Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
713 822
Membres
1 008 414

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Ajouter un extrait


Liste des extraits

Extrait ajouté par anonyme 2014-12-07T16:02:21+01:00

Chapitre 1

Lorsque Lambert sortit de chez lui, le temps était maussade. Lui aussi. Une fois de plus il avait failli passer tout droit. Lorsqu’il s’était précipité sous la douche, c’était surtout pour se nettoyer le cerveau. Il n’arrivait pas à se rappeler quel jour on était. Et ça avait une certaine importance. Mardi ou jeudi? Ce n’était pas la même chose. Il était resté de longues minutes sous l’eau chaude. Il se sentait protégé de tout, enfermé dans ce cocon humide. S’il s’était écouté, il y aurait passé l’avant-midi. Il avait fait un terrible effort pour ne pas rester plus longtemps. Il s’était habillé avec ce qui traînait sur la chaise près du lit. Quelle importance s’il portait les mêmes vêtements que la veille? Personne ne s’en apercevrait. Il attrapa une tranche de pain, tartina du beurre d’arachide dessus et sortit. Il garda le bout de pain entre ses dents le temps de fermer à clé. Puis il descendit quatre à quatre les marches qui le séparaient de la sortie. De grandes jambes aident à un pareil exercice.

Lorsqu’il arriva sur le trottoir, la tartine toujours coincée entre les dents, il la vit. La femme se trouvait sous un amoncellement de sacs et de paquets qu’elle portait de peine et de misère. Il soupçonna que c’était sa voisine de palier. Et cette cargaison transportée sur deux petites jambes lui fit aussitôt penser à ces autocars qui sillonnent les routes de terre en Afrique et qui sont bondés à l’extrême de gens, d’animaux, de victuailles et de ballots de toutes sortes. Sa voisine tanguait de la même manière que ces véhicules qui risquent de verser à chaque soubresaut.

Lambert se précipita vers Mme… Mme qui, au fait? Dans son souvenir, elle portait ce genre de nom rempli à ras bord de consonnes. Une fois ou deux, lorsqu’il passait dans le couloir, il avait bien essayé de lire son nom inscrit sur le carton placé au-dessus de la sonnette de sa porte, mais il avait bien été incapable de le prononcer. Tout comme ce matin. Dans son souvenir, il y avait beaucoup de K et de W, ainsi qu’un C et un Z probablement. Très peu de voyelles en tout cas. Le genre de mot imparable si on réussit à le placer au scrabble. Mais comme on ne peut pas utiliser les noms propres, ça ne servait à rien de l’apprendre par cœur.

Il alla tout de même au-devant de la femme. Il écarta un paquet qui obstruait en partie le visage de sa voisine pour qu’elle sache à qui elle avait affaire. Elle semblait du genre craintive, de celles qui soupçonnent souvent les gens d’en vouloir à leur personne et surtout au contenu de leur sac à main. Elle baissait souvent les yeux lorsqu’elle croisait quelqu’un, tenant fermement sa sacoche près de son cœur. Lorsqu’il l’avait croisée au sortir du métro, à quelques reprises, elle trottinait d’un pas rapide sans demander son reste. De prime abord, cette femme n’avait pas envie d’entrer en contact avec qui que ce soit. Mais là, il y avait apparemment urgence.

— Madame… madame euh…

Malgré son essoufflement, elle prononça tout de même son nom truffé de consonnes. C’était à peine plus audible que c’était lisible sur le carton. Elle le regarda d’un air accusateur; ses yeux semblaient demander: qui êtes-vous et qu’est-ce que vous me voulez? Il la rassura.

— Je suis votre voisin de palier. Lambert. Laissez-moi vous aider.

D’un mouvement de la tête, elle signifia qu’elle l’avait reconnu et se déchargea aussitôt entièrement de son fardeau. Toute crainte avait disparu de son regard. Tout comme l’autocar qui a bringuebalé sur les routes empoussiérées et qui se trouve allégé de ses passagers et de sa cargaison, elle retrouva son équilibre.

Elle se mit à baragouiner, dans un français approximatif, qu’elle était beaucoup trop vieille pour transporter

«comme escargot travail sur le dos».

— «Coquille», vous voulez dire? rectifia Lambert.

— Non pas «coquille», «travail». Tout est travail de couture. Métier de moi.

Et tout en remontant les trois étages accompagné de sa voisine, Lambert, maintenant chargé de paquets, l’écoutait raconter qu’elle faisait des travaux de couture pour des dames riches qui n’avaient aucune conscience de ce qu’elles possédaient.

— Belles coupes, beaux tissus, rares. Pas de tête.

Il réussit à comprendre que sa voisine couturière trouvait que ces dames qui faisaient appel à ses talents étaient particulièrement négligentes avec leurs vêtements de grande valeur.

— Moi je fais couture sur tout.

Lorsqu’ils furent arrivés à sa porte, il dut attendre qu’elle trouve ses clés et déverrouille les deux serrures. Il entra sans y être invité et déposa sa charge sur la table de la salle à manger où reposaient quelques cahiers et des livres. Le temps filait; maintenant, il allait vraiment être en retard à son travail. Mais lequel?

Il se retourna brusquement et, dans un souffle, lui demanda quel jour on était.

— Wtorek.

— Non. Le jour. On est quoi aujourd’hui?

Il regardait cette femme légèrement rondelette, les cheveux attachés dans un chignon relâché contenant autant de sel que de poivre, les yeux vifs et les joues rosies par l’effort, et attendait sa réponse comme on attend un miracle.

— Wtorek. Wtorek.

Devant l’incompréhension de Lambert, elle montra le calendrier affiché dans la salle à manger garnie de meubles d’un autre siècle.

— Me excusé. Wtorek: mot polonais pour mardi. C’est le mardi aujourd’hui.

D’un doigt, elle frappa la case en question sur la feuille du calendrier surmonté d’une icône de la Vierge à l’Enfant enveloppée de bleu et d’or. Soulagé, Lambert fit un grand sourire et répéta à son tour qu’on était mardi. Mardi, il avait donc le temps. La dame polonaise sourit aussi d’avoir pu le rendre si joyeux. Elle lui offrit du thé. Il refusa en lui montrant sa montre.

— Pas le temps. Madame… Kuncewi…

— Elena. Plus facile.

Il lui en fut reconnaissant. Tout en se dirigeant vers la porte, il répéta son prénom et lui redonna le sien.

— Lambert. Prochaine fois: thé.

Il se trouva ridicule. Franchement, il aurait pu faire mieux. Ce n’est pas parce que cette femme s’exprimait par monosyllabes qu’il était obligé de l’imiter.

Au moment de partir, et sans qu’il comprenne exactement ce qui se passait, Elena attrapa sa veste par le col et tenta de la lui enlever. Lambert se demandait ce qui lui prenait. Elle voulait le déshabiller ou quoi? Il se débattit et se retourna vers elle en protestant.

— Poche déchirée. Moi coudre.

Rassuré qu’elle n’en veuille qu’à ses vêtements, il lui promit qu’il reviendrait faire recoudre la poche de sa veste lors d’une prochaine visite.

— Poche et thé, dit-il en regrettant déjà les mots qu’il venait de prononcer.

Afficher en entier

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode