Extraits

Au milieu des piles que forment mes bouquins, je n’existe plus, je survis. Je parcours tellement de mondes, je rencontre tellement de gens, je ressens tellement d’émotions, là, entre ces lignes figées par l’immortalité, que je n’ai plus vraiment envie de les chercher en dehors. A quoi bon ? Y auront-elles la même saveur ? Non, bien sûr que non. Rien n’a la même saveur en dehors de ces pages que je tourne avidement, un jour après l’autre.

Rien.

La confiance ? Je n’en ai aucune. Le sex-appeal ? Il a pris la fuite quand il m’a vue débarquer.

Et voilà que je m’emballe encore ! Il faut vite ralentir ce flot de guimauve qui me coule dans les veines avant que je ne m’y noie ou que je me transforme en Barbapapa géant !

Mais comme à chaque fois, je me suis raisonnée. Les contes de fées, vous vous souvenez ? Ce n’est pas pour moi ! Et le bel homme mystérieux qui débarque, comme par hasard, dans ma librairie un samedi soir en ayant l’air totalement perdu et qui tomberait, éventuellement, sous mon fameux « charme », hum, je n’y crois pas une seconde.

Au début, j’ignorais tout de lui. Quand je l’ai rencontré, il était seulement un inconnu incarnant un personnage derrière un écran. Au premier regard, j’ai été transpercée par l’éclat de ses yeux et j’ai su qu’il voyait mon âme à travers le tube cathodique. J’ai suffoqué sous la pression de ses prunelles posées sur moi. J’ai cessé de respirer lorsque je l’ai entendu me dire « je t’aime » pour la première fois. Et puis, j’ai éteint le poste et je me suis réveillée.

Ces choses-là n’arrivent que dans les rêves, pas dans la réalité. Je me suis donc résignée à me contenter de ses DVD, que je regardais en boucle en les accompagnant de mon pot de Nutella spécial — 400 grammes — pour oublier qu’il n’était plus là, qu’il n’était pas là, à côté de moi. Un personnage désincarné ne peut exister, je le sais. Une telle relation ne serait ni envisageable ni viable. Le même dilemme qu’avec tous mes book boyfriends{2}. Mais, là où mon raisonnement avait une faille, c’est que je me suis vite rendu compte que je n’avais pas été ensorcelée par le personnage. Enfin si, mais cette fois, c’était plus que ça. Cette fois, j’étais tombée sous le charme, puissant, hypnotique, de l’acteur.

Ian Somerhalder.

Au commencement de notre... « relation », j’étais raisonnable, comme lorsqu’on goûte aux prémices d’une gourmandise. Une cuillerée ici ou là. Je m’en délectais à petites doses. À la fin, j’ai succombé et y suis allée à la cuillère à soupe sans restriction. Un épisode de Vampire Diaries, un épisode de Young Americans, et on recommence ! Rien de bien alarmant, me direz-vous. Ça peut arriver à tout le monde après tout ! Puis, le drame est survenu. La rupture. Et tout a basculé… Un connard de première catégorie a bousillé mon cœur et j’ai sombré. Je lui ai donné le pouvoir de me faire mal, de me ratatiner. J’en ai payé le prix, fort. Avoir le cœur brisé n’a rien de romantique, vous pouvez me croire. Vous signez par contre pour l’option morve au nez et yeux rouges au quotidien. Top glamour ! J’ai vécu l’enfer pendant des semaines et puis, j’ai été sauvée par un vampire. Damon Salvatore.