Extraits

— Pourquoi ? murmure-t-il, à peine audible. Pourquoi acceptes-tu mon égoïsme, ma colère, mes caprices alors que ça va à l’encontre de tous tes principes ?

Il semble las et fâché en même temps, vaincu. Ce garçon regorge d’un trop-plein de contradictions que je peine à assimiler. Pourtant, c’est l’une des plus belles âmes que j’aie jamais rencontrée.

— Parce que… peiné-je à lui répondre. Parce que je ne sais pas quoi faire d’autre pour t’atteindre.

« Si Nathan est un livre, c’est un ouvrage écrit dans un langage antique, voire extraterrestre dont on a pas encore décodé les symboles ! Il y a des jours, j’aurais bien besoin d’un dictionnaire. La plupart du temps, à vrai dire. »

— Qu’est-ce que tu ne me feras pas faire ? soupire-t-il entre deux baisers.

Je n’en reviens pas qu’il dise cela alors que, depuis le début, depuis le premier instant, c’est lui qui me pousse dans mes retranchements, qui me fait tout remettre en question, qui mène la danse.

— Je te ferai remarquer que pour pouvoir enfin te bécoter avec ton accord, je viens de rouler une pelle à un chien par procuration !

Je manque m’étouffer de rire, alors que Perry, comme si elle avait compris qu’on parlait d’elle, relance les offensives.

— Ouaf, ouaf, ouaf !

Il est à couper le souffle dans son costume gris perle. Le T-shirt bleu ciel et ses baskets blanches ajoutent une touche décontractée à sa tenue. Sa silhouette élancée rehausse un peu plus son port altier. Malgré sa nonchalance, sa stature détendue, je suis toujours bluffé par son élégance naturelle.

Je ne peux le quitter des yeux, je suis comme hypnotisé. Ses cheveux habituellement en bataille sont savamment coiffés et rejetés en arrière. Ils dégagent son front et font ressortir la profondeur de son regard.

- Tu me fixes, dit-il sans détourner son regard de l’horizon.

Pourtant, un sourire naît à la commissure de ses lèvres. Il aime attirer les regards. Il est comme un soleil.

- Désolé, soufflé-je.

- Ne le sois pas, affirme-t-il en se tournant enfin vers moi. J’aime quand tu me regardes comme si tu ne pouvais te retenir, comme si tu avais envie de me consommer sur place. Ça change de l’époque où tu voulais m’écraser comme une mouche.

Je sens mes joues rosir d’embarras. Je m’appuie sur la rambarde et regarde le microcosme parisien défiler sous mes yeux.

- Tu me connais, dis-je, je préfère prendre le temps d’effeuiller, de savourer.

- Je te connais, en effet, me chuchote-t-il à l’oreille. Mais apparemment, tu me confonds avec un artichaut, ce qui n’est pas très flatteur, et en plus, je crains d’avoir des cheveux blancs avant que tu n’atteignes mon cul. Et si moi, j’ai bien compris qu’avec toi, il me faudra m’armer de patience, visiblement toi, tu n’as pas encore compris que cette fleur ne poussait pas dans mon jardin ! Par ailleurs, maintenant que cela a été dit, j’ai vu des toilettes en montant…

- Nathan ! le réprimandé-je.

- Quoi ? Tu ne peux décemment pas m’en vouloir d’avoir les crocs alors que tu portes ce jean indécent et cette chemise qui te fait des épaules de taureau !

- Jean indécent ? m’amusé-je. Je te ferais remarquer que ce n’est pas mon fessier qui a été agressé.

- Normal, grommelle-t-il, la place était déjà prise ! Bon, dis-moi, si on ne peut ni aller aux toilettes ni dans ton lit pour que je profite de ton joli petit cul, où allons-nous ? Parce que j’espère que ça vaut le coup !

- Je tomberai vraiment sur mon « joli petit cul » le jour où tu n’essaieras pas de me coincer dans des toilettes ou dans mon lit.

- Tu connais un meilleur endroit pour moi que dans ton lit ? me provoque-t-il.

- Dans ma vie, dis-je franchement en le fixant droit dans les yeux.

« La musique, ce n’est pas si loin de la boxe (...). Tu ne peux pas plus jouer deux fois la même mélodie à la note près que tu ne peux réaliser deux fois la même prestation lors d’un match. Si tu changes les solistes, l’orchestre ou le chef, tu as une nouvelle interprétation. Personne n’a la même technique, la même sensibilité, chacun apporte une touche de lui-même à la composition musicale. »

« (...) une seule chose me vient à l’esprit : je suis défini par mes chromosomes. Si je ne suis pas né sous X, j’ai été formaté par un Y non désiré.

Un ovaire assiégé et un spermatozoïde criminel. »

Alors ?

— Je ne vais pas mourir, me taquine-t-il. Je ne ris plus. Il lève les yeux au ciel.

— L’examen général n’a rien révélé. Quant à la morsure, elle est de type punctiforme, heureusement et étonnamment peu profonde et n’a nécessité que deux points de suture. J’ai eu droit à mon premier vaccin antirabique et je suis bon pour des antibiotiques pendant deux semaines. Satisfait ? Je peux aller me griller une clope maintenant ?

— Je viens avec toi.

— Je n’ai pas besoin d’un chien de garde, se fâche-t-il.

— Et moi, je n’ai vraiment, mais vraiment pas besoin de subir ton caractère de chien maintenant.

Mi-Cha nous regarde l’un après l’autre et lâche sa bombe :

— Bon, les amoureux, clope ou pas clope, allez dans un coin sombre, bisouillez-vous, pelotez-vous, faites ce que vous faites d’habitude : je ne veux pas savoir. Mais quand vous revenez dans la voiture, gentils toutous, pas de scène de ménage.

S’il n’a pas pu s’asseoir à côté de moi, Julie a insisté pour qu’il soit sur sa banquette – il en a presque boudé ! –, il n’a pas manqué une aussi belle occasion de chanter en duo avec moi : « Besoin de rien, envie de toi ». Je ne m’en suis pas encore remis… Le pire ? Mi-Cha a tout filmé, bien sûr. Depuis, il menace de mettre la vidéo en ligne sur son Facebook pour faire le buzz. Son commentaire ? « Et c’est parti pour le show, et c’est parti ces gars sont chauds ! »

— Tu connais un meilleur endroit pour moi que dans ton lit ? me provoque-t-il.

— Dans ma vie, dis-je franchement en le fixant droit dans les yeux.

...

— Putain, finit-il par gémir, comment est-ce que tu fais toujours ça ?

— Quoi ? m’étonné-je.

— Me mettre dans cet état uniquement avec des mots… Merde…

— Dans cet état ? ânonné-je.

— Disons que la tour Eiffel vient de pousser de vingt bons centimètres grâce à toi.

Quand je comprends à quoi il fait allusion, j’éclate de rire. Nathan est terrible, et je le trouve terriblement désirable.

Je ne l'ai jamais vu aussi ébranlé, aussi fragile. J'ai peur qu'il ne se brise entre mes mains. Personne ne devrait avoir à décider de la mort d'un être cher, pas même d'un animal. C'est cruel. Et si douloureux. J'en ai mal pour lui.