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La conversation téléphonique qui ne manqua pas de suivre fut brève. Avant de lui parler, j’avais précisé à Eric Laurencier par un nouveau courriel que mon « ouvrage serait un regard global, un tour d’horizon sur l’histoire de votre compagnie et plus particulièrement son histoire française8 ».
À l’appareil, mon interlocuteur se montra moins hésitant que durant notre premier entretien. Peut-être était-il soulagé de voir « l’affaire » retraverser l’Atlantique puisqu’il m’annonça que Coca-Cola allait accéder à ma demande mais qu’il me fallait adresser la liste complète de mes exigences à Kelly Brooks.
Afficher en entierQuand j’obtins Éric Laurencier, je le sentis préoccupé. Le son de sa voix ne laissait même planer aucun doute. Il savait pertinemment qui j’étais, n’ignorant rien de mon parcours éditorial, de Dominici à JFK en passant par les frontières floues du Bush Land4. Le responsable de la communication de la filiale française se montra en tout cas surpris d’apprendre que je préparais un livre sur la Compagnie. Étonné notamment de ne pas l’avoir su plus tôt et désireux, surtout, de connaître mes motivations. Je lui expliquai dès lors que la saga Coca-Cola était fascinante, que l’épisode France me semblait incomplet et que j’avais envie de poser un regard honnête sur la Compagnie.
Afficher en entierMon enquête touchait à sa fin et le voyage à Atlanta en constituait la conclusion logique. En recherche d’ultimes informations, j’avais estimé que c’était le moment de tenter à nouveau ma chance. Je n’étais évidemment pas naïf non plus. Je savais que pour la Compagnie, il existait deux types de livres : ceux faits sous le patronage de Coca-Cola, auxquels leurs services collaboraient1, et les autres, gratifiés d’un refus d’ouverture des archives de la société et, bien souvent, d’une stricte consigne transmise aux employés de ne pas répondre à l’auteur non approuvé. Un comportement habituel chez les grandes sociétés.
Mon travail se plaçait dans la seconde catégorie, mais l’occasion était trop belle. D’autant que mes questions se révélaient essentiellement techniques et ne demandaient la divulgation d’aucun secret. Ainsi, l’un de mes courriers électroniques à Kelly Brooks, responsable de la communication de The Coca-Cola Company, contenait-il une liste précise, allant de la copie d’une publicité illustrée par Louise Ibels en 1920 aux adresses des usines implantées en France avant la Seconde Guerre mondiale2. Rien de bien méchant donc. Bien entendu, je me proposais aussi de prendre en charge la totalité des frais de recherche et de reproduction.
Afficher en entierAvec les États-Unis et l’équipe de Phil Mooney, l’archiviste en chef, l’échange était parfois frustrant, généralement lent mais, à terme, il se concluait toujours par l’envoi du renseignement demandé. Jusqu’à l’apparition de Brad Fields et de son courrier du 4 octobre 1999. Là, avec simplicité mais une fermeté toute bureaucratique, l’employé de la Compagnie nous expliqua que si, jusqu’à présent, ses services nous avaient répondu sans réticence, c’était parce qu’ils ignoraient que je préparais un livre sur Coca-Cola. Les données ayant donc changé – à leurs yeux –, le modus operandi afin de reprendre l’échange d’informations devait lui aussi évoluer. Notre correspondant se montra on ne peut plus clair : il fallait que le département juridique de Coke soit en mesure d’examiner l’intégralité de mon texte pour donner, ou non, suite à mes requêtes.
Afficher en entierDepuis quelques années, mon père et moi avions pris l’habitude d’écrire aux Archives de Coca-Cola pour obtenir un détail sur ceci, un renseignement sur cela. Et ce avant même de penser un jour que notre quête pourrait se transformer en livre. Notre idée était simple : nous désirions récolter quelques informations sur l’histoire de l’implantation de la marque en France. Nos demandes n’avaient donc rien de révolutionnaire : il s’agissait, la plupart du temps, de connaître la date de l’ouverture d’une usine ou le moment de l’introduction de la bouteille dite familiale sur le marché hexagonal.
Afficher en entierAtlanta, 6 mars 2005.
Là, les urbanistes ont cruellement manqué d’imagination. À Atlanta, toutes les rues ou presque se nomment en effet Peachtree. Une obsession du pêcher qui se retrouve sur plus d’une centaine d’axes. Mais peu importe. Alors qu’ailleurs toutes les routes mènent à Rome, ici elles se terminent chez Coca-Cola.
Certes, la ville fut aussi le berceau de Martin Luther King, dont désormais la maison natale se visite. Certes, Atlanta est également la cité de Margaret Mitchell puisque lorsque Autant en emporte le vent, son plus célèbre roman, devint un film, l’avant-première mondiale y eut lieu1. À Atlanta se trouvent encore le quartier général de CNN, le siège de Home Depot, la première chaîne de magasins de bricolage du pays, la direction de Delta Airlines, d’UPS et son réseau mondial de distribution express de courrier. À Atlanta, il y a aussi l’un des plus grands zoos du monde. Et une pitoyable équipe de basket-ball, mais un solide club de base-ball. Sans oublier du football, de l’opéra, du blues, du jazz et de l’art.
Afficher en entierJe ne me rappelle pas de ma première fois. Alors, que j’ai un souvenir précis de mon premier Orangina. Je devais avoir six ou sept ans, j’assistais à un spectacle de cascades en motos et voitures, j’étais assis sur les gradins, il faisait chaud et j’avais soif. La bouteille ronde, orangée et granuleuse, me parut attirante, son alchimie, entre l’amertume de la pulpe et la douceur de l’orange, plutôt agréable. Le sucre me colla à la langue et finalement, pour être honnête, au-delà de sa fraîcheur, la boisson ne me sembla guère désaltérante. Mais, de cette première expérience il me reste au moins des traces. Mais pas de mon premier Coca-Cola.
Afficher en entierCela faisait quelque temps que Burke Nicholson redoutait le pire. Depuis Wilmington, en contact fréquent avec les embouteilleurs étrangers, il assistait des premières loges à l’embrasement de l’Europe. Il avait vu Hitler envahir la Pologne, Staline bombarder la Finlande, la France et l’Angleterre entrer en guerre. Non seulement le conflit risquait de durer mais en plus il semblait pouvoir s’étendre au monde entier. Or, ce monde entier-là représentait son territoire, ce pré carré qu’il rêvait habité de missionnaires de la marque apportant la sainte boisson aux peuplades en manque d’évangélisation coca-colienne.
Puis il y avait eu la décision britannique de placer l’Allemagne sous blocus, l’armement de la flotte marchande, les mines magnétiques et l’ordre d’Hitler donné à ses sous-marins de couler tout bateau anglais ou battant pavillon neutre. Nicholson n’ignorait rien, non plus, du torpillage des navires norvégiens, suédois, néerlandais et danois. Continuer le commerce dans ces conditions devenait périlleux.
Afficher en entierAtlanta, 16 février 1940.
L’ironie de la situation ne pouvait lui échapper. N’avait-il pas souvent noté que seules les décisions difficiles et les victoires obtenues aux lendemains de rudes batailles offraient un vrai sens à sa fonction ?
Mais cette fois, la donne était différente et l’opération risquée. Robert W. Woodruff hésitait.
Certes, il y avait le plan. Rien de bien spectaculaire, juste quelques lignes posées sur une banale feuille de papier. Une note blanche en fait, sans en-tête ni signature.
Et l’ensemble, vu du siège de la Compagnie, semblait tenir la route. Ou du moins, en donnait l’illusion.
Dans tous les cas, Woodruff était prêt à s’en convaincre.
Mais avait-il une autre alternative ?
Afficher en entier"- La France est notre loi de Murphy à nous. Notre Waterloo. D'ailleurs, savez-vous ce qui se dit à Atlanta ? Qu'un cadre qui réussit chez vous excellera ailleurs".
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