucher en marchant dessus. Il se pencha donc pour le refaire, un peu maladroitement.

Tout à coup, le chien se mit à aboyer et s’enfuit en courant, sans que Forrest ait pu tenter le moindre geste pour rattraper la laisse.

Il jura tout bas. S’il arrivait quelque chose à Smiley, il ne se le pardonnerait jamais.

— Smiley ! cria-t-il. Smiley !

Il suivit le golden retriever en marchant le plus vite possible. De loin, il vit surgir une jeune femme sur le pas de la porte d’une boutique, dans la trajectoire du chien.

— Smiley ! appela-t-il de nouveau, craignant que le chien ne la renverse.

— Smiley, assis ! dit la jeune femme.

Comme par miracle, le chien s’assit, continuant d’agiter la queue, la gueule ouverte et la langue pendante. Forrest arriva enfin à sa hauteur.

— J’avais peur qu’il aille sur la route… Merci de l’avoir arrêté, dit-il, profondément soulagé.

Il reprit son souffle et ramassa la laisse.

La jeune femme haussa les épaules négligemment.

— Je vous en prie ! Apparemment, il voulait venir me dire bonjour.

— Vous le connaissez ? demanda-t-il, toujours aussi étonné que le chien se soit enfui comme il l’avait fait.

La jeune femme observa Smiley un moment.

— Etant donné qu’il porte un gilet de chien de thérapie, je présume que c’est le chien d’Annabel Cates. Ma sœur Haley est mariée avec Marlon Cates, le frère d’Annabel, mais je dois dire que je n’avais encore jamais rencontré Smiley.

— C’est curieux, il est venu ici comme s’il savait exactement où il allait.

Il regarda de nouveau la jeune femme, plus attentivement cette fois. Il n’aurait pas su dire son âge, mais elle semblait jeune. Ses cheveux bruns lui arrivaient juste au-dessous des épaules, et ses grands yeux noisette pétillaient. A côté d’elle, il se sentait un peu vieux.

Elle eut un rire cristallin, qui lui fit l’effet d’un verre d’eau fraîche par une journée d’été caniculaire.

— Peut-être que ce chien est tout simplement très intelligent, et qu’il sait que RACINES est un endroit où il fait bon passer du temps ! Attendez une minute, ajouta-t-elle après l’avoir jaugé du regard. Etes-vous parent avec Rose Traub ?

— Oui, c’est ma cousine. Pourquoi ?

— C’est la femme de mon frère, Austin ! Je m’appelle Angie Anderson, dit-elle en tendant la main.

— Forrest Traub. Décidément, cette ville est vraiment petite, tout le monde est parent de tout le monde.

— C’est vrai. Voulez-vous entrer un moment ? Nous avons du chocolat chaud et des cookies.

— Non, merci, il vaut mieux que je ramène Smiley à Annabel.

— Je suis sûre qu’il aimerait se reposer, après cette course folle.

Lui-même avait bien besoin d’un peu de repos, car sa jambe lui faisait horriblement mal.

— Si vous en êtes sûre, alors ! Que faites-vous, ici ? lui demanda-t-il en la suivant à l’intérieur.

— Je suis bénévole. RACINES est un centre d’animation pour les jeunes du coin.

— N’êtes-vous pas jeune vous-même ? ne put-il s’empêcher de demander.

De nouveau, elle eut un petit rire qui le ravit.

— Je prends cela pour un compliment ! J’ai vingt-trois ans. Je termine mes études, et je travaille à RACINES à temps partiel. Comment voulez-vous votre chocolat chaud, nature, ou plein de marshmallows ?

La question l’amusa.

— Nature, répondit-il. Je me méfie de l’excès de sucre.

— Très bien ! Asseyez-vous, je reviens tout de suite, dit-elle en se dirigeant vers le fond de la pièce.

Un adolescent aux cheveux longs s’approcha de lui et de Smiley.

— Bonjour… Beau chien ! Je peux le caresser ?

— Bien sûr. C’est un chien de thérapie, il est dressé pour être affectueux. Enfin… Il va peut-être avoir besoin d’une petite remise à niveau, dit Forrest d’un ton pince-sans-rire.

— Comment ça ? demanda l’adolescent en se penchant pour caresser Smiley.

— Il s’est enfui en courant en pleine promenade, aujourd’hui. Il n’est pas censé faire ça.

— Il va avoir des ennuis ?

— Ce sera à sa maîtresse d’en décider.

Angie réapparut avec une tasse de chocolat chaud.

— Que penses-tu de Smiley, Max ?

— Il est cool ! Vous devriez l’amener ici plus souvent. Oh ! Regardez, Lilly est arrivée… On va faire nos devoirs ensemble.

— D’accord. Je suis là si vous avez besoin de quoi que ce soit, dit Angie en s’asseyant à côté de Forrest.

Dès que Max se fut éloigné pour accueillir son amie, elle le regarda d’un air espiègle.

— Je ne suis pas sûre qu’ils arrivent à faire leurs devoirs… Max est follement amoureux de Lilly, chuchota-t-elle.

Il jeta un coup d’œil aux deux adolescents, qui s’asseyaient côte à côte à une table, et eut un pincement au cœur.

— Je me demande parfois si j’ai déjà été aussi jeune, dit-il en secouant la tête, pensif.

— Vous n’êtes pas si vieux que ça ! Vous n’étiez tout de même pas né quand on a découvert l’électricité.

Il rit.

— Non, c’est sûr… Je ne suis pas dans mon assiette depuis que je suis revenu d’Irak, c’est tout.

Elle écarquilla les yeux.

— Vous êtes allé en Irak ?

— Oui. Je me suis engagé dans l’armée tout de suite après le lycée, et j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur juste avant mon premier séjour en Irak. Mon deuxième séjour là-bas a mis fin à ma carrière militaire, dit-il avant de boire une gorgée de chocolat chaud. Un engin explosif m’a mis hors d’état de combattre.

— Cela a dû être horrible !

— Cela a été pire pour certains que pour d’autres. J’étais dans le premier véhicule du convoi, nous avons essuyé le plus gros de l’explosion.

— Alors comme ça, vous êtes un héros, dit-elle en le regardant intensément.

Son expression admirative le mit un peu mal à l’aise.

— Oh ! Non ! Je faisais mon travail, c’est tout.

— Je suis sûre que beaucoup de gens seraient d’accord avec moi. Combien de temps pensez-vous rester à Thunder Canyon ?

— Un bon moment. Il y a un médecin ici qui s’occupe de ma jambe, et j’ai commencé à travailler pour un cabinet d’architectes. Et vous ? demanda-t-il dans l’espoir de changer de sujet, n’aimant pas être le centre d’attention.

— J’espère obtenir ma licence de sociologie d’ici l’année prochaine. Je travaille à l’administration de l’université une journée par semaine, je fais de l’intérim pour un expert-comptable pendant la période fiscale, je travaille à temps partiel pour un traiteur, et comme je vous le disais tout à l’heure, je travaille ici comme bénévole.

Ses joues s’empourprèrent légèrement.

— Je ne sais vraiment pas ce que je veux faire du reste de ma vie, avoua-t-elle. J’aimerais le savoir, j’aimerais en avoir une idée précise comme la plupart des gens, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas. Enfin ! Je ne vais pas attendre de trouver ma voie sans rien faire, alors je m’occupe.

— Vous êtes une vraie femme-orchestre.

Elle fronça les sourcils, visiblement perplexe.

— Pardon ?

— Eh bien, je ne pouvais pas dire que vous êtes un homme-orchestre… Vous êtes donc une femme-orchestre.

Elle eut un sourire étonnamment séduisant à cette explication.

— Ça me plaît. Je suis contente que Smiley vous ait conduit ici aujourd’hui.

Cette remarque le flatta et l’inquiéta à la fois. Angie n’était peut-être pas aussi jeune qu’il l’avait d’abord cru, mais elle était tout de même trop jeune pour lui, et il devait éviter à tout prix de la laisser se faire des idées.

— Merci encore de l’avoir rattrapé, et merci pour le chocolat chaud. Je vais le ramener à la bibliothèque, dit-il en se levant.

Sa jambe le faisait souffrir, mais il serra les dents et s’efforça de n’en rien montrer.

— Prenez votre temps !

Elle se leva à son tour, d’un bond. Il ne put s’empêcher d’éprouver une pointe d’envie en voyant le naturel avec lequel elle se déplaçait. Lui-même avait perdu son aisance d’autrefois, et ne la retrouverait peut-être jamais.

— Il faut vraiment que j’y aille. Merci encore. Prenez soin de vous.

Elle le regarda droit dans les yeux.

— Vous aussi. Vous savez, Thunder Canyon est une petite ville, nous nous recroiserons sûrement.

Il fit une réponse évasive et sortit. Une fois dehors, il se retourna et vit qu’Angie lui faisait au revoir de la main. Il agita lui aussi la main, puis s’éloigna.

Elle était vraiment adorable, de la même façon qu’une sœur pouvait être adorable. Elle était radicalement différente de lui. Il était militaire à la retraite, estropié, et avait parfois l’impression d’avoir quatre-vingts ans, tandis qu’Angie était une très jeune femme, rayonnante et pleine de vitalité, qui n’avait probablement jamais rien connu de dur.

Il lui enviait son innocence, mais aurait été incapable d’être aussi ouvert qu’elle, surtout après tout ce qu’il avait vu.

Il prit le chemin le plus court jusqu’à la bibliothèque et entra avec Smiley. Annabel les accueillit avec un grand sourire.

— Contente de vous voir, les garçons ! Alors, comment Smiley s’est-il débrouillé ?

— Bien, à part quand il s’est enfui en courant, répondit-il en lui tendant la laisse.

Le visage d’Annabel s’assombrit aussitôt. Elle regarda le chien d’un air perplexe.

— Il s’est enfui ? Quand ?

— Au bout de quelques minutes, il est parti en courant et s’est arrêté devant RACINES. Il se cherchait peut-être des clients !

Annabel eut un petit rire, mais il vit qu’elle ne trouvait pas cela très drôle.

— Peut-être, mais il est dressé pour ne pas s’enfuir brusquement.

— C’est Angie Anderson qui l’a arrêté, et tant mieux ! J’avais peur qu’il se mette à courir sur la route et qu’il se fasse renverser par une voiture.

Annabel fit la grimace.

— Je ne sais vraiment pas pourquoi il a fait une chose pareille. Heureusement qu’Angie était là, dit-elle en caressant Smiley.

— C’est vrai. Que sais-tu d’elle ?

— Les Anderson sont des gens bien. Ils en ont vu de dures, mais Angie s’en est vraiment bien sortie.

— Elle a l’air très jeune pour travailler dans un endroit comme RACINES.

— Au contraire, c’est une bonne chose pour les adolescents de pouvoir s’adresser à de jeunes adultes, cela leur permet de s’identifier à eux. Il paraît qu’Angie est très gentille et facile à vivre.

Il haussa les épaules avec une désinvolture feinte. Il se reprochait déjà d’avoir posé ces questions sur Angie.

— Bon ! Je vais rentrer. Merci pour l’aventure…

Annabel se mordit la lèvre inférieure, visiblement embarrassée.

— Je suis vraiment désolée que Smiley se soit enfui, comme ça.

— Ne t’inquiète pas, j’ai fini par le rattraper.

— Eh bien, en tout cas, il va avoir besoin de quelques heures de dressage supplémentaires.

Il hocha la tête.

— Je suis sûr qu’il s’en sortira très bien. Tu lui as déjà appris plein de choses.

— Merci ! Il sera encore mieux dressé la prochaine fois que tu le verras.

* * *

Angie avait du mal à se concentrer sur les adolescents venus passer un peu de temps à RACINES, car elle ne pouvait s’empêcher de penser à Forrest. La discussion qu’elle avait eue avec lui l’avait vraiment chamboulée. Elle avait déjà rencontré des hommes qui avaient éveillé son intérêt pendant un moment, mais elle sentait que Forrest était tout à fait différent, qu’il pourrait avoir une importance toute particulière pour elle. L’attirance violente qu’elle avait éprouvée pour lui dès qu’elle l’avait vu l’avait profondément troublée.

Elle faisait un peu de rangement avant de rentrer chez elle quand Lilly Evans vint la trouver. Lilly était une belle jeune fille de dix-sept ans, aux longs cheveux blonds et aux yeux verts. Calme et sérieuse, elle avait activement participé aux projets de RACINES au cours des deux années précédentes, depuis que son père était en prison. Angie admirait sa détermination, infaillible malgré les épreuves qu’elle traversait.

— Salut ! Alors, comment s’est passée cette session de travail avec Max ?

Lilly haussa les épaules négligemment.

— Bof ! Il n’était pas très concentré.

Angie rit.

— Peut-être parce qu’il est amoureux de toi !

Les joues de Lilly s’empourprèrent.

— Je n’ai pas le temps de penser à ça, j’ai d’autres préoccupations, répondit-elle d’un ton empreint d’inquiétude.

— Quel genre de préoccupations ?

— Ma mère a peur de perdre son travail, alors elle en a pris un deuxième à temps partiel.

— Les temps sont durs pour beaucoup de gens, dit Angie en lui posant une main sur le bras dans un geste réconfortant. J’espère qu’elle aura de bonnes nouvelles très bientôt.

— Moi aussi… Comme si cela ne suffisait pas, mon frère Joey a commencé à traîner avec une bande de voyous. Je m’inquiète vraiment pour lui.

— Quel âge a-t-il ? Tu pourrais peut-être lui suggérer de venir ici, avec toi.

— Il a treize ans, mais il trouve que RACINES n’est pas un endroit cool, répondit la jeune fille en levant les yeux au ciel.

— A quoi s’intéresse-t-il ?

Lilly fronça les sourcils.

— Il aime les jeux vidéo violents, il joue au basket de temps en temps… Il est assez maigre, alors il essaie de jouer les durs.

Elle soupira.

— Nous avons eu un chien pendant un moment, et Joey l’adorait, mais mon père nous a forcés à le donner à quelqu’un.

— Je vois, murmura Angie, sans cesser de réfléchir. Il pourrait peut-être travailler au refuge animalier ? Nous y envoyons un groupe de bénévoles deux fois par mois. Et si cela lui plaît, il pourra y aller tout seul encore plus souvent. Dans un premier temps, s’il y va avec le groupe de bénévoles de RACINES, il rencontrera des jeunes de son âge et se fera peut-être des amis plus recommandables.

— C’est une idée géniale ! Maintenant, il va falloir trouver un moyen pour le convaincre d’y aller.

— Si tu veux, je peux demander à l’un des bénévoles de l’appeler. Je peux aussi lui téléphoner moi-même.

— Il risque de refuser quand même, il est très têtu.

— Je l’aurai à l’usure ! Je vais prendre contact avec lui le plus rapidement possible.

Lilly poussa un profond soupir.

— Merci. Je me fais vraiment du souci pour lui.

— Nous allons faire comme ça et voir si cela fonctionne. N’oublie pas d’en parler à ta mère, et si elle a besoin d’aide, nous lui donnerons les coordonnées d’un excellent psychologue. Elle aura même droit à quelques séances gratuites.

Lilly se jeta à son cou pour l’embrasser et Angie la serra contre elle avec tendresse.

— Rappelle-toi que tu n’es pas seule, dit-elle, le cœur lourd en songeant à ce que la jeune fille traversait depuis quelques années.

Elle était heureuse que Lilly se sente assez en confiance pour se livrer à elle.

Une fois sa journée de travail terminée, elle quitta RACINES et rentra chez elle, dans sa grande maison vide. Depuis que sa sœur Haley et son frère Austin étaient partis, elle vivait seule.

Elle passait le moins de temps possible chez elle. Elle s’estimait heureuse d’avoir une maison à elle, de ne pas avoir à payer de loyer, mais le silence qui l’accueillait chaque soir lui pesait.

Cependant, après cette journée riche en événements, elle avait le sentiment qu’elle ne serait peut-être pas seule éternellement. Elle avait eu un véritable coup de foudre pour Forrest Traub, un coup de foudre d’une telle intensité qu’elle avait envie d’en faire part à sa sœur.

Elle aurait pu appeler Haley plus tôt dans la journée, quand elle était à RACINES, mais elle avait préféré attendre pour éviter que sa discussion ne tombe dans des oreilles indiscrètes. Elle ne pouvait résister à la tentation plus longtemps.

Elle composa donc le numéro de sa sœur et attendit qu’elle décroche avec impatience, le cœur battant la chamade.

— Bonsoir ! dit Haley. Comment vas-tu ?

— Très bien, et j’ai rencontré un homme merveilleux, aujourd’hui ! Il s’appelle Forrest Traub, c’est un ancien combattant, et c’est l’homme de ma vie.

Haley rit.

— Tu sais tout cela après l’avoir vu une seule fois ?

— Oui, répondit Angie en arpentant le salon. Il correspond à tout ce dont j’ai toujours rêvé, à l’homme que j’ai toujours voulu sans même le savoir. Ce n’est pas un gamin, Haley, c’est un homme. Il est solide et a bon cœur. Tu aurais dû le voir avec ce chien…

— Quel chien ?

— Smiley, le chien d’Annabel. Il se promenait avec lui. Il est extrêmement séduisant, ce qui ne gâche rien, bien sûr, mais il ne se résume vraiment pas à cela.

— Si tu le dis…

— Oui, je le dis !

— Eh bien, c’est très intrigant.

Angie perçut l’incrédulité de sa sœur, et en fut profondément agacée.

— Tu me traites avec condescendance, lui reprocha-t-elle.

— Non ! protesta Haley. Laisse-moi juste un peu de temps, je ne l’ai pas encore rencontré.

Angie soupira.

— D’accord, tu as raison.

— Merci. Alors, à part ça… Comment vas-tu ?

Angie jeta un coup d’œil autour d’elle et préféra garder pour elle le sentiment de solitude qui l’étreignait.

— Ça va, répondit-elle, continuant à faire les cent pas. Je m’occupe.

— Tu devrais venir dîner avec nous plus souvent.

— Vous venez de vous marier, je ne veux pas vous déranger.

— Tu ne nous dérangerais absolument pas.

— J’en aurais l’impression. Je ne vais tout de même pas passer à l’improviste alors que vous êtes en pleine lune de miel !

Haley rit.

— Préviens-nous simplement quelques minutes à l’avance, cela suffira.

— Tu me rassures ! la taquina Angie.

Il y eut un silence.

— Tu sais que nous sommes là pour toi, ma chérie, lui dit enfin sa sœur.

— Oui, je le sais.

— Je t’aime.

— Je t’aime aussi.

Après avoir raccroché, Angie prit une profonde inspiration et regarda pensivement la cuisine, debout dans l’embrasure de la porte. Une foule de souvenirs l’assaillirent : Austin en train de faire des pancakes pour le petit déjeuner, Haley l’aidant à se préparer pour le bal de fin d’année.

Elle savait très bien que son frère et sa sœur s’étaient démenés pour compenser le fait que leur père les avait abandonnés peu de temps après sa naissance, et que leur mère était morte alors qu’Angie n’était encore qu’une toute jeune adolescente.

Par bonheur, Haley et Austin avaient tous deux trouvé l’amour. Ils avaient quitté la maison familiale pour entamer une nouvelle vie, et elle était sincèrement heureuse pour eux. La seule ombre au tableau était qu’elle se retrouvait seule, et qu’elle ne savait pas toujours comment s’occuper.

Ils venaient la voir régulièrement, mais elle ne voulait surtout pas être un fardeau pour eux. Après tout, elle avait vingt-trois ans, elle devait être capable de se débrouiller toute seule.

Hélas, la maison était bien trop silencieuse à son goût. Elle retourna dans le salon et alluma la télévision, sans se soucier de la chaîne sur laquelle elle était : elle voulait seulement un fond sonore de voix humaines.

Elle alla ensuite dans la cuisine réchauffer un petit plat surgelé au micro-ondes et l’emporta avec elle dans le salon. Là, elle s’installa confortablement sur le canapé et prit le bloc-notes sur lequel elle écrivait tout ce qui concernait les projets caritatifs auxquels elle participait.

Noël approchant, son emploi du temps allait être de plus en plus chargé. Pendant la période des fêtes, il y avait encore plus d’adolescents que d’habitude à RACINES, et les adultes qui s’occupaient d’eux devaient donc être plus nombreux et travailler davantage. Elle serait obligée de concilier les heures qu’elle passait là-bas et le temps qu’elle consacrait au traiteur pour lequel elle travaillait.

Sa sœur lui avait appris que l’on s’apitoyait moins sur son propre sort lorsqu’on aidait les autres, et c’était pour cela qu’elle incitait les jeunes qui venaient à RACINES à contribuer à une œuvre de bienfaisance. Ils n’avaient pas besoin d’avoir d’argent pour cela, il leur suffisait de donner de leur temps et de leur énergie. Ce faisant, ils s’apercevaient rapidement que c’était gratifiant.

Tandis qu’elle griffonnait sur son bloc-notes, ses pensées se tournèrent de nouveau vers Forrest Traub. Machinalement, elle dessina un insigne militaire.

Comment avait-il pu survivre à cette explosion ? Cela avait vraiment dû être atroce.

Elle avait tout de suite senti qu’il n’était pas du genre à se laisser abattre. Il était sans doute bien décidé à faire contre mauvaise fortune bon cœur et à s’accommoder de sa situation du mieux qu’il pouvait.

Soudain, une idée lui vint à l’esprit : les jeunes de RACINES pourraient sûrement faire quelque chose pour les militaires. Mais quoi ?

* * *

Forrest se réveilla tôt, le lendemain matin. Trop tôt. Il s’occupa en pratiquant l’une des activités qui lui remontaient un peu le moral : de la musculation. Il espérait que l’exercice physique finirait par rendre son corps plus puissant, en dépit de sa blessure à la jambe.

Il avait installé ses équipements sportifs dans la chambre que son frère occupait jusqu’à récemment, avant de tomber amoureux d’Antonia, la propriétaire des chambres d’hôtes où ils logeaient.

Clayton et son petit garçon, Bennett, vivaient maintenant avec Antonia et sa fille, Lucinda. Clayton et Antonia allaient bientôt se marier. Forrest était très heureux pour son frère, bien sûr, mais il lui arrivait de se sentir un peu seul dans cette suite trop silencieuse.

Il faisait des haltères quand son téléphone portable sonna. Il ne reconnut pas le numéro qui s’affichait sur l’écran, mais vit que c’était un numéro local.

— Forrest Traub, dit-il en décrochant.

Une voix de femme, un peu essoufflée, lui répondit.

— Salut, Forrest ! C’est Angie Anderson.

Holà !

— Bonjour, Angie. Comment allez-vous ?

— Bien, et vous ?

— Ça va, répondit-il en se mettant à arpenter la pièce. Que puis-je pour vous ?

Elle rit.

— J’ai eu une idée ! Je me suis dit que les jeunes de RACINES pourraient correspondre avec des soldats au front.

Il hocha la tête pour lui-même.

— C’est une bonne idée. Vous pourriez contacter une association…

— Je pensais faire cela à ma façon, l’interrompit-elle, et j’espérais que vous pourriez m’aider.

La remarque le prit totalement au dépourvu.

— Moi ?

— Oui, vous ! Ce serait parfait… Vous êtes un ancien combattant, vous pourriez motiver les jeunes de Thunder Canyon.

— Je n’en suis pas sûr…

— Moi, si ! Nous pourrions nous voir pour en discuter.

Estomaqué par tant d’audace, il cligna des yeux, pris de court. Décidément, elle allait vite en besogne.

— Je ne viens pas au centre-ville aujourd’hui, alors…

— Je peux venir vous voir, moi ! Où habitez-vous ?

— Vous n’êtes pas obligée de vous déplacer.

— Cela ne me dérange pas. Où habitez-vous ?

Il soupira et lui donna son adresse.

— Vous n’êtes vraiment pas obligée de venir jusqu’ici, insista-t-il.

— Cela me fait plaisir, je vous assure. J’apporterai de quoi manger. A tout à l’heure !

Elle raccrocha sans lui laisser le temps de protester.

Il resta un instant immobile, à regarder fixement son téléphone. Il avait un mauvais pressentiment : cette fille allait lui attirer des ennuis.

Quelques heures plus tard, il entendit des pas légers et vifs sur les marches du porche. Etant donné qu’il était le seul occupant présent pour l’instant, il devina que c’était Angie et ouvrit la porte sans lui laisser le temps de frapper.

Il fut troublé en la voyant. Elle était belle, féminine, fraîche et innocente.

— Salut !

— Salut, répondit-elle avec un grand sourire. Je peux entrer ?

— Bien sûr.

Il remarqua qu’elle portait un sac en papier contenant des sandwichs.

— Ce n’était pas la peine d’apporter à manger !

— Je vous avais dit que je le ferais. Il ne nous manque que de l’eau !

— J’apporte ça tout de suite.

— C’est très joli, ici, dit-elle en le suivant à l’intérieur.

Il alla dans la cuisine et revint avec deux verres d’eau.

— Je n’ai pas besoin de plus pour l’instant.

Il se passa une main sur la nuque, un peu gêné.

— Ecoutez… Je ne suis pas sûr d’être la personne indiquée pour votre projet de correspondants. Cela fait plusieurs mois que j’ai quitté l’armée, et je ne connais pas beaucoup de soldats par ici.

— Oh ! Mais je n’ai pas besoin que vous me donniez des noms ! Je peux me débrouiller pour les trouver moi-même, sans problème. Ce que j’aimerais, c’est que vous parliez aux jeunes de RACINES et que vous leur disiez à quel point cela vous a aidé de recevoir des cartes postales et des lettres de soutien quand vous étiez au front, surtout pendant les fêtes de fin d’année.

Elle agita le sac qui contenait les sandwichs.

— Vous voulez manger dans la cuisine ?

— Elle est toute petite… D’habitude, je mange dans cette pièce-ci, répondit-il en indiquant le salon d’un hochement de tête.

Elle rit.

— Vous êtes comme moi ! Depuis que je vis seule, je mange des plats préparés devant la télévision… enfin, quand je suis chez moi, ajouta-t-elle en s’asseyant sur le canapé. La plupart du temps, je suis par monts et par vaux.

— Pourquoi ne cherchez-vous pas une colocataire ?

— Je ne sais pas… Je n’y ai pas vraiment réfléchi. A l’âge de treize ans, je me suis retrouvée seule avec ma sœur et mon frère, et maintenant qu’ils ont quitté la maison, cela me fait tout drôle.

Il se demanda ce qui était arrivé à ses parents, mais n’osa pas le lui demander, de peur de se montrer indiscret.

— Je vous comprends. Depuis que mon frère et Antonia sortent ensemble et qu’il s’est installé avec elle, c’est beaucoup trop calme, ici.

— Eh bien, vous pourriez peut-être venir dîner chez moi, un soir !

Angie était jolie comme un cœur et, de toute évidence, il ne la laissait pas indifférente, mais il ne voulait pas lui donner de faux espoirs.

Il s’éclaircit la voix.

— Alors, qu’est-ce que vous avez apporté comme sandwichs ? lui demanda-t-il, évitant soigneusement de relever la proposition qu’elle venait de lui faire.

— Oh ! J’ai supposé que vous n’étiez pas végétarien et je vous ai pris un grand sandwich mixte.

Il rit et déballa le sandwich qu’elle lui tendait.

— Bien supposé ! Merci.

Elle prit son bloc-notes.

— Alors ! Je me suis renseignée sur les correspondants de guerre, je suis sûre que ce sera très enrichissant pour les jeunes. La plupart d’entre eux ont le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur leur vie, surtout quand ils ont des problèmes à la maison ou à l’école. Ce n’est pas grand-chose de s’engager à entretenir une correspondance avec un soldat, mais cela aura un effet très positif sur l’expéditeur comme sur le destinataire. N’est-ce pas ?

Il ne s’était pas vraiment penché sur la question, mais elle avait raison, il s’en apercevait maintenant qu’il y réfléchissait. De plus, elle montrait tant d’enthousiasme qu’il aurait été incapable de la décevoir.

— Si, répondit-il, bien sûr.

— Je savais que vous seriez d’accord avec moi ! L’année dernière, je me suis aussi occupée d’un projet appelé « Des cadeaux pour les patriotes ». J’aimerais reconduire ce projet cette année.

Il eut un mouvement de recul.

— Holà ! dit-il en secouant la tête. Je ne suis pas le gars le plus jovial du coin, ces temps-ci. Vous feriez peut-être mieux de trouver quelqu’un qui a davantage l’esprit de Noël.

Elle écarquilla les yeux, visiblement incrédule.

— Mais tout le monde aime Noël ! C’est la plus merveilleuse période de l’année !

Il la regarda, perplexe. Etait-elle sérieuse ? Elle paraissait aussi déçue que s’il venait de lui annoncer que le père Noël n’existait pas.

L’espace d’un instant, il se demanda si elle plaisantait, mais il se rendit vite compte que ce n’était pas le cas. De toute évidence, elle adorait Noël. Il se sentirait vraiment minable s’il refusait de l’aider dans ces conditions.

Il jura intérieurement.

— D’accord, d’accord, dit-il avec un soupir. Je vous aiderai.

Elle se jeta à son cou.

— Oh ! merci ! Je savais que vous seriez parfait !

Pris au dépourvu par la spontanéité de cet élan, il s’efforça de ne pas se laisser troubler par le parfum de ses cheveux, ni par la sensation de sa poitrine effleurant son torse. Ses yeux se posèrent malgré lui sur sa bouche, et il essaya de se rappeler à quand remontait la dernière fois où il avait embrassé une femme.

Il s’empressa de chasser de son esprit les pensées déplacées qui s’imposaient à lui et s’écarta un peu d’elle.

— On ne m’avait encore jamais accusé d’être parfait, répondit-il sur le ton de la plaisanterie.

Il vit passer dans ses yeux une lueur malicieuse.

— Eh bien, je ne vois vraiment pas pourquoi !

Son air espiègle la rendait encore plus séduisante, et le mettait encore plus mal à l’aise.

— Bon ! Parlez-moi du projet « Des cadeaux pour les patriotes », dit-il dans l’espoir de reprendre le fil de leur conversation initiale.

Elle s’écarta peu à peu, mais au passage, laissa sa main lui frôler le genou, et il remarqua qu’elle semblait contente d’être assise tout près de lui.

Il ne savait pas quoi penser. Etait-elle naïve au point de ne pas se rendre compte de ce qu’elle faisait ? Ou essayait-elle de le séduire ?

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