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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:05:17+02:00

Nous arrivâmes donc à destination le vingt septembre en fin de matinée, à cette heure où le soleil vous laisse un dernier instant de répit avant d’étendre ses rayons implacables sur tout ce qu’il touche. La Mercedes complice de ma conduite enroulait les virages qui serpentaient en douceur jusqu’au sommet de la colline. C’était une belle journée de fin d’été, une journée où l’astre solaire sait se montrer encore généreux. Les champs de blé s’étendaient à perte de vue, je me souviens de leurs longues tiges s’inclinant au passage de la voiture comme pour nous souhaiter majestueusement la bienvenue. Au loin le ciel s’assombrissait, le temps devenait orageux et la lumière avait cette teinte surréaliste qui magnifie tout ce qu’elle couvre. Mon amour, ma femme, assise à mes côtés, gonflait en moi une sérénité que rien au monde n’aurait pu troubler. Les paupières mi-closes, elle se laissait conduire, sa tête dodelinant délicatement à chaque nouveau virage. La route se déroulait devant nous comme pour nous inviter à venir rencontrer celle qui nous abriterait désormais, celle que tout le monde par ici appelait la maison de la colline. Les épis blonds s’étiraient jusqu’en bas de la pente douce, courbant l’échine sous les assauts du vent. Le ronronnement doux et onctueux du six cylindres, les jambes dénudées de mon amour, le soleil généreux sublimé par l’orage approchant, la musique country se déversant délicieusement dans l’habitacle… Le bonheur ! Et rien qui pourrait venir le gâcher. Cette maison, nous l’avions désirée. Janice ne supportait plus les obligations liées au succès, les cocktails mondains, les tirades dithyrambiques de personnalités qui sans aucun doute n’avaient jamais lu autre chose que les jaquettes de mes romans, les réflexions flatteuses sur sa carrière sportive passée, sur sa reconversion réussie… Elle voulait changer de vie, retrouver son homme comme elle disait, le garder égoïstement pour elle. S’éloigner de ce quotidien de carton-pâte ne reposant sur rien d’authentique, de sincère et de profond, réussissant presque à étouffer la grandeur des sentiments qui nous liaient, ne laissant plus assez de place pour les exprimer. Comme elle je désirais me recentrer sur l’essentiel, écrire, nous retrouver comme au premier jour, et laisser mon imaginaire me guider dans les mondes que j’aimais m’inventer. Écrire, et rien d’autre. Plus de chichis, plus de cocktails mondains, juste écrire et me consacrer à la femme que j’aimais… Vivre ! Et puis il y avait ce projet, cette idée que nous avions eue ensemble et qui nous permettrait d’échanger, de partager ce plaisir trop solitaire qu’est l’écriture. Janice était enceinte de deux mois, cet enfant nous l’attendions, le désirions tous les deux. Il nous restait sept mois. Écrire pour lui, écrire une histoire d’enfant, une histoire pour notre enfant. Bien sûr, c’était un peu tôt pour être certain, mais ce bébé arriverait et il naîtrait dans cette maison. Nous l’avions visitée ensemble quelques semaines plus tôt, en plein cœur de l’été. Tout de suite nous avions craqué sur la vieille bâtisse en bois aux grandes pièces lumineuses, aux recoins nombreux, étranges, donnant la sensation d’en découvrir sans cesse de nouveaux, avec ses magnifiques parquets s’étirant jusqu’à la plus intime et secrète de ses alcôves. Un lieu magique, hors du temps, avec sa façade en lattes un peu défraîchies se découpant sur le bleu du ciel californien. Et puis ce vieux chêne s’élevant au milieu de la cour, cette branche épaisse et noueuse courant au-dessus de l’herbe, supportant une balançoire rudimentaire attachée par une corde élimée et rugueuse, ondulant mollement en attendant le prochain occupant qui s’envolerait, grisé par le souffle du vent. Cette chambre au premier, ses larges baies surplombant la colline avec en contrebas la petite église blanche du bourg, îlot rassurant dépassant timidement les constructions imposantes de la grande rue. La sensation exquise de bien-être dans cette pièce au parquet patiné sentant bon la cire. La maison semblait être faite pour nous, elle nous attendait. Le bonheur…

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:04:53+02:00

Et j’avais répondu oui. Comment aurais-je pu faire autrement, j’étais raide dingue de cette fille. Alors nous nous étions retrouvés ce fameux soir et c’était elle une fois de plus qui avait pris les devants. Nous nous étions embrassés avec passion, ça faisait tellement longtemps que nous attendions ça l’un et l’autre, mais vous pouvez comprendre ça non ? Des mois d’attente, de longs échanges et cette excitation continue, cette envie de sentir, de toucher l’autre, sans savoir si c’est possible ou permis. Et puis la possibilité de le faire quand tout bascule… Cette envie de rattraper toute cette attente.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:04:42+02:00

Nous nous sommes revus après le prime, le courant était passé, le genre qui vous stimule lorsque vous êtes en présence l’un de l’autre… Le genre dangereux aussi, parce qu’elle n’était pas libre et que je devais être le seul à ne pas le savoir. On se parlait de temps en temps, trouvait un tas de prétextes pour s’appeler, même si ce fut compliqué les premiers mois au cœur de l’hiver. Ses courses l’éloignèrent durant toute la saison, je la regardais sur mon petit écran dévaler les pentes au milieu des piquets, monter sur le podium et sourire… J’avais toujours cette sacrée impression que c’était à moi que ses sourires s’adressaient. Petit à petit, elle s’est mise à m’appeler juste après ses courses pour partager sa joie. Je culpabilisai au début, mais très vite je me suis mis à attendre ses coups de fil. Nous discutions des heures durant alors qu’elle se trouvait à des milliers de kilomètres dans une chambre d’hôtel. Je me sentais électrisé lorsque j’entendais sa voix. Et puis la saison s’est terminée, elle est rentrée chez elle, et c’est là, quelques jours plus tard, alors que je n’avais plus d’appels que j’ai appris la nouvelle. Ça faisait la une des journaux people, je ne pouvais pas rater le scoop. ILS SE SONT SÉPARÉS ! Suivait tout un article sur la fin de l’idylle entre la plus grande skieuse de tous les temps et un jeune financier apparemment connu de tous. J’ai refermé le tabloïde avant de le balancer dans une poubelle. On était en avril, j’avançais dans les rues de New York pour rentrer dans mon studio à quelques blocs de Central Park. C’était une belle journée, il commençait à faire chaud, on sentait la fébrilité du printemps, les arbres bourgeonnaient, des types et des nanas profitaient de la pause déjeuner pour s’allonger dans l’herbe cravates dénouées, vestes posées. Je sentais qu’il allait se passer quelque chose, je me sentais excité. Ma main tripotait mon téléphone nerveusement. Mais il ne sonna pas. Pas ce jour-là ni les six jours qui suivirent. J’essayais de la joindre en vain, elle était toujours sur messagerie. Je ne comprenais pas, il me semblait que nous étions devenus complices, plus que ça, même si aucun de nous n’avait dit quoi que ce soit… Et puis c’est arrivé. C’était un mardi, elle était à New York pour tourner un spot publicitaire.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:04:38+02:00

Je ne comprenais rien. J’allais devoir faire un playback sur un morceau que je ne connaissais pas. Autour, il y eut un tonnerre d’applaudissements et de rires. Je jetai un bref coup d’œil à Janice, qui me regardait en souriant depuis le canapé. La musique démarra. Je me cramponnais au micro, et regardai le public et la caméra en face de moi en prenant une moue sexy. Le spot m’aveuglait, la musique était forte, la voix démarra et je me fis surprendre avant de la rattraper en décalé, le public éclata de rire. Je me mis à taper des pieds en rythme, OK, ils allaient avoir du show ! J’étais complètement désynchronisé, mais je m’en moquais, je voyais du coin de l’œil Janice qui s’était avancée. Elle pleurait de rire, ça me plaisait. D’un signe de la main, je demandai au public de m’accompagner en bougeant les doigts, je me sentais cool, bien, et le public suivait, la musique se déroulait, je me lançai dans un déhanché torride à contretemps avec la musique, Janice se tenait le ventre tellement elle riait, Jimmy Fallon n’en pouvait plus non plus. Le reste des invités est descendu nous rejoindre en tapant dans ses mains. Je fis le show pendant une minute trente, ridicule comme jamais, mais c’était cool, je maîtrisais, le public me suivait et les invités étaient devenus fans en quelques secondes. J’étais au top, complètement libéré pour le petit tête-à-tête avec Janice et Fallon. Je répondis aux questions, Ja expliqua pourquoi elle aimait mes romans et Fallon, qui n’en avait sans aucun doute jamais lu un seul, balança une tonne de compliments dessus. Je volais sur un petit nuage. L’échange dura environ sept minutes, puis je retournai m’asseoir avec le reste du groupe sous les applaudissements. J’espérais avoir un peu de temps après l’émission pour échanger avec les différents invités et Janice, mais… Il était tard, tout le monde était crevé, on s’est tous salués et en quelques minutes il ne restait plus que les techniciens qui rangeaient le plateau. Le lendemain mes ventes décollaient, mes romans étaient devenus à la mode.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:04:30+02:00

Mon esprit se mit à tourner à plein régime. J’essayai de me souvenir de ce show, mais je ne l’avais jamais vraiment regardé. Il me semblait que des invités faisaient parfois des trucs un peu débiles, mais… Autour de moi un tas de gens brassaient dans tous les sens. Je remarquai un type aux cheveux grisonnants qui trépignait alors qu’on m’embarquait dans un couloir. Au fond il y avait de la lumière, l’émission venait de commencer, j’entendais le public qui tapait des mains, un orchestre qui lançait une musique avec des roulements de tambour. J’avançais lentement dans le couloir. Monsieur Cheveux-gris me poussait dans le dos de la main pour me faire accélérer le mouvement, j’essayai de lui demander ce que je devais faire, mais le bruit était tellement fort qu’il ne m’entendit pas. Je tentai de croiser son regard en me retournant, mais le type complètement stressé ne m’accorda pas un coup d’œil. Je déroulais mes pas lentement sur le sol jonché de câbles. Je sentais mon cœur battre dans ma poitrine. La sensation bizarre de ne rien contrôler alors qu’on allait me balancer dans quelques secondes face à douze millions de personnes. Aucun filet, en direct, face à une personnalité que je ne connaissais pas, à faire des trucs sur lesquels on ne m’avait pas briefé. Les murs défilaient de chaque côté, la lumière approchait, la musique et les applaudissements s’arrêtèrent pour laisser place à Jimmy Fallon. Je me laissai dériver pour arriver dans l’arrière-scène. J’étais le dernier à rejoindre le groupe des participants. Je regardai bêtement les invités présents. Ils étaient tous connus, jeunes, beaux et à l’aise dans cet environnement. Je me sentis brusquement petit, maladroit, fagoté comme un as de pique et complètement inconnu du grand public. L’un d’entre eux me jeta un coup d’œil en lançant un salut du bout des lèvres. J’aurais bien voulu m’approcher pour lui demander ce que l’on attendait de nous, mais quelqu’un l’appela au moment où je commençais à m’avancer vers lui. Ils semblaient tous savoir ce qu’ils faisaient, alors que je me sentais de plus en plus perdu. Le type au crâne argenté envoyait les invités les uns après les autres. Ils avançaient dans la lumière et je sentais le plancher vibrer sous les applaudissements à l’annonce de leurs noms. Mon estomac commençait à se retourner. Il n’y avait que des stars internationales. Moi je n’étais connu de personne. J’attendis que l’on m’appelle et sentis une main me pousser en direction de la scène. La lumière, un brouhaha, et douze millions de personnes derrière leur écran qui assistaient à l’arrivée en direct d’un inconnu maladroit. J’aurais aimé être suivi par quelqu’un d’autre, mais j’étais le dernier. Personne ne vint me voir pour me dire quoi que ce soit, j’étais projeté dans la lumière.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:04:17+02:00

Elle m’avait fait un clin d’œil avant de s’en aller, et j’avais souri bêtement avant de me regarder dans la glace. Ma coiffeuse avait décidé de s’amuser avec moi, mes cheveux étaient complètement plaqués sur mon front maintenant. Je compris le clin d’œil et me sentis complètement ridicule. Elle était si belle, si spontanée. C’était une belle rencontre, nous étions si différents. Une rencontre vécue en direct par plus de douze millions de téléspectateurs. Je me retrouvais propulsé au cœur du late show le plus regardé du pays sans avoir été préparé. Janice venait de quitter la pièce pour lancer l’émission. Je demandai à la fille qui me coiffait si quelqu’un allait s’occuper de moi.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:03:47+02:00

Le grand Douglas Barsfild. Je me demandai ce que je faisais là. Vous voyez, ce genre de situation où vous ne vous sentez pas à votre place, où vous avez la sensation qu’un doigt pointé sur vous crie : erreur. Vous êtes une erreur, celui qui n’a rien à faire ici, mais… on n’a pas eu le choix alors vous êtes là, soyez sympa, faites pas trop de bruit, comme ça tout le monde vous oubliera. Sauf que ça ne fut pas le cas, et que Janice me rassura très vite sur ce point.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:03:43+02:00

« Je suis heureuse que vous soyez disponible, ils avaient prévu Douglas Barsfild, mais je crois qu’il vient de nous planter. »

Douglas Barsfild, évidemment, j’avais complètement oublié. Mais en l’entendant me le dire ce soir-là, les choses se remettaient en place dans mon esprit. Le coup de fil passé par une assistante de Jimmy Fallon alors que j’essayais de finaliser mon dernier roman. La sonnerie m’avait agacé, j’avais décroché un peu énervé avant d’être surpris par ce que mon interlocutrice me disait.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:03:18+02:00

J’ai eu beaucoup de chance, la vie m’a apporté ce que j’attendais. Rien n’a été immédiat, il a fallu du temps, des désillusions (qui m’ont valu pas mal de problèmes avec les parents de Ja). Mais c’est arrivé. J’ai toujours écrit ! Gamin déjà, j’étais celui qui s’assoit contre le mur au fond de la cour et qui gribouille sur un calepin. Certains pourraient penser que j’étais triste, sans amis, un peu paumé, mais ceux-là se trompent. J’étais bien, heureux, entouré de mes personnages et des lieux magiques où je me trouvais. Finalement, c’était le réel qui me posait problème, j’avais du mal, beaucoup, à y être bien, à trouver ma place. J’étais un gamin un peu maladroit, puis un adolescent plutôt gauche avant de devenir un adulte qui devait paraître assez paumé, rêveur. C’est un miracle qu’un jour Janice ait posé les yeux sur moi. Elle, sportive, gestes sûrs, regard bien ancré dans la réalité, entourée par une foule d’amis. Je me souviens de notre première rencontre comme si c’était hier. Nous étions conviés le même soir à une émission de télévision, elle comme invitée principale, moi en remplacement d’un écrivain qui avait trouvé mieux à faire ce jour-là. On m’avait appelé au pied levé en me demandant si je pouvais être là le plus vite possible. Bon sang, qu’est-ce que j’aurais eu de mieux à faire à cette époque-là ! J’ai dit oui, et j’y suis allé. Mes romans ne se vendaient pas. Pas de visibilité, pas d’interviews et un éditeur qui hésitait à lancer le prochain. J’étais dans cette tranche intermédiaire, au-dessus des petits tirages et au-dessous des quelques dizaines de milliers d’exemplaires qui font la différence. Mais j’avais une télé, le Graal tant attendu pour devenir enfin plus visible. J’étais bien conscient que ça n’était qu’un remplacement au pied levé, mais je n’allais pas me défiler. J’avais le vague souvenir d’avoir été contacté quelques semaines auparavant au cas où, mais c’était flou, je ne savais même plus qui avait demandé ma présence. J’étais arrivé sur le plateau un peu en retard, elle était déjà là. Une maquilleuse m’avait pris en main, et j’étais en train de me faire coiffer lorsqu’elle m’était apparue. Je me souviens du ridicule de mes cheveux en l’air alors qu’elle approchait.

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Extrait ajouté par ilovelire 2016-10-10T17:03:04+02:00

Janice m’avait acheté un porte-clefs — une tête de bébé avec un petit anneau — et dans l’état où j’étais ce jour-là, je ne pouvais trouver plus beau cadeau. C’était juste avant de partir, elle me l’avait glissé dans la main en me disant que c’était pour notre nouvelle vie, alors que nous montions à bord de la voiture. Je me souviens de ce départ comme si c’était hier. Le temps était maussade, un vent chaud soufflait sur New York, les arbres se tordaient sous les rafales du vent et les premières feuilles commençaient à s’en décrocher. C’est le genre de chose qu’on remarque du coin de l’œil et que l’on n’oublie pas, elles commençaient à avoir une légère teinte orangée et volaient pour venir s’échouer mollement sur la pelouse et les allées de Central Park. Je me disais que la route allait être difficile avec ces foutues rafales, en tout cas jusqu’à ce que le vent disparaisse, parce qu’il me semblait évident que nous ne l’aurions pas tout au long des 2 800 miles, et même si ça me rassurait (je n’ai jamais été un gros rouleur) j’étais déjà fatigué à l’idée de parcourir autant de bornes. C’était Janice qui avait insisté pour que nous prenions la voiture. C’était l’occasion de nous détacher de tout, de traverser le pays comme deux étudiants rentrant à l’université après les grandes vacances. Une bonne idée finalement, parce que c’est vrai qu’on s’est bien amusés sur ce trip. Redécouvrir le pays, s’arrêter dans des patelins aux noms exotiques comme Waverly ou Goehener pour dormir dans des hôtels à la moquette élimée, juste après avoir dîné dans un restaurant crasseux où vos potatoes sont servies dans leur jus. (Comprenez leur huile de cuisson.) S’arrêter dans des stations-service où un type édenté vous encaisse le carburant et les canettes de Coca en vous regardant par en dessous et en vous demandant « Et où ils vont ces m’sieurs-dames », alors qu’une éolienne tourne lentement, poussée par le vent. Une bonne vieille station-service avec ses bornes à la peinture écaillée, la poussière qui vole lorsque vous vous garez et le pauvre chien squelettique qui jappe pour la forme en tendant son museau vers vous. Des endroits que vous ne visitez plus lorsque vous vivez dans la Big Apple, pour quoi faire ? Les avions sont là pour vous emmener à l’autre bout du pays, le temps de regarder deux ou trois bons films, calé au fond de votre fauteuil Pullman. Mais Ja y tenait, et encore une fois, c’était une bonne idée. Redécouvrir son pays avec de vraies personnes, authentiques, avec du relief… Oui, une vraie bonne idée, et un maximum d’images à se coller au fond du crâne pour mes bouquins. Le côté pittoresque du pays, et cette sensation de liberté sur les grandes routes traversant les États. Ce long trip restera gravé dans nos mémoires, à Ja et moi, comme l’un de nos bons moments — ce genre de souvenir qui remonte en vous d’un coup, avec des images nettes du temps passé à être bien ensemble.

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