Discrètes et éthérées, des silhouettes d'anges dessinées à la craie apparaissent et disparaissent ça et là, sur des murs sombres, des arbres, des bouts de trottoir. Elles sont le fait du créateur de mode Jean-Charles de Castelbajac et sont dédiés à sa famille, à des amis vivants ou disparus, à des passants croisés au fil de ses flâneries. Deux anges ont élus domicile dans le passage de Rohan, reliant la rue de Rivoli au Louvre.

Les mauvaises histoires commençaient toutes en Osheim, et je savais très précisément à quel point la situation pouvait se corser lorsqu'on s'approchait de cette région.

Snorri me confia la torche et, s'avançant lentement, laissa sa hache glisser dans son poing jusqu'à ce que ses doigts touchent la base du tranchant. Il fit alors ce que je n'aurais pu déconseiller en termes assez forts. Il posa son arme.

Il est paradoxal de parler d'un "droit de mourir'. Il n'est nul besoin d'un droit pour mourir - c'est un fait que nous mourrons tous - et le premier droit garanti par les grands textes internationaux, européens ou nationaux est le droit à la vie, c'est-à-dire à la protection de la vie. Mais l’institutionnalisation de la mort (on meurt à l'hôpital, en institution), la médicalisation et la technicisation de la fin de vie (réanimation, traitements lourds de maladies chroniques) et le mouvement des droits propres aux démocraties (individualisme, minorités agissantes, mouvements libertaires) semblent expliquer la revendication controversée et médiatisée d'un nouveau droit, le "droit de mourir".

Après le doute de la première Méditation (1641), qui invalide toutes les phrases les plus simples que nous croyons vraies, Descartes découvrira, enfin, dans la seconde Méditation, une phrase vraie : "je suis", qui est vraie au moment où je la pense. Voilà enfin, un point de départ "ferme et assuré", une vérité indubitable à partir de laquelle Descartes va pouvoir reconstruire toute la connaissance, par déduction : les Méditations III, IV, V et VI.

Lupin remit la lettre dans le portefeuille, le portefeuille dans la poche, rapprocha les bords de la capote. Il s'activait, attentif à ce qui se passait derrière lui. Mais aucun voyageur ne se montrait. Il referma la porte du compartiment et changea de wagon, comme le train ralentissait en arrivant à Versailles. La plus élémentaire prudence lui commandait de descendre ici. Dommage ! L'occasion était belle d'apercevoir à la gare Montparnasse l'étrange demoiselle qui, tous les lundis, mangeait avec sa sœur un saint-honoré.

"A deux heures
Et quart
Comme à toute heure
Que Jésus
Soit dans ton cœur !"

Mes yeux se posèrent sur les vitraux de l'église. Je ne les avais pas remarqués lors de mon premier passage. Ces verres aux couleurs chatoyantes (beaucoup de jaune et de rouge) étaient rehaussées d'émaux. Je m’en approchai, car les dessins qui les composaient avaient l'air pour le moins... étranges. A mesure que j'avançais, la peur se substituait à l'étonnement. Elle grandissait en moi, irrépressible.

Je n'avais jamais rencontré de peuple aussi religieux que les Espagnols. Pour ma part, je ne croyais qu'en un seul Dieu : la science, qui finirait un jour par tout expliquer. J'étais un pur rejeton du siècle des Lumières. Je savais lire, écrire, et pouvais me targuer d'honnêtes connaissances en mathématiques appliquées.

L'inscription découverte sur le Forum, en 1899, sous la pierre noire, comprend le mot "roi", en latin rex, sous la forme recei, qui correspond à un état archaïque de la langue. Ce simple mot, qui suffirait à justifier la célébrité de l'inscription, a changé notre manière de comprendre la Rome archaïque.

Aux portes de la mort, chuchota Véronèse à mon oreille, les gens n'entendent plus que l'amour.

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Tu ne dois pas être triste, bambino. Si tu l'aimes de toutes tes forces, elle t'entendra.

Mais le meilleur moyen d'être malheureux, c'est bien d'essayer d'être heureux tout le temps.

À Madderbourg, je m'étais gaussé de la mort, et aujourd'hui les fantômes des villageois me regardaient brûler.

Je ne me serais jamais imaginé, par exemple, que la policière arrivée en premier lieux s'intéresse à la petite feuille de papier jaune posée à côté du lit de mort de ma femme, me demande ce que c'était et note ma réponse sur son calepin. C'est seulement plus tard que je pris conscience qu'en voyant une morte étendue sur un lit, à moitié nue et sans marques apparentes sur le visage ou le corps, elle s'était tout naturellement demandé : Comment cette femme est-elle morte ?

Deuxième axiome : le nombre des symboles orthographiques est vingt-cinq. Ce fut cette observation qui permit, il y a quelque trois cents ans, de formuler une théorie générale de la Bibliothèque, et de résoudre de façon satisfaisante le problème que nulle conjecture n'avait pu déchiffrer : la nature informe et chaotique de presque tous les livres. L'un de ceux-ci, que mon père découvrit dans un hexagone du circuit quinze quatre-vingt-quatorze, comprenait les seules lettres M C V perversement répétées de la première ligne à la dernière. Un autre (très consulté dans ma zone) est un pur labyrinthe de lettres, mais à l'avant-dernière page on trouve cette phrase : O temps, tes pyramides.

- Toujours droit. Les jambes très légèrement pliées pour garder une bonne assise, dit-il à voix basse. Ta jambe était trop tendue. Si une lame ne te la coupe pas, un gourdin te la brise…
Enfin ils échangèrent un regard. Laerte ne put le soutenir. Comme le visage de Dun-Cadal lui paraissait marqué, la tristesse alourdissant chacun de ses traits, de larges poches gonflées sous ses yeux.
- Je tiens cela d’un grand chevalier, avoua Laerte en s’écartant. Je ne sais pas si j’ai été un bon élève pour lui, ni même s’il a jamais été fier des efforts que je faisais, chaque jour…
Il marcha d’un pas lent vers la maison.
- Mais, si j’ai cru le haïr, c’était sans aucun doute pour ce qu’il représentait, non pour ce qu’il était. J’en suis sur… aujourd’hui.
A peine approcha-t-il du pas de la porte que la voix rauque de Dun-Cadal murmura :
- Grenouille… ?
C’était la première fois depuis leurs retrouvailles qu’il prononçait ce surnom sans animosité. Laerte se retourna. Son mentor se redressait après avoir posé l’épée à terre. Sur le gravier, à la lumière du jour naissant, Eraëd scintillait.
- … c’est toi ? demanda Dun-Cadal, la gorge nouée.

[Attention, spoiler]

Je sais, je pourrais me retourner.
Je pourrais me retourner et fermer les yeux, rêver une dernière fois de la forêt, l'endroit où nous avons vécus et qui existera encore longtemps après que nous aurons disparus. Je pense à ce que nous laissons derrière nous.
Dans quelques années, Diana ne sera plus qu'un squelette blanchi, ses mains osseuses refermées sur un oiseau mécanique. Dans quelques années, Jester aura perdu jusqu'au dernier de ses cheveux blonds, ses orbites creuses fixant l'éternité sur les rivages du lac Noir. Dans quelques années, les eaux maléfiques auront digéré jusqu'au dernier atome de Mademoiselle Grâce, mais les images resteront - les ogres, la nuit, la forêt - et je n'aurais rien oublié, parce que c'est cet endroit où j'ai grandi.
Je ne me retourne pas.
J'essaye de me rappeler comment tout cela a commencé.
Qu'est-ce qui était évitable, qu'est-ce qui ne l'étais pas ?
Je n'en sais rien.
Je ne suis même pas sûr d'être un humain.

Il y a les chasseurs, et il y a les chassés.

Tu devrais savoir que les lapins ont la rancune tenace!

J'en conclus donc que nous étions des êtres programmés pour espérer coûte que coûte, même face à un destin implacable. Nous rêvons encore de paix au moment où les bombes explosent tout autour de nous.
Nous espérons que notre tumeur ne grossira pas, que nos prières ne se dissoudrons pas dans le ciel. Nous espérons être toujours amoureux, que nos enfants deviendront des gens bien. Et même à l'instant où notre voiture franchit le bord de la falaise, nous espérons atterrir sur un tapis volant.
Et quand c'est vraiment trop tard, les dernières fibres de notre corps espèrent alors une mort sans douleur, voire une glorieuse résurrection.

Parce que la réponse à une question qui vient du fond de ton cœur, Jack, le brise toujours.

-Bon, eh bien, à demain, Mr Branch, dit-il, puis, tout claudiquant, il s'éloigna vers la route dans l'obscurité qui s'épaississait et dans laquelle persistait encore tout juste assez de lumière pour que son ombre le suive pas à pas, déformée et estropiée, ainsi qu'elle le serait toujours, par la malchance que lui valut d'avoir eu la chance de me connaître.

C’est d’accord, m’empressai-je de répondre d’un ton léger, sans effroi, car tout aussi petits que les autres sont les pas qui nous conduisent aux choses les plus graves.

Ce sont elles qui m'ont enseigné le jeu. Elles m'ont permis de comprendre ce que tous ces messieurs sinistres et sérieux qui ont combattu pendant la Guerre des Cent n'ont pas encore assimilé. Vous ne pouvez remporter le jeu que si vous comprenez que c'en est un. Prenez un joueur d'échec, dites-lui que chaque pion est un de ses amis. Incitez-le à penser que les deux fous sont sacrés. A se souvenir des jours heureux passés à l'ombre de ses tours. A aimer sa reine.
Voyez comme il les perdra tous.