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Je tirai sur ses cheveux, ramenant sa bouche à la mienne pour un autre baiser. Il était inutile de jouer. Il devait déjà savoir ce que je ressentais pour lui. Je savais ce qu’il ressentait pour moi. Il ne m’avait fallu que quelques minutes pour ressentir avec lui tout ce que je n’avais jamais été proche de ressentir avec n’importe qui d’autre.

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Je m’arrêtai en pleine marche. Je venais juste de tourner le coin du sentier et de sortir sur le ponton. J’étais choqué de voir que je n’étais pas le seul ici. La lune brillait sur un halo sauvage de cheveux blond argenté.

Il était assis au bord du quai, là où je l’avais déjà vu un million de fois. Je clignai des yeux et secouai la tête, mais il était toujours là. Impossible. Peut-être que je rêvais qu’il était revenu dans ma vie pour ne plus me sentir aussi pathétique. Il ne pouvait pas être réel. Ma bouche s’assécha et les parois de ma gorge semblaient s’être collées.

— N... Noah ?

La tête blonde se tourna et me regarda, figée pendant une seconde. Puis il sauta sur ses pieds d’un mouvement souple et courut dans ma direction. Avant que je comprenne ce qu’il se passait, mes pieds furent soulevés du sol et je me retrouvai enveloppé dans une étreinte serrée et virevoltante.

— Zack !

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C’était arrivé en août. Il agissait de manière un peu étrange depuis un moment ; depuis que nous étions rentrés de notre camping annuel pour son anniversaire. J’avais tenté de lui arracher les vers du nez, de comprendre ce qui n’allait pas, mais chaque jour il semblait un peu plus distant. J’avais le sentiment qu’il essayait de me dire au revoir.

— Noh, qu’est-ce qui se passe ? lui avais-je demandé. Tu dois me dire ce que j’ai fait. Je suis ton meilleur ami.

Le regard qu’il m’avait lancé ce soir-là était si triste que j’avais presque pleuré.

— Zack, ce n’est pas toi. Je le promets.

Il avait tenté de sourire, mais ça avait semblé trop faux. Il s’était penché et m’avait donné un coup d’épaule.

— Je te le dirais si je le pouvais, mais je ne peux pas. C’est un truc de famille.

Je m’étais penché vers lui, dans le but de le réconforter. Je jure que c’était la seule chose que je voulais faire. Mais au lieu de ça, je m’étais retrouvé avec son menton dans la main, mon front appuyé contre le sien. Étrangement, il ne s’était pas écarté.

— J’ai compris, murmurai-je, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre. Je suis là si tu as besoin de moi. Je ne te forcerai pas à me dire ce qui se passe.

Et c’est là que je l’avais fait.

J’ignore ce qui m’était passé par la tête. Peut-être que c’était toutes ces années à espérer et à le désirer. Mais quelque chose m’avait poussé à l’embrasser. Oui, vous m’avez bien compris. J’ai dit que je l’avais embrassé. Aurais-je pu être encore plus stupide ? J’avais embrassé le garçon avec lequel j’étais ami depuis que nous avions cinq ans, assis sur le ponton dans le noir avec nos jambes qui se balançaient dans le lac. Mais il était trop tard pour revenir en arrière.

Le plus incroyable, c’était qu’il m’avait aussi embrassé. Vraiment. Je sais que je n’ai pas imaginé la manière dont il avait souri contre mes lèvres ou ses doigts doucement entrelacés dans mes cheveux, qui touchaient la peau de ma nuque. Je tremble encore quand j’y repense. Je sais que quand nous nous dîmes au revoir ce soir-là, ce fut avec de nouveaux baisers et des sourires timides, avant de nous lancer un million de regards par-dessus nos épaules alors que nous rentrions chacun chez nous. Ce que je n’ai jamais réussi à comprendre, ce fut ce qui se passa entre cette nuit-là et le jour suivant.

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Si je dois être honnête, je pense que j’ai toujours su que ce que je ressentais pour lui dépassait l’amitié. Il y avait eu un moment, quand nous avions douze ans, peut-être treize, où je l’avais regardé et où j’avais vraiment su, mais ça avait toujours été là. Bien sûr, je n’avais rien dit. J’étais persuadé qu’il n’aimait pas les garçons, et je ne voulais pas le perdre en faisant quelque chose de stupide.

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Noah Harper et moi nous étions rencontrés quand nous avions cinq ans. C’était le premier été que ma famille passait au lac Harper, mon premier vrai voyage loin de New York City. Vous aurez peut-être remarqué que son nom de famille est le même que le nom du lac. C’est également le même que celui de l’énorme manoir de pierres semblable à un géant, sur la berge de l’autre côté du lac. Je ne voulais même pas savoir à quel point sa famille était riche. Tout ce que je savais, c’était qu’ils habitaient là depuis une éternité, comme s’ils faisaient partie du paysage.

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Maya arriva vers neuf heures ce matin-là, bondissante et prête à sortir. Je savais qu’elle attendait depuis un moment et qu’elle avait finalement atteint la limite de sa patience. Elle était toujours comme ça. Quand mes yeux s’ouvrirent, je vis son visage à quelques centimètres du mien, je voulais grogner, mais je ne le fis pas. Ça l’aurait blessée, et j’étais venu surtout pour passer une dernière fois des vacances avec elle. Enfin, j’essayais de me convaincre que mes raisons d’être ici n’avaient rien à voir avec la grande maison de pierres de l’autre côté du lac.

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Tout ce que je pouvais prédire pour moi, c’était des semaines de malheur interminables. Il n’y avait rien ici à part des arbres, des oiseaux, et les souvenirs d’un garçon qui s’insinuaient dans mon esprit quand j’y étais le moins préparé. J’enfonçai les écouteurs de mon iPod aussi loin que possible dans mes oreilles et montai le volume à fond. Il devait y avoir encore une heure à tuer avant qu’on arrive au chalet. Je ne pourrais pas supporter cet interrogatoire davantage, et j’étais sûr de vomir si je devais écouter ma famille chanter une autre chanson folk.

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Je poussai un soupir et me laissai théâtralement tomber contre le siège en vinyle. Ouais, vous m’avez bien entendu. J’ai dit vinyle. Je tentais d’ignorer le sourire jubilant de ma sœur Maya, ainsi que le vieil accord familier qui sortait de la radio à commande automatique. Mes parents chantaient Puff the Magic Dragon en chœur avec Peter, Paul et Mary – une chanson destinée aux jeunes enfants qui avait pris un tout autre sens après quelques années de lycée. Un petit sourire ironique fleurit au coin de mes lèvres, mais je le ravalai. Ce n’était pas une chose que je voulais avoir à expliquer à ma sœur de douze ans. Je vis ma mère me regarder d’un air sérieux dans le rétroviseur.

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Pour la millionième fois environ, je me demandai pourquoi mes parents, qui auraient facilement pu s’offrir une voiture neuve, n’en avaient jamais acheté une. Ils m’avaient dit qu’ils l’utilisaient si rarement, la laissant dans un garage en ville pour le plus gros de l’année, que ça ne valait pas la peine d’en acheter une autre. Ça en valait vraiment la peine. Même un autre modèle presque aussi foireux aurait suffi, tant qu’il avait la climatisation ou des vitres arrière qui pouvaient s’ouvrir.

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Je n’arrive pas à croire qu’ils m’ont convaincu de revenir ici.

Toute l’année, je m’étais promis que je dirais non, et malgré tout j’avais fini à l’arrière du break tremblotant de mes parents, pour « une dernière fois », à regarder la civilisation qui disparaissait doucement dans un océan sans fin de végétation oppressante. Elle semblait plus dense que l’année précédente, quand j’avais mentalement supplié mon père de conduire plus vite, plus vite ; je voulais simplement y arriver au plus vite. Plus maintenant. Les arbres semblaient vouloir m’étrangler et je souhaitais qu’on puisse juste faire demi-tour et rentrer à la maison.

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