Extraits

— Tu étais sincère, quand tu as dit à Lararl que tu pouvais emmener son peuple ?

— Vous ai-je déjà menti ? le questionna Tavi.

— Je ne t’ai jamais fait prisonnier, répliqua Varg d’un ton pensif. Lararl, si. Et il arrive aux gens de ton espèce de ne dire la vérité qu’en préparation du jour où ils auront besoin de proférer un mensonge capital.

— Si c’était le cas, répondit Tavi, ce jour ne serait pas encore arrivé.

Il désigna du menton le camp d’ouvriers éreintés. Maximus s’était arraché au quasi-coma dans lequel il était tombé. Il se tenait avec Anag près du blessé le plus mal en point, et indiquait aux Canims comment placer son corps dans la rivière pour qu’il puisse le soigner.

— Nous allons les tirer d’ici.

Varg regarda Tavi, puis les ouvriers.

— Tavar, j’ai parfois l’impression que tu es fou à lier.

— Vous venez avec moi ? demanda Tavi.

Varg le dévisagea, et à sa posture, Tavi eut l’impression qu’il considérait sa question comme un affront.

— Bien sûr.

Tavi montra de nouveau les dents.

— Je suis content de ne pas être le seul, alors.

《 Tout fini toujours par passer.

Notre existence est bien moins importante que nous l'imaginons. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous accomplissons... tout cela n'est qu'une ombre, si indestructible qu'elle puisse paraître. Un jour, lorsque le dernier homme aura rendu son dernier souffle, le soleil brillera, les montagnes s'élèveront, la pluie tombera, les ruisseaux murmureront... et l'homme ne leur manquera pas. 》

Dernière page du journal de Gaius Sextus, Premier Duc d'Aléra

Gaius was a tall, handsome man, who appeared to be in his late forties if one discounted the silver hair. In truth, the First Lord was in his eighties, but like all powerful watercrafters’, his body did not tend to show the effects of age that a normal Aleran’s would. Though his eyes were sunken and weary-looking, they glittered with intelligence and sheer, indomitable will. The water sculpture focused on Ehren, frowned, and spoke.

“Sir Ehren?” Gaius said. “Is that you?” His voice sounded strange, like someone speaking from inside a tunnel.

“Yes, sire,” Ehren replied, bowing his head. “I have urgent news.”

The First Lord gestured with one hand. “Report.”

Ehren took a deep breath. “Sire. The Vord are here, in the wilds to the southwest of the Waste of Kalare.”

Gaius’s expression suddenly stiffened, tension gathering in his shoulders. He leaned forward slightly, eyes intent. “Are you certain of this?”

“Completely. And there’s more.”

Ehren took a deep breath.

“Sire,” he said quietly. “They’ve learned furycrafting.”

— Vous êtes différent de votre femme, Sire Aquitaine.

Il lui adressa un sourire glacial.

— Nous partagions un objectif commun, un lit, de temps en temps ainsi qu'un nom. Mais c'est à peu près tout.

— Vous partagiez la conviction que tous les moyens étaient acceptables, tant que la fin les justifiait, le corrigea Isana.

— Il est facile de réfuter les principes d'éthiques fondés sur le nombre, répliqua-t-il, tant que ce nombre demeure raisonnable. Mais des millions de gens sont morts, Isana. Des gens que nous-mêmes, Citoyens du royaume, étions chargés de protéger. Le temps est venu de prendre des décisions difficiles. Et ne pas prendre de décision du tout pourrait se montrer particulièrement dangereux.

— N'importe quel homme doté d'une once de bon sens recherche trois chose chez la personne qu'il s'apprête à suivre. La volonté, l'intelligence, et le cœur. (Ses yeux se dirent distant.) Gaius possède la volonté et l'intelligence. C'est un vieux renard des plus redoutables. (Raucus se désigna lui-même.) Moi, j'ai la volonté et le cœur. Mais cela ne suffit pas. Gaius ne ressentait pas grand-chose à l'égard de son peuple. Il a obtenu sa crainte et son respect, mais jamais son amour. Moi, je me suis occupé de mes hommes du mieux que j'ai pu. Mais j'ai laissé l'inquiétude que je ressentais pour eux m'aveugler à tout ce qui se passait autour de moi.

— Je ne comprends toujours pas, avoue Isana avec douceur.

— Septimus avait les trois, madame, répondit Raucus. Quant à vous, vous m'avez montré la force de votre volonté Spoiler(cliquez pour révéler) lorsque vous m'avez empêché d'attaquer les Hommes des Glaces, mais aussi quand vous m'avez défié et que vous avez refusé de renoncer au duel, même alors que vous saviez que c'était ce qu'il fallait faire. Vous m'avez montré votre cœur Spoiler(cliquez pour révéler) quand vous m'avez combattu de cette façon. Jusqu'à la mort, sans faiblir. Alors que vous étiez étendue, ensanglantée, avec… (Il secoua la tête comme si l'image lui faisait mal, mais poursuivit néanmoins.) Avec mon épée plantée dans le ventre… Vous ne vous préoccupiez que de moi. Je l'ai senti. Ce n'était pas de la comédie. Vous étiez prête à mourir pour ouvrir les yeux à un vieil imbécile. Ce n'était pas un stratagème, une tentative de manipulation. C'était sincère.

— Oui, répondit simplement Isana.

— ça fait deux choses, récapitula Raucus. Mais lorsque je me suis aperçu que vous vous étiez arrangée pour que tout cela se passe sous les yeux des Hommes des Glaces, et qu'ils pourraient sentir également toutes nos émotions… Là, je me suis aperçu que vous déteniez aussi l'intelligence. Spoiler(cliquez pour révéler) Coucher-de-Soleil est venu me trouver, seul, dans mes appartements, après que nous vous avons soignée. Il m'a donné la main, et sa parole que les siens respecteraient la trêve jusqu'à ce que nous revenions de notre guerre contre les vordes.

Raucus secoua la tête, et un soupçon de "Et si…" perça dans sa voix.

— Il était sincère. Cela ne va pas tout résoudre du jour au lendemain. Peut-être même que ma vie n'y suffira pas, mais…

— Mais c'est un début, conclut Isana.

— J'aime la vie, réplique Sireos avec un regard implacable. Mais je ne la vénère pas. J'ai eu Caria comme élève, à l'Académie. Elle a utilisé son savoir pour faire du mal à un autre être humain, et elle a mérité d'être punie par la loi. S'il faut, je suis prêt à nouer la corde.

— Pourquoi mettre votre vie en danger ? demanda Sha. (Il désigna les ouvriers.) Varg n'est pas votre seigneur. Ce peuple n'est pas le vôtre. Ces ouvriers ne serviront pas comme soldats, même si votre plan d'utiliser nos guerriers contre les vordes est mis à exécution.

Tavi réfléchit avant de donner sa réponse :

— Mon destin est de défendre ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes, répondit-il enfin.

— Même quand il s'agit de vos ennemis.

Tavi sourit à Sha, découvrant ses dents. Le Chasseur avait employé le mot aléréen, plutôt qu'une des nombreuses variantes canimes de ce terme.

— Peut-être que je souhaite que votre peuple devienne le gadara du mien. Peut-être que je voulais vous le faire comprendre d'une manière qui ne laissait aucun doute sur ma sincérité.

Les oreilles de Sha frémirent à nouveau de surprise, et il regarda Tavi avec intensité, la tête penchée sur le côté.

— C'est une idée que… je n'ai jamais entendu formuler auparavant.

— Son esprit est singulier, déclara la voix grondante de Varg. Mais brillant.

Mais il avait un atout dans sa manche, auquel elle ne s'attendait probablement pas. Il était capable d'endurer un coup mortel, s'il y était obligé, pour en porter un à son tour. La ferrofèvrerie lui permettrait d'ignorer la douleur assez longtemps pour riposter.

S'il se montrait assez rapide, cette ruche deviendrait le tombeau de la reine. Une fois celle-ci morte, et les vordes désorganisées, Kitaï, Max et les autres auraient de bonnes chances de s'échapper. Et si Crassus et la Première Aléréenne s'étaient acquittés de leurs missions, Varg et les Canims s'échapperaient aussi, et pourraient aider Aléra à combattre leur ennemi commun.

En fait, songea-t-il, élaborer un plan était mille fois plus facile, quand on ne s'imposait pas la contrainte de survivre au plan en question.

— On dirait que je ne suis pas le seul à faire des suppositions erronées, murmura-t-il à la reine.

Le regard de la vorde s'étrécit, et il sentit de nouveau le contact frémissant de la reine sur ses pensées. Elle écarquilla les yeux.

Le Spoiler(cliquez pour révéler) Princeps Gaius Octavien appela le roc, le vent et l'acier à son secours, et s'élança en avant dans un assaut qui devait, avec un peu de chance, les tuer tous les deux.

— Ton raisonnement était bon, mais tu as fait une supposition erronée, déclara Spoiler(cliquez pour révéler) la reine vorde . Tu as cru que les Spoiler(cliquez pour révéler) jeunes reines , ayant été créées sans la capacité d'engendrer leur propre subordonnées, désireraient tout de même régner. C'est une faiblesse liée à l'individualité.

Des araignées de cire émergèrent des parois et se précipitèrent sur le sol entre Tavi Spoiler(cliquez pour révéler) et la reine, comme un petit raz-de-marée. Elles s'entassèrent les unes sur les autres jusqu'à former un rempart qui s'élevait jusqu'à la poitrine de la vorde, la protégeant de Tavi.

— Ton espèce est assoiffée d'autorité. Vous désirez gouverner pour assouvir votre orgueil personnel. Vous ne savez pas ce que c'est que de se dévouer à une cause plus importante. Vous ignorez ce que c'est que de se soumettre véritablement au bien commun.

— C'est une bête qui est prête à combattre n'importe quelle créature pour défendre son territoire, ou son repas. Elle se bat sans hésitation, sans peur, sans retenue.

Tavi haussa les sourcils :

— Mais elles sont si petites !

Les Canims s'ntre-regardèrent, visiblement amusés.

— Aléréen, reprit Varg. Ne te laisse pas duper par leur petite taille. J'en ai vu tuer un guerrier adulte, armé et en pleine possession de ses moyens. La bête l'a éventré tout en lui arrachant la gorge, et elle a disparu avant que son corps ne tombe au sol. Même si tu parvenais à en tuer une, elle ferait tout son possible pour t'entraîner avec elle. A ma connaissance, personne n'en a jamais tué sans récolter quelques cicatrices au passage.

— Regarde, souffla Kitaï.

Tavi leva les yeux, et découvrit trois autres araignées de cire à l'approche. Le petit prédateur n'était nulle part en vue, pas plus que le cadavre du Gardien. Au lieu de lancer l'alarme, cependant, les ouvrières vordes s'empressèrent de réparer la croache endommagée avant de décamper.

— Même les vordes ne souhaitent pas le courroucer davantage, ce soir, grommela Varg.

Le Chasseur hocha la tête et déclara d'un ton proverbial :

— "Seul un fous cherche des noises à un Tavar."

Tavi le regarda, stupéfait, puis se tourna vers Varg.

— Viens, Tavar, grogna celui-ci. Nous allons contourner ton petit frère pendant qu'il savoure son repas.