Extraits

-Je devrais sûrement éviter de te parler du petit garçon dans ton appart, alors?

Elle s'arrêta brutalement, stupéfaite.

-Oui. OK. Oublie ça, fis-je.

-Il y a un gamin mort chez moi?

-Pas tout le temps.

Elle secoua la tête et repartit. De nouveau j'eus du mal à soutenir l'allure, à cause de mes pantouffles lapins. Je me rendis compte que je faisais trop d'exercice. J'allais devoir compenser ça plus tard avec un gâteau.

-Je n'arrive pas à croire qu'il y a un gamin mort chez moi et que tu ne me l'aies jamais dit.

-Je ne voulais pas t'inquiéter. Je crois qu'il en pince pour Amber.

-Oh mon Dieu.

-Ecoute, dis-je, retournons chercher la voiture et je m'occuperai de tout ça, d'accord? On ne peut pas la laisser là. Quelqu'un va finir par la voler.

Son regard s'éclaira.

-Tu crois? Non, attends, peut être que je devrais y laisser les clés. Tu sais pour leur faciliter la tache.

-Euh, en voilà une bonne idée.

Elle repartit d'un air décidé vers la voiture. J'étais inquiète, mais pas trop. Au moins, elle allait dans la bonne direction.

En dépit d'une envie quasi irréprissible de lui lancer un regard furibond, je n'arrivais pas à rassembler le courage d'ouvrir les yeux. La lumière crue filtrait déjà à travers mes paupières, de toute façons. Mon appart aavait vraiment un problème de puissance électrique.

-Charley...

En même temps, peut-être que, moi, j'étais morte.

Peut-être que j'avais passé l'arme à gauche et que je flottais vers la lumière, comme dans les films. Pauvre de moi.

-...je ne plaisante pas...

Je n'avais pas particulièrement l'impression de flotter mais l'expèriance m'avait appris à ne jamais sous-estimer les désagréments du timming de la Mort.

-...allez, lève toi.

Je serrais les dents et utilisai tout mon énergie pour m'ancrer sur Terre. Dois pas... aller... vers la... lumière.

-Tu m'écoute, au moins ?

La voix de Cookie me parvenait étouffée à présent que sa propriétaire fouillait dans mes affaires. Alle avait de la chance que mon instinct de tueuse n'ait pas pris le dessus pour lui flanquer une rouste. Je l'aurais laissée brissée, couverte d'hématomes, gémissant sa souffrance et agitée de rares soubresauts.

- Faites vite, dis-je en décrochant.

- OK. Deux agents du FBI sont là, m'annoça Cookie, vite.

Merde.

- Des "Men in black" au bureau ?

- Eh bien oui, mais je dirais que leur costume est plutôt bleu marine.

Merdum. Je n'avais pas de temps à perdre avec eux, quelle que soit leur couleur.

- D'accord, deux questions : est-ce qu'ils ont l'air énervé et est-ce qu'ils sont sexy ?

Cookie me répondit après une longue, longue pause :

- Premièrement, pas vraiment. Et deuxièmement, pas de commentaire pour l'instant. Oh, et troisièmement, tu es sur haut-parleur.

Je lui répondis après une autre longue, longue pause :

- Bon ben, OK. J'arrive de suite.

—Tu embrasses souvent les morts ? demanda Garrett.

J'avais oublié qu'il était encore là.

—Je ne l'ai pas embrassé, répondis-je, sur la défensive. Il est passé dans l'au-delà à travers moi.

— Ouais, c'est ça. (Il me donna un coup d'épaule en passant devant moi.) Rappelle-moi de passer à travers toi quand je mourrai.

Un bras dodu apparut, armé d'un couteau bien plus long que le mien.

Si mes calculs étaient corrects, en prenant en compte le poids de l'agresseur, la longueur et le tranchant de la lame qui se dirigeait vers moi,

ça allait faire mal.

Ça alors ! Et sinon, tu as du nouveau pour moi ?

—Non.

—Merde.

—Tu vas rester à l'écart des ennuis ?

— Quoi ? K-shhhhhh. Je ne t'entends plus. (Tut-tut-tut)

J'eus le sentiment qu'il se réjouirait de me torturer. Or, traitez-moi de sentimentale mais, bon sang, j'aime apporter de la joie dans le monde.

Sur les conseils de mon avocat, mon tee-shirt ne porte pas de message pour le moment.

M.Chao grogna de douleur. Il avait été touché, mais je ne savais pas si c'était grave.

-Il faut l'aider, dis-je à Garrett en essayant de me lever.

-Charley, bon sang.Il faut d'abord qu'on trouve un plan.

-On pourrait, je sais pas moi, prendre monsieur Chao et foutre le camp.

La poussée d'adrénaline devait m'avoir délié la langue. Je n'avais plus aucun mal à donner mon avis, tout à coup.

Garrett ne m'écoutait même pas. Oh, vraiment? On recommençait avec ces conneries?

-Si on se contente d'attendre, les flics vont arriver d'une minute à l'autre.

-En attrapant M.Chao et en sortant par la fenêtre de derrière, on pourrait attendre les flics dehors.

Une nouvelle série de coups de feu retentit autour de nous.

-Fils de pute, marmonna Garrett tandis que les balles ricochaient dans toutes les directions. Putain, mais qui est-ce qui nous tire dessus comme ça?

-Ah ouais, j'ai oublié de te dire qu'il m'a donné son nom. C'est "foutons-le-camp-d'ici."

-Tiens, prends ça, dit-il en glissant une main derrière son dos.

-C'est une carte pour foutre le camp d'ici?

Il déposa dans ma paume gauche un petit pistolet.

-Tu sais mec, je suis droitière.

-Charley, dit-il, avec une voix pleine d'exaspération.

-C'est juste pour dire.

Je me tournais vers Cookie.

-Jetons un coup d'oeil aux environs.

Elle s'étrangla presque sur son kawa.

-Evidement. Je n'y avais même pas songé. Jeter un coup d'oeil. Je savais bien que j'avais une bonne raison de t'amener ici.

Elle sauta à bas de son tabouret et...eh bien, elle jeta un coup d'oeil autour d'elle. J'eus besoin de toute ma retenue pour ne pas rire.

-Allons voir plutôt dans les toilettes, Magnum, lui suggérai-je avant que ma volonté ne perde le combat.

-D'accord, répondit Cookie en se dirigeant tout droit vers la réserve.

Oh, si ça lui faisait plaisir. On pouvait commencer par là.