Cette chose étrange en moi

Livre bouleversant sur la simple vie de melvut, marchand de boza à Istanbul.

Il faut prendre une grande respiration pour commencer "Cette chose étrange en moi" car, à l'instar de la plupart des romans de Pamuk, ce roman est un sacré pavé: 688 pages tout de même ! Ensuite, passé ce premier saut, "Cette chose étrange en moi" ne se lâche plus et on voudrait ne jamais arriver à la dernière page.

Je n'ai lu, auparavant, que deux romans d'Orhan Pamuk: "La maison du silence" et "Neige". Je n'ai vraiment adoré aucun des deux, même si je reconnais à "Neige" qu'il marque l'esprit, qu'il continue à vivre dans mes souvenirs. Le libraire chez qui je vais le plus souvent parle de la "caudalie" de certains romans, reprenant ainsi ce terme d’œnologie qui désigne la durée d'expression en bouche des arômes d'un vin. "Neige", donc, reste en mémoire, ce n'est pas un roman de plage vite lu, vite oublié. Quand je vois la ville de Kars sur une carte de la Tuquie, forcément maintenant je pense à "Neige".

Pour autant, j'ai eu beaucoup de mal à rester "dans" "Neige" à qui je reprochais, c'est très subjectif, la lenteur, le sentiment un peu dépressif, statique qui se dégage de l'histoire. Mais Ka, le personnage de Neige, n'est pas Mevlut, celui de "Cette chose étrange en moi". Et Kars n'est pas Istanbul, et le temps de l'intrigue, 4 jours dans "Neige" et une cinquantaine d'années dans "Cette chose étrange en moi".

Orhan Pamuk raconte ici l'histoire de Mevlut, villageois anatolien venu avec son père s'installer sur une des collines d'Istanbul. Mevlut, comme son père, sera vendeur de yaourt, de glace et surtout de Boza.

A travers son histoire de marchand ambulant, c'est toute la grande Histoire d'Istanbul et, en filigrane, du monde, qui est aussi racontée. Tout y passe en arrière plan plus ou moins appuyé: le massacre d'intellectuels alévis à Sivas en 1993, l'effondrement des tours jumelles à new york en 2001, l'explosion de Tchernobyl en 1986, l'expulsion des Grecs d'Istanbul en 1964, et même la déportation des chiens d'Istanbul sur une île des Princes en 1910 ou la noyade dans le Bosphore de 20 000 moutons en 1991.

Avec Mevlut, le lecteur assiste aussi à l'évolution d'Istanbul. Au départ, Mevlut et son père s'installent dans un bidonville sommaire à Kültepe. Progressivement, la ville se transforme et devient la mégapole "mondiale" qu'elle est aujourd'hui. Les bidonvilles deviennent des quartiers "gecekondu", construits en une nuit, puis des quartiers d'immenses immeubles.

Avec Mevlut, le lecteur vit aussi toute la complexité d'un pays, entre alévis laïques et gauchistes (son ami Ferhat), confréries soufies (la loge de Son Excellence) et traditions villageoises exportées à la ville.

Vient ensuite l'histoire vraiment racontée, celle qui porte la grande, celle de Mevlut, amoureux d'une jeune fille qu'il croise à un mariage, à qui il y écrit des lettres en les adressant par erreur (ou combine de son cousin?) à sa sœur Rayiha. Mevlut enleve Rayiha pour l'épouser car il pense que le père de celle-ci ne lui accordera pas sa main. Il se rend compte de son erreur, Rayiha n'est pas la jeune fille à qui il voulait écrire. Mais Mevlut a du coeur, de la droiture, il épouse malgré tout Rayiha et vit avec elle une touchante et réaliste histoire d'amour. Autour d'eux gravitent tous personnages de la famille et de leur entourage: Suleyman, Vediha et les autres.

Le roman est raconté à plusieurs voix (je suppose qu'on dit ça comme ça ?). Il y a le narrateur, omniscient, mais aussi tous les personnages qui, par intermittence, prennent la parole pour donner leur point de vue, raconter leur bout d'histoire.

J'ai fermé ce livre émue de l'avoir fini. J'aurais voulu qu'il continue encore. C?est exactement le genre d'histoire que j'aime lire. Il n'y a pas de meurtrier à chercher, de trésor à trouver, de monde à sauver ou d'amour à conquérir. Ce ne sont pas des histoires extraordinaires qui sont contées. C'est juste la vie, avec ce qu'elle a de formidable,d'autant plus quand elle est racontée avec tant de souffle et de finesse.

Bravo Orhan Pamuk !

Malgré une belle écriture et un contexte historique fort intéressant je n ai pu finir ce livre ...

Un très beau roman sur le bonheur et l'amour sur fond historique. On s'attache énormément au héros Melvut qui s'acharne à être heureux toute sa vie.