Extraits

Mélanie

Si on servait le café en intraveineuse, Mélanie serait tentée de se l’injecter directement dans les veines. Elle s’effondra dans sa loge, la tête dans les mains en se demandant depuis quand elle n’avait pas été assise. Ses vieux escarpins usés lui faisaient moins mal que les neufs, mais ce n’était pas la première fois qu’elle aurait souhaité pouvoir danser pieds nus.

Dix heures au café, suivies de dix heures au club. La seule chose qui retenait Mélanie de démissionner de ses deux boulots à cet instant était l’espoir de quitter cette ville pourrie – et la peur de recevoir une nouvelle facture à quatre chiffres de l’hôpital.

— Coucou, chaton. Le propriétaire du Chubby Kitty, le club de strip-tease où elle dansait quatre soirs par semaine, arriva par-derrière et posa une main sur ses épaules. Cela aurait pu être un geste presque innocent, mais rien chez Rodger n’était jamais innocent.

— Tu avais l’air morte de fatigue ce soir.

Mélanie rentra les épaules pour chasser sa main.

— Ouais, ça fait vingt-quatre heures que je ne suis pas rentrée chez moi, alors oui, je suis fatiguée.

Rodger prit un air compatissant, comme s’il s’inquiétait pour elle. Il ne lui avait manifesté aucune attention, mis à part des regards lubriques, jusqu’à ce que sa petite préférée, Chrissy, le quitte brutalement. C’était juste après qu’il lui eut refilé des drogues avariées ayant manqué de la tuer. Mélanie souhaitait avoir le luxe de partir. Ce n’était pas tant de danser ou de se déshabiller qui la rebutait – mais plutôt les regards condescendants, les ricanements et la lueur de supériorité dans les yeux des hommes quand elle se produisait.