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La pénombre et le calme étaient certainement délibérés, pour rehausser l’effet produit par le gigantesque jardin sur lequel débouchait le couloir, et qui constituait le cœur du manoir. C’était un endroit fabuleux, avec des arbres taillés en forme de chevaux et de gargantes, une section réservée aux plantes exotiques de la jungle des Épines Brûlantes, à l’épais feuillage d’un vert violacé, et des fontaines par dizaines. Des lampes-furies de toutes les couleurs projetaient une lumière flamboyante, et des feux follets sautaient en rythme de l’une à l’autre en longs jets de couleur lumineuse, chacun d’eux suivant avec précision les pas d’une danse incroyablement complexe, à laquelle les jets d’eau bondissant gracieusement d’une fontaine à l’autre répondaient en contrepoint.

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Des légionnaires entrèrent d’un pas lourd dans la cavité, saisirent au hasard les formes inanimées et ressortirent précipitamment. Amara quitta la pièce la dernière, alors même que le sol de pierre lisse se mettait soudain à se bomber tandis que le plafond s’abaissait. Amara jeta un coup d’œil par-dessus son épaule sur le mouvement fluide, presque vivant, de la roche, et cette vision lui fit désagréablement penser à un loup noir affamé refermant ses mâchoires. L’ouverture de la pièce se contracta et les murs de chaque côté de la rampe se rétrécirent brusquement.

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Il était tard dans l’après-midi lorsque Fidélias revint de sa collecte d’informations auprès des contacts qu’il avait dans les quartiers les plus difficiles d’Aléra Impéria. Il émergea du dédale des Souterrains dans le cellier du manoir d’Aquitainus, et ce fut un soulagement pour lui d’arriver dans un endroit où il y avait peu de risques que des yeux curieux le remarquent. Il gravit aussitôt l’escalier de service jusqu’au dernier étage de la demeure, où s’étalait la splendide et luxueuse suite de maître du Haut Duc et de la Haute Duchesse d’Aquitaine.

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La Citadelle n’était pas loin, mais Tavi avait les jambes tout endolories et il eut l’impression de mettre une éternité à atteindre le Couloir Sombre : un long boyau de pierres foncées grossièrement taillées, très différent du reste de la forteresse du Premier Duc, tout en marbre. L’entrée en était fermée par une grille dont les barreaux d’acier sombre étaient aussi gros et durs que ceux d’une herse de château fort. Devant se tenaient deux soldats en livrée rouge et bleu : deux des membres les plus jeunes de la Garde Royale, nota Tavi, armés de pied en cap comme d’habitude. Ils faisaient face à la grille.

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Retenant un éclat de rire, Tavi se dirigea vers la cascade, prit un strigile et entreprit de se racler la peau pour en enlever la sueur due au labeur de la journée, puis passa rapidement un peigne savonné dans ses cheveux. Il se leva pour aller se rincer dans un bassin à l’eau plus froide, et en sortit en frissonnant pour se sécher avec une serviette. Max émergea de l’eau quelques instants plus tard, décrassé lui aussi, et tous deux enfilèrent les vêtements propres qu’ils avaient confiés à la garde des garçons de bains la fois précédente, laissant leurs habits sales sur leur étagère respective.

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Isana ressentit une bouffée de gratitude à l’égard de la jeune femme. Même si c’était la première fois qu’elles évoquaient de telles émotions ensemble, Isana percevait la sincérité d’Amara avec autant de facilité qu’elle voyait son sourire. Amara avait beau être Curseur, Isana pouvait dire que les paroles de la jeune femme étaient exactement ce qu’elles paraissaient : des mots d’éloge et de réconfort sincères.

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Gaius se tenait une fois de plus sur la mosaïque aux couleurs tourbillonnantes, courbé, comme plié en deux par la fatigue ou la douleur. Il avait le teint terreux, et sa courte barbe ne semblait plus composée que de poils blancs. Mais le pire était ses yeux. Ils étaient enfoncés dans leur orbite, cernés de noir, le blanc injecté de sang autour d’un iris dont la couleur s’était délavée et ternie. Une lueur dure et malsaine y brûlait : ce n’était plus celle de détermination, d’orgueil et d’énergie à laquelle Tavi s’était habitué, mais quelque chose de plus cassant, de plus effrayant.

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La pièce n’était pas grande, et à cette profondeur à l’intérieur de l’exploitation, il n’y avait pas de fenêtres. Presque tout l’espace était rempli par deux tables, et les murs étaient occupés par un tableau noir et des étagères. En hiver, quand le travail se faisait rare, les enfants de l’exploitation venaient y apprendre les bases du calcul et de la lecture, et chercher dans les archives sur la furifèvrerie des conseils pour utiliser leurs propres furies. Mais là, c’étaient Bernard, Amara et Aric, le plus jeune Exploitant de la vallée, qui étaient assis à l’une des tables, sur laquelle le dîner avait été servi.

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Cette pensée la dégrisa quelque peu, sans vraiment gâter son bonheur d’être là ce matin. La vie sur la frontière orientale d’Aléra, se rappela-t-elle, pouvait être ardue et difficile. Des milliers d’Aléréens avaient rencontré la mort sur le sol de cette vallée, et des dizaines de milliers de Marats. C’était un lieu qui avait baigné dans les privations, les dangers, les trahisons et la violence pendant près d’un siècle.

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Son attaque fut trop hésitante. Le Maestro profita du quart de seconde qui lui était accordé pour échapper aux mains de son élève. Sa canne cingla l’air par la gauche puis par la droite, imprimant une croix cuisante sur le torse de Tavi. Puis il lui heurta violemment le sternum du bas de sa main ridée, le faisant reculer d’un pas, et lui planta fermement la pointe de sa canne dans la poitrine, l’envoyant s’étaler sur le dos.

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