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C'est difficile à expliquer : jusque-là, il y a son âme, ou son ventre dévoré, qui ressemblent à des terres brûlées. Dedans, il n'y a plus rien. C'est un paysage après l'éruption d'un volcan, le monde après la fin du monde. C'est gris. C'est tout nu, tout lisse, on ne peut pas s'accrocher, cela brûle et on ne peut pas marcher. Et puis les sourires d'en face arrivent, que ce soit pour elle ou non, elle les attrape ; et là aussi, c'est comme le monde après la fin du monde. Mais plus tard. Au moment où les forces reprennent et que la terre renaît de ses cendres, parce que après la fin du monde, il y a le début du monde. Un autre. Le suivant. Au fond de Clémence, quelque chose revient à la vie. Elle perçoit presque physiquement la lumière et la chaleur, elle voit, imprimées sur sa rétine, les grandes herbes et les fleurs qui poussent et s'épanouissent et ondulent, qui font un pansement dedans son ventre, et toutes les douleurs et toutes les brûlures s'apaisent, cela dure un instant, un instant seulement. Pendant cet instant, elle entrevoit le salut.
Afficher en entierLes autres, Clémence ne les a pas encore mémorisés, et chaque fois il y a ce sourire, ce signe pour elle aussi, et Flo et Rémi qui s’activent derrière la vitre, une seconde où elle se sent exister. C’est idiot parce qu’elle ne connaît personne, elle n’a jamais passé la cloison, cloîtrée derrière sa buée – mais Clémence, cela lui fait du bien. Le temps d’un clignement d’yeux, le temps d’un mensonge, cela lui fait de l’amour. C’est difficile à expliquer : jusque-là, il y a son âme, ou son ventre dévoré, qui ressemblent à des terres brûlées. Dedans, il n’y a plus rien. C’est un paysage après l’éruption d’un volcan, le monde après la fin du monde. C’est gris. C’est tout nu, tout lisse, on ne peut pas s’accrocher, cela brûle et on ne peut pas marcher. Et puis les sourires d’en face arrivent, que ce soit pour elle ou non, elle les attrape ; et là aussi, c’est comme le monde après la fin du monde. Mais plus tard. Au moment où les forces reprennent et que la terre renaît de ses cendres, parce que après la fin du monde, il y a le début du monde. Un autre. Le suivant. Au fond de Clémence, quelque chose revient à la vie. Elle perçoit presque physiquement la lumière et la chaleur, elle voit, imprimées sur sa rétine, les grandes herbes et les fleurs qui poussent et s’épanouissent et ondulent, qui font un pansement dedans son ventre, et toutes les douleurs et toutes les brûlures s’apaisent, cela dure un instant, un instant seulement. Pendant cet instant, elle entrevoit le salut.
Afficher en entierAlors elle court, Clémence, aujourd’hui elle court encore, dans l’obscurité de la ville. C’est un étrange paradoxe : elle court la nuit, là où ça fait peur. Oh – jamais autant que là-bas. Ici, il y a des lumières dans les rues, qui chassent la terreur. La nuit sous les réverbères n’est pas vraiment la nuit. Elle court, elle ne connaît que cela pour ne pas crever. Aux limites de l’épuisement, du cœur qui lâche, de la poitrine brûlante dont les rauquements lui remontent dans la gorge avec cette acidité qui donne des haut-le-cœur. Pour sauver sa peau, ou pour se punir, elle ne fait plus la différence, tout est confondu ce soir dans les rues qu’elle dévale, qui montent, qui descendent, un peu, surtout elle ne ralentit pas. Quand on souffre, on est certain de ne pas être mort.
Afficher en entierLes premiers jours, c’est difficile. Tout est difficile. Difficile de tout changer, et que rien ne change. L’angoisse, les palpitations, l’avenir sans avenir : c’est là. Clémence voudrait que ça se répare d’un coup, comme si la vie lui devait cela, après les années terribles. Mais la vie n’est jamais redevable. Jamais juste. Elle aussi, elle est là et c’est tout. Il faut faire avec la sensation, jusqu’au bout des doigts et jusqu’au fond du ventre, qu’on ne s’en sortira pas – au fond du ventre ou au fond du trou, ça grésille, ça dévore.
Afficher en entierEt est-ce véritablement de la chance d’ouvrir les yeux et de deviner l’aube d’un autre jour, au fond ? Est-ce de la chance que tout recommence chaque fois ? Quand on a une vie de merde, se réveiller le matin n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il n’y a pas de retour au meilleur – juste le pire qui s’accumule. Car lui – lui, l’homme : il a prouvé que le pire s’inventait d’aube en aube, de nuit en nuit. Toujours un peu plus. L’espoir a rendu les armes.
Afficher en entierProjetées sur les parois d'une caverne éclairée par un feu, des silhouettes ordinaires peuvent prendre l'allure de géants monstrueux. Pour les ramener à leur taille réelle, à leur forme réelle, il suffit de rallumer la lumière.
Rallumer la lumière. Eclairer. Eclaircir.
Afficher en entierÉchapper aux pensées trop sombres et à la solitude, être avec les autres, avec des gens vivants, heureux, et si cela déteignait sur elle hein, avec un un peu de chance. Clémence fuit. Clémence n'est bien nulle part, ni de là où elle vient, ni là où elle va. C'est juste un espoir - que ça soit mieux ailleurs. Mais le problème est à l'intérieur. Le problème c'est elle, dedans, et ça, ça ne se laisse pas à la maison ou à la boulangerie. Ça l'accompagne partout.
Afficher en entierMais c'est là, sur elle, en elle. Pas la transparence des grands glaciers ou des mers superbes; celle des invisibles. De ceux qui voudraient qu'on les voie, en vain. (...) Cela s'accumule comme les chagrins, l'impression que les autres passent à travers son corps, à travers son regard, et que rien ne les arrête - rien ne justifie qu'ils s'y arrêtent.
Afficher en entierCe qui fait mal, ce n'est pas tant la voix qui hésite au bout du fil, ce n'est pas l'embarras si grand qu'il s'entend. C'est le vide quand on raccroche. C'est savoir qu'on continue à être seul, affreusement seul.
Afficher en entierIl y a des gens pour qui l'existence est un trop grand défi. Ce n'est la faute de personne. C'est comme ça.
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