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C’était encore l’été, le ciel était transparent, la terre ocre, la montagne chaude, et sur la pierre du petit mur, elle regardait vibrer l’arc-en-ciel des couleurs, dans le village à la pierre érodée. Elle avançait parmi les tuiles enlacées, sur la place du marché aux grandes corbeilles, puis dans la poussière du chemin, l’ombre flottante de la torpeur, dans les grandes carrières au village perché, et sous la clarté bienheureuse. Elle se sentait seule.
Afficher en entierElle n’arrivait pas à se concentrer. Il fallait qu’elle retienne ce texte. C’était ennuyeux. Elle avait beaucoup exercé sa mémoire lors de ses études. Elle s’amusait parfois à se souvenir de tous les acteurs d’un film, ou de tous les films qu’elle avait vus dans l’année. Ce n’était pas facile. La mémoire passe son temps à oublier, à classer, à rejeter ce qu’elle ne juge pas important, ou qu’elle estime trop important. C’est la vie qui s’écoule, et qui reprend le dessus. La vie n’aime pas la mémoire. Elle l’encombre. Elle la fige, la soumet au filtre de sa vérité impitoyable. Elle empêche d’agir. Si on se souvenait de tout, la vie serait sans surprise. L’étonnement ne vient que de l’oubli. Le mal aussi.
Afficher en entierELLE ne parvenait pas à s’intéresser à sa lecture. Elle relisait toujours la même page. Son esprit rebondissait sur les mots pour s’égarer au loin, dans ses pensées, ses souvenirs, ses questions. Elle s’ennuyait.
Afficher en entierLa mère était dépassée par l’énergie de son fils. L’enfant aussi était trop gros, trop bien nourri. Il s’occupait bruyamment. Il s’enquérait des cadeaux qu’il allait recevoir, de son argent de poche. Un enfant qui exprimait ce que les adultes savent masquer par la sociabilité, la civilité, et un vernis de culture : la recherche des objets et de l’argent. Il faisait tout ce que sa mère lui disait de ne pas faire, pour attirer l’attention sur lui, car il était seul. Il s’étalait partout, pour marquer son territoire, comme un roi, un conquérant. Plus tard, que ferait-il ? Que ferait-il de sa vie ?
Afficher en entierIl la regardait à la dérobée. Il fallait l’observer, apprendre d’elle le plus possible, à travers ses gestes, ses expressions, les traits de son visage. Il était à l’affût d’un signe, d’une faille, d’un indice qui lui permettrait de lui parler. Dans ce brouhaha, elle lisait. Ses yeux parcouraient le texte, mais sans passer à la page suivante. Cela ne semblait pas être une distraction pour elle. Elle ne lisait pas comme ceux qui s’abandonnent aux récits. Elle regardait le texte pour s’en imprégner, pour l’apprendre par cœur. Elle se forçait à lire. Sur elle, il lisait une expression d’ennui, de grande morosité.
Afficher en entierQuand il est arrivé dans le compartiment, elle lui faisait face. Ses cheveux clairs étaient ramassés en un chignon. Ses paupières étaient baissées, comme si elle dormait. Ses traits étaient lissés. Sa robe blanche, immaculée, tranchait dans la masse grise et noire des costumes. Elle était posée, stable dans son attitude. Son buste légèrement incliné laissait voir la naissance de ses seins. Il a eu une envie de la toucher, de poser ses mains sur elle, sur ses épaules, sur son corps, d’avoir un contact avec elle.
Afficher en entierIl était en voyage depuis si longtemps, depuis toujours semblait-il. Il était sans cesse sur le départ. Il aimait ces moments de répit où la terre parait calme, vue du train. Le mouvement de la vie se laissait approcher. La vie qui emporte, malgré soi, au gré des événements, et qui parfois sait être douce, le temps d’un trajet, lorsque l’on se laisse bercer, sans rien faire.
Afficher en entierIL l’avait vue monter dans le train, mais elle ne l’avait pas remarqué. Il avait eu du mal à contenir son désir de la contempler. Il voyait son regard plus que la couleur de ses yeux. Il appréciait sa démarche. Elle lui était familière.
Afficher en entierElle a incliné la tête pour le remercier. Elle avait des yeux sombres comme un rêve.
Un coup de vent d’été, ce vent chaud de la ville, a fait frissonner sa robe. L’air s’est engouffré dans le tissu épais du lin, presque dur, plastronné.
Alors il s’est dit qu’il avait jusqu’au bout du quai pour la séduire.
Afficher en entier"Les limites sont les vôtres. Pas celles de la vie. Vous pouvez entreprendre tout ce que vous voulez, si vous le décidez. Vous êtes une femme libre dans un pays libre."
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