Extrait

Gus et moi avons pris l’habitude de travailler à la table de nos cuisines respectives aux alentours de midi et, la plupart du temps, nous brandissions des messages à tour de rôle. Ceux-ci sont devenus de plus en plus élaborés. Si certains étaient spontanés, d’autres avaient manifestement été rédigés le matin, voire la veille au soir. Au gré de l’inspiration. Les messages griffonnés sur le vif devenaient particulièrement loufoques quand la fièvre de l’écriture nous prenait. Par moments, je riais tellement que mes mains refusaient d’obéir et que je n’arrivais plus à tenir mon stylo. Nous nous esclaffions au point de finir tous les deux le front posé sur la table. Il pouffait dans son café. Je m’étranglais avec le mien.

Ça commençait par des platitudes du genre MIEUX VAUT AVOIR AIMÉ ET PERDU CE QU’ON AIME QUE DE NE JAMAIS AVOIR CONNU L’AMOUR (moi) et L’UNIVERS NE SEMBLE NI BÉNIN NI HOSTILE, SIMPLEMENT INDIFFÉRENT (lui), mais ça se terminait généralement par des choses comme FAIT CHIER D’ÉCRIRE (moi) et SI ON LAISSAIT TOUT TOMBER POUR DEVENIR MINEURS ? (lui).

Un jour, il a noté LA VIE EST COMME UNE BOÎTE DE CHOCOLATS. ON NE SAIT PAS VRAIMENT CE QU’ON MANGE ET LA DESCRIPTION SUR LE COUVERCLE EST TOUJOURS BOURRÉE D’ERREURS.

J’ai déclaré SI TU ES UN OISEAU, J’EN SUIS UN MOI AUSSI.

Il m’a fait savoir que DANS L’ESPACE, PERSONNE NE VOUS ENTENDRA CRIER et j’ai répliqué TOUS CEUX QUI ERRENT NE SONT PAS PERDUS.