Commentaires de livres faits par charly09
Extraits de livres par charly09
Commentaires de livres appréciés par charly09
Extraits de livres appréciés par charly09
"[Henri Reille] était d'une incroyable banalité et d'une modération excessive, ce qui le rendait paradoxalement fort singulier."
Tout est dit.
Et ce personnage extraordinairement ordinaire va nous entraîner dans une aventure improbable, suivant le fil de ce petit roman ficelé, enchaînant les péripéties improbables qu'on attend pourtant sans surprise et qui nous tient en haleine jusqu'au dénouement plutôt convenu. Le contraire nous aurait déçu.
Ce premier roman n'a sans doute pas la puissance du "Bûcher sous la neige" mais reste une belle découverte.
Il participe sans doute, en revanche, à mettre le lecteur à distance.
Difficile d'entrer en empathie avec cette Ariane des temps modernes qui se perd en s'accrochant à ce point rouge, grosse pelote dont elle ne déroule pas vraiment le fil, réinventant le monde à l'aune d'une carte interactive qui se déroule sur l'écran de son téléphone et qui devient très vite son seul lien avec une réalité fantasmée, miroir de sa névrose, fenêtre sur une cour dont elle définit les contours déformés et explose les limites au rythme d'une enquête imaginaire qui recoupe pourtant, par indices ou par hasards, une vérité ancrée dans les faits divers dont elle construit son imaginaire.
Un roman à l'écriture fluide, récit construit jusque dans sa mise en page, perd le lecteur dans le cadre borné d'un téléphone qui nous tient lieu d'horizon. Une fable peut-être de ce monde d'aujourd'hui qui nous promet un accès à une information universelle, une ouverture inédite sur le monde du fond de notre caverne à travers une toile qui finalement se tisse autour de nous, nous entrave, nous limite à la seule perception que nous souhaitons avoir ? Un récit qui nous embarque et nous déroute.
Mais.
Ce roman se lit sans déplaisir, il excite la curiosité du lecteur... mais peine à (me?) convaincre. J'attends d'un texte littéraire qu'il touche quelque chose en moi, qu'il résonne avec mes émotions... rien de cet ordre avec l'écriture de "GPS" que je trouve sans doute plus d'intérêt à commenter qu'à lire, et c'est peut-être là l'écueil de ce récit ; un bel exercice de genre qui satisfait sans doute le critique : on le décrype, on y frotte sa plume, sa culture littéraire et cinématographique (n'y aurait-il pas qqch d'hitchcockien avec "Fenêtre sur cour", ne retrouverait-on pas un écho de "Denise au téléphone", une relecture du mythe d'Ariane, etc.), son expérience de l'écriture... mais la rencontre avec le lecteur se fait-elle tout à fait ?... la question est ouverte.
Quelle erreur !
Ebranlée par un burn-out en 2008, l’auteure participe à une rencontre pendant laquelle un moine évoque "une très ancienne instruction bouddhiste (qui) recommande à celui qui cherche une vie nouvelle de se mettre à la place d’un animal conduit à l’abattoir." Cette instruction résonne aussitôt en elle, apprentissage de la compassion, de l’empathie qui participe aussi de la création littéraire, de cette "magie sympathique", suivant l’expression de Marguerite Yourcenar, qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un. Et pour asseoir ce travail de visualisation qu’elle entend alors mener, elle va devoir poser le décor, le plus précis possible. Elle choisit de visualiser une truie et très vite, comprend que l’instruction ne peut se limiter au dernier trajet mais prend racine dès la naissance de l’animal, dans un élevage industriel.
Elle rencontre alors Sylvia qui lui ouvrira les portes d’une exploitation porcine.
"Ce ne sont pas des élevages, dit-elle, tu ne devrais même pas employer ce mot. Le vrai mot, c'est structure de production. Des structures de production animale, voilà ce que c'est. Les mots sont importants, ce n'est pas à toi que je vais l'apprendre ? »
Isabelle Sorente, pour réaliser cette instruction bouddhique dans une quête très personnelle, va ainsi se confronter directement au monde de l’élevage intensif. Elle va d’abord visiter une exploitation guidée par un gérant qui répugne à "descendre" dans les bâtiments, puis accompagnera les porchers sur plusieurs courtes sessions de travail qui lui permettront de découvrir la réalité de ce mode d’élevage, l’univers carcéral dans lequel évoluent ceux qu’elle nomme les "condamnés", se liant d’amitié cependant avec les hommes (6 pour 15000 cochons), et décrit les pratiques et la souffrance ordinaire, sans chercher jamais à relever une maltraitance qui ne serait pas structurelle , participant même au travail en inséminant une cochette qui sera pour elle un révélateur, au moment où leur regard se croise. Les frontières entre l’homme et l’animal, dans une vision fugitive, disparaissent.
Elle terminera son enquête en visitant un abattoir aux cadences effroyables et de ces expériences tirera un premier roman paru en 2013, « 180 jours ».
Ce n’est pourtant qu’en 2022 qu’elle reprendra ses notes pour nous livrer ce titre d’une force évocatrice remarquable, qui met en cause la structure sans condamner ceux qui y travaillent mais dénonce la violence de ces systèmes infernaux qui morcèlent les êtres, humains et non humains, et efface les frontières entre l’homme et l’animal, interrogeant ainsi sans chercher les coupables notre responsabilité collective.
Une réussite !
Une très jolie surprise.
Elle renouvelle son écriture et met en perspective de façon intéressante ces histoires qui s'entremêlent dans son récit, nous offrant des portraits attachants qui se répondent, au passé et au présent, et nous tiennent en haleine jusqu'au bout.
Les amateurs devraient apprécier.
Difficile aussi de dire si ce petit roman surfe sur la vague animaliste en mettant en scène une éleveuse végétarienne et psychopathe ou s'il dénonce l'industrialisation d'un élevage mercenaire à la solde des distributeurs ? les thèmes sont sous-jacents, mais peut-être ne faut-il pas aller si loin dans l'interprétation d'un petit récit sordide et distrayant, finalement pas mal mené.
Il y a quelque chose d'envoûtant dans l'écriture d'Erin Morgenstern qui nous berce habilement, nous perd dans un labyrinthe séduisant aux sources des contes dont elle utilise avec adresse les topiques, construit un univers aux confins du mythe et de la réalité, mais sans se perdre jamais, mettant en résonnance chaque élément, chaque récit, chaque image et chacun des personnages jusqu'à ce qu'ils prennent sens en une seule et merveilleuse histoire.
Elle irrite, elle agace, on s'attache. Mais "au milieu de toute la merde, de toutes les horreurs, il y a une histoire comme un rayon de soleil" qui "donne un sens à tout le reste." L'histoire de Britt-Marie est le "rayon de soleil" de cette petite ville triste où elle débarque, un peu par accident.
Un très beau récit, plein d'humanité. Drôle et tendre à la fois.
Where do they all come from?
All the lonely people
Where do they all belong?"
Un très beau portrait qui interroge après les Beatles une autre Eleonore Rigby, Liz Dunn, sur la solitude.
Une femme un peu ronde qui a des collègues indifférents, une fratrie peu présente, une mère qui la méprise, et un certain recul sur elle-même et sur sa vie.
Elle a pourtant une histoire et comme tous les gens seuls, elle vient de quelque part; et comme tous les gens seuls, elle a une place dans ce monde... qu'elle va découvrir avec l'irruption dans sa vie d'un jeune homme fantasque et inattendu.
Une très belle découverte, et un très beau roman.
Il est de nombreux combats, et n’oublie pas, s’il est un ardent défenseur de la faune sauvage, d’aborder aussi les souffrances des galgos en Espagne, la Corrida ou la question de l’élevage intensif : il évoque les poules pondeuses, les cases maternités des élevages porcins, les cages des lapins contre lesquelles CIWF a bataillé (le livre adapté datant un peu, il ne fait pas état de la victoire de l'Initiative citoyenne européenne contre les cages que cette même ONG a mené au succès le 30 juin 2021. Affaire à suivre!)
Le trait reste pourtant doux ce qui permet même aux plus sensibles de feuilleter l'ouvrage et de s'interroger sur le sort que notre société réserve aux animaux.
Alors clairement, ce livre a son public. Celui des accros à M6, on dira : "l'Amour est dans le pré", "Top chef", "le Meilleur pâtissier" voire "Mieux chez soi"...Pas de "Cauchemar en cuisine", hein ! parce que ce qu'on veut montrer, c'est que l'éleveur est un homme volontaire et de talent. Son boulot, il le connaît, mais il excelle dans tout ce qu'il entreprend, surmonte les obstacles, et gagne à la fin (oups! c'est un spoiler. Pardon.)
Oui parce qu'en fait, Fabienne Carré, qui veut redorer le blason d'un métier très questionné, a un cahier des charges précis, et coche consciencieusement toutes les cases: l'intérêt des logettes individuelles pour les veaux? c'est fait. Les citadins donneurs de leçons, malotrus et qui n'y connaissent rien pique-niquant dans un champ en critiquant l'utilisation du glyphosate? c'est fait. Les animalistes du même tonneau ? C'est fait. La tentation du suicide ? C'est fait. Bon... on a précisé 2 fois que les agris étaient victimes de bash (agribashing, donc. Mais on a mis le petit nom pour faire intime...), c'était important d'insister.
Le crève-coeur de vendre les bêtes? c'est fait. (Hmmm... pas aussi convaincant pourtant qu'Hector Malot quand il écrit, au début de "Sans famille" : "la dernière [lettre], plus pressante que les autres, disait que, s’il n’y avait plus d’argent, il fallait vendre la vache pour s’en procurer. / Ceux-là seuls qui ont vécu à la campagne avec les paysans savent ce qu’il y a de détresses et de douleurs dans ces trois mots : « vendre la vache ». Suit un paragraphe déchirant, 10 lignes plus parlantes que tout un roman! Bref. Fermons la parenthèse.) Le manque de reconnaissance des populations qu'ils nourrissent et le salaire de misère, l'abandon de l'Etat. C'est fait aussi. Le recours au crowdfunding, histoire de bien marquer l'histoire dans l'air du temps. C'est fait. Des tableaux du métier pour en souligner la difficulté. C'est bien réglé.
L'auteur mène à terme l'exercice, et ajoute un petit appendice sur les bienfaits de l'agroforesterie et l'importance de revitaliser les sols, conclusion qui reprend les grandes lignes du récit et ouvre sur une thématique plus large.
Tout cela est un peu trop scolaire...
L'ouvrage est tellement démonstratif qu'on n'arrive pas à trouver les personnages attachants, ce qui est en général le seul vrai mérite de ces petits romans légers, lecture-doudou qui tombe ici un peu à plat.
C'est sans doute dommage, parce qu'il y a là de vraies problématiques et la nécessité d'un dialogue qu'elle échoue, peut-être, à amorcer.
Mais bon. Peut-être ne suis-je pas tout à fait, (même si je raffole de ce magazine féminin télévisuel), le public ciblé ?
Il y avait pourtant une idée originale -la situation initiale de Sara me paraît assez inédite, une belle idée aussi d'intégrer la correspondance de celle qui aurait dû être le personnage principal du roman, mais qui manque un peu de corps.
Beaucoup d'humour: c'est un plus.
Et une galerie de portraits. Et ça, ça devait être la force de ce roman. L'auteur émaille son récit de petites notes de lecture et elle tenait là une idée vraiment intéressante. Sauf que ça tombe presque à plat : associer un livre à son lecteur, dévoiler ce faisant sa nature profonde, ou le confronter à sa part de doute, j'adore. Et intégrer totalement cette lecture au personnage fonctionne à merveille... à condition de connaître un peu le titre ainsi décliné.
Bon an mal an, ça marche pourtant bien. Et les personnages sont plutôt attachants... à l'exception notoire, à mon sens, de Sara.
Elle est décrite d'abord comme cette héroïne un peu effacée, personnage pourtant solaire qui fait tomber toutes les barrières. Mais il me semble qu'il ne s'agit là que d'une convention, que le lecteur est invité à admettre parce qu'on le lui dit, mais sans lui faire partager cette révélation.
Si le roman échoue à séduire vraiment, il reste un joli roman de détente, du feel-good ordinaire mais satisfaisant.
On se perd un peu dans la narration à la 1ère personne, pas assez pourtant puisqu'on devine l'astuce très tôt dans le roman; non parce qu'elle serait brillamment intégrée dans la logique du récit mais parce qu'elle est un peu attendue... simple topique du genre.
Et justement, la logique qui devrait sous-tendre ce type de nouvelle, celle qui doit nous interroger sur le paradoxe temporel (ce truc entre le oui mais c'est bien sûr ! et le... hmmm... oui oui je vois bien mais j'ai pas tout compris, là ?) fait, me semble-t-il, un peu défaut.
Au final, un petit bouquin pas déplaisant, mais mal ficelé.
Et j'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce policier pas comme les autres, où des moutons mènent l'enquête pour savoir qui a tué leur berger. Un très bon berger, qui sait faire plaisir à ses moutons, même s'il ne s'y connaît pas vraiment dans l'art de brouter. Et de vrais moutons, avec des (pré)occupations de moutons, une façon de lire le monde bien à eux toute en naïveté et en perspicacité.
Et ce flip-flap... qui donne bien le (mou)ton.
Des fleurs qui parlent, qui racontent, qui guérissent. Des femmes comme autant de fleurs blessées qui disent et se taisent, révèlent et partagent.
La violence brute des hommes, la violence d'une mère qui protège, celle des mères qui consolent, la violence aussi du silence.
Une relecture du conte de la petite sirène, qui perd sa voix chaque fois qu'elle renonce à la mer (mère) pour aborder le monde des hommes, celui du soleil ardent qui brûle et dessèche ; la force vive des fleurs toujours féminines, aux racines profondément ancrées dans la terre rouge du bush australien, et fragiles.
Une histoire sans doute de réconciliation.
Surtout, une très belle histoire, sombre, empreinte de la noirceur des contes et de la délicatesse des fleurs sauvages.
Si le titre ne m'a pas paru très accrocheur, il prend sens au terme de cette chronique attachante qu'on ferme avec un sourire volontiers attendri, plein d'espoir pour la vie des personnages rencontrés ici.
Une excellente BD de vulgarisation scientifique sur les émotions et les perceptions des animaux d'élevage: clair, ludique et instructif, il présente une somme des dernières découvertes scientifiques.
Passionnant.
Pour aller plus loin : https://www.cervelledoiseau.fr/les-cerveaux-de-la-ferme-la-bd/
Une écriture magnifique, une histoire bien construite, des caractères marquants. Un très beau roman !