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Face à l'absence réelle des femmes arabes du champ visuel colonial, la peinture se charge d'abord de fournir le public européen en images de ce qui ne peut être vu : le corps nu des musulmanes. Elle élabore à cette fin deux motifs originaux – sans précédent dans la tradition iconographique – qui sont autant de dispositifs fantasmatiques : la vente de l'esclave et la scène de hammam. Imagier majeur du XIXe siècle et grand voyageur en Orient, Jean-Léon Gérôme propose, avec plusieurs variantes, l'archétype de chacun de ces motifs. Cependant, leur récurrence dans la peinture orientaliste en général, et pas seulement dans l'œuvre singulière du maître, montre qu'il s'agit là d'un phénomène qui dépasse le domaine de la sensibilité ou du fantasme d'un individu, pour répondre à une forme d'exigence collective – sociale et, d'une certaine façon, politique – conçue dans une situation historique déterminée : la colonisation de l'Afrique musulmane.

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Le long épisode colonial – 1830-1962 dans sa plus grande extension algérienne – a joué un rôle déterminant dans ce processus de transformation du voile traditionnel en symbole féminin de l'islam. Ce sont les Occidentaux, en effet, qui, les premiers, regardent le voile, c'est-à-dire appliquent à cet objet qui soustrait à leur vue le corps et le visage des femmes, l'ordre visuel qui est le leur, intolérant à la dissimulation. Ils le font de plusieurs manières, dont témoignent la peinture dite « orientaliste69 », la photographie et la littérature. Mais hommes et femmes ne portent pas le même regard sur le voile des musulmanes. Les hommes exercent une forme de violence tendant à arracher au corps cette étoffe qui s'interpose entre leur regard et l'objet requis par sa jouissance. D'autres fois, ils prennent le parti d'en rire, laissant toutes sortes d'images et de descriptions bouffonnes, tel Flaubert, au Caire : « Femmes en voile noir (de face, c'est comme ces ronds de papier dans lesquels sautent les écuyers, si ce n'est que c'est noir)70. » Les femmes, quant à elles, balancent le plus souvent entre connivence et commisération pour celles qu'elles appellent parfois « nos sœurs musulmanes », voilées et recluses, mais résignées à leur sort, et dont le voile et la réclusion leur semblent préserver en elles une forme d'essence féminine perdue ailleurs.

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Tant que l'islam est resté confiné dans ses vastes domaines, avant que la colonisation européenne ne soumette politiquement les musulmans, avant que l'immigration économique ne les contraigne à vivre parmi les impies et les athées, avant que l'impérialisme américain ne leur impose la règle du jeu mondiale, le voile, commodité coranique dont le fiqh avait fait une loi, a servi d'instrument à la coercition des femmes. D'instrument, et non de symbole. La question de son caractère religieux ne se posait pas : tout le droit découle de la révélation, il n'en est pas moins civil. Mais depuis que l'islam, par la force des choses, se trouve mêlé au reste du monde, le voile féminin est devenu progressivement un symbole. Toutefois, sa fonction symbolique récente et sa fonction instrumentale traditionnelle sont, en grande partie, clivées. Les femmes qui le revêtent plus ou moins volontairement y voient l'expression symbolique de leur appartenance à la communauté des croyantes et oblitèrent l'efficacité coercitive qu'il continue d'avoir pour celles qui le subissent. Autrement dit, le sens mineur du voile – se distinguer, en tant que musulmane, des mécréantes –, inactif durant les longs siècles où les unes et les autres ne se rencontraient guère et n'avaient donc aucun besoin de se distinguer, est devenu le sens revendiqué. Et le voile est ainsi le symbole de l'islam, alors qu'il n'est presque rien dans l'islam. Parallèlement, sa fonction majeure, celle qui répugnait peut-être à Muhammad, mais où les oulémas ont eu bientôt fait de reconnaître un sûr moyen d'asservissement, est occultée. Il faut donc maintenant essayer de comprendre comment ce phénomène a pu se produire. Comment des femmes, en toute bonne foi, font du tissu qui a servi – et qui sert encore ! – à les exclure du champ de la représentation le représentant de leur identité religieuse revendiquée ; comment nous en sommes venus à voir dans le voile un symbole religieux qui n'est pas, et ne peut pas être, celui de la domination de la femme par l'homme (car il ne l'a jamais été dans l'islam), alors même qu'il continue d'être effectivement ce qu'il a toujours été : le moyen de cette domination.

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Encore aujourd'hui, la parenté visuelle entre ces figures et les femmes en burqa est saisissante. Aussi bien, le Coran, pour le peu qu'il l'évoque, ne présente pas le voile comme une invention, il en recommande le port, ce qui laisse entendre que la pratique lui est antérieure. Dans notre imaginaire contemporain, ce voile intégral cadre bien avec ce que nous avons retenu de l'absence de droits, de libertés et de sécurité qui aurait été le fond de la condition féminine dans l'Arabie pré-islamique. Mais d'un autre côté, certains témoignages contredisent cette représentation. Umm Salma discute d'égale à égal avec le Prophète et tient tête à ‘Umar ; après la mort de Muhammad, Aïcha fait de la politique. Elle intervient avec autorité (sinon avec succès) dans les intrigues de succession califale, et Tabari nous la montre conduite en palanquin sur les champs de bataille60, où elle soutient sa faction. Du vivant du Prophète, dans le camp opposé, Hind, à la bataille d'Uhud, se gagne une place entre Agrippine et Lady Macbeth dans le panthéon des héroïnes. Avec les Mecquoises, elle chante, danse, saute pour provoquer l'ardeur des hommes au combat. Et, quand ils ont vaincu :

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Rien de moins visible que la vue. C'est sur son immatérialité même que, déjà, Platon se fonde pour en faire le moins indigne des sens, celui auquel peut satisfaire la plus basse des Idées – mais Idée toutefois –, la beauté qui, du haut de son ciel, luit. Et, tandis que le regard, ravi, s'élève vers l'Idée, l'âme, nostalgique, se souvient. On sait pourtant désormais que le regard a une histoire, une géographie aussi et une anthropologie. Nous ne voyons pas toujours pareillement, ni partout, et toutes les sociétés n'accordent pas à l'exercice de la vue des conditions similaires. Cette triple détermination (la première attestée par la seule connaissance savante, les deux autres accessibles à l'expérience du voyageur, mais à l'état de vestige où sont aujourd'hui réduits les cultures non occidentales et leurs territoires) révèle ce que Platon pouvait encore ignorer : quelque chose comme le grain du regard, sa densité différentielle, une forme de matérialité. Le regard, par ailleurs, s'exerce dans un milieu qui est sa condition, le visible, qui, pas plus que lui, n'est invariant, absolu, ou affranchi des époques, des contrées et des communautés. Pourtant, là encore, le visible paraît évident ; nous faisons même de l'évidence (qui vient du verbe latin videre, voir) sa qualité première. Or il y a eu des visibles maintenus évanescents, embrumés et fumeux, blafards, emplis d'ombres, des visibles non évidents. L'œil y accommodait au demi-jour. Témoin, non d'une entreprise coloniale, mais d'un expansionnisme commercial occidental (américain surtout) virulent, l'écrivain japonais Junichiro Tanizaki évoque celui-ci par ses effets sur le visible de son pays : un flot de lumière crue. L'éclairage électrique déferle, figeant soudain son monde de formes incertaines et mouvantes. Datant de 1933, l'Éloge de l'ombre décrit la texture d'une visibilité au moment où celle-ci est sur le point de disparaître (mais, sans cette extrémité, sans doute la description en eût-elle été impossible), et une identification en retour des traits les plus saillants de la visibilité occidentale qui la remplace. Tanizaki dit les agencements minutieux qui ont formé une cohérence : la patine des laques, la pâleur des papiers et des peaux, les teintes et les sons sourds. Tout un monde sensible, pas seulement visuel, ordonné à l'ombre. Les femmes n'échappaient pas à cette visibilité assourdie : « Il n'est donc nullement exagéré de dire que, généralement confinées dans une pièce de leurs sombres demeures, jour et nuit tout entières ensevelies dans l'obscurité, elles ne révélaient leur existence que par leur visage169. » L'éclairage électrique a eu raison de tout cela, mais pas seul. Avec lui des normes d'hygiène valorisant l'éclat blanc des faïences, des enregistrements du son calibrés pour les timbres clairs de la musique occidentale, des vêtements aux teintes criardes, un papier machine lisse et standardisé, des stylos conçus pour l'écriture alphabétique, etc.

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Des trois religions monothéistes qui ont façonné la culture d'un monde ancien, étendu des confins de la Chine et de l'Inde aux rivages européens de l'Atlantique, la seule qui inscrive le voilement des femmes dans un passage parmi les plus sacrés de ses livres saints, la seule aussi qui fonde cette prescription sur des motifs religieux, et non pas coutumiers, est la religion chrétienne. Un passage de la Première Épître de saint Paul aux Corinthiens (11, 2-16) commente cette règle qu'il formule ainsi (5-6) :

Toute femme qui prie ou qui prophétise le chef découvert fait affront à son chef ; c'est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, qu'elle se coupe les cheveux ! Mais si c'est une honte pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou tondus, qu'elle mette un voile6.

Saint Paul peut être considéré comme le véritable inventeur du christianisme. C'est lui, l'apôtre des Gentils, qui institue, à partir de l'enseignement de Jésus et d'une réévaluation très libre des écrits hébraïques, à la fois un corps de doctrines, des pratiques cultuelles et culturelles, et une éthique distinctes du paganisme et du judaïsme contemporains sous leurs différentes formes. Saul, citoyen romain juif de langue grecque, devenu Paul après sa conversion, missionnaire dans toutes les grandes villes de l'empire – Athènes, Corinthe, Jérusalem, Damas, Rome –, entame le colossal ouvrage d'inventaire des pratiques et des savoirs anciens que continueront après lui les Pères de l'Église, et dont procède le christianisme, recevant ici, rejetant là, tantôt sanctifiant et tantôt condamnant, selon ce qui convient à la religion universelle. Or saint Paul, qui affranchit les fidèles des églises qu'il fonde de la loi de Moïse comme des cultes impériaux, qui dispense les hommes de la circoncision et leur autorise les repas partagés avec des non-juifs, exige le voile des femmes. D'un tel homme, une telle décision engage la spécificité de l'Église naissante au milieu du foisonnement des cultes au Ier siècle de notre ère. Il est donc intéressant de tenter de comprendre s'il entend, par cette exigence, banaliser le culte chrétien pour le rendre mieux compatible avec les habitudes religieuses et sociales des convertis (c'est le cas du renoncement aux règles alimentaires formulées par la Torah) ou si, au contraire, il cherche à distinguer les chrétiens de Corinthe – le mot est attesté là, pour la première fois, vers l'an 40 – du reste de la population. Le voilement des femmes répond-il à une exigence religieuse ou à une coutume sociale des juives ou bien des gentilles au Ier siècle ? Est-il commun ou est-il rare ?

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Or le voile dont se couvrent les musulmanes aujourd'hui fait d'elles des images. La logique religieuse et culturelle qui les porte voudrait que les femmes se rendent le moins visibles possible et, pour y parvenir, en Occident, ne se voilent pas. En se voilant, les musulmanes d'Occident assument à un double titre une fonction d'image en contradiction profonde avec les convictions au nom desquelles elles se voilent. D'abord, comme des images vivantes et en mouvement, elles attirent sur elles regards et discours, dès lors que le système dont le voile est extrait vient à manquer (elles ne sont pas recluses, la curiosité visuelle est admise et même valorisée autour d'elles, elles entrent en concurrence avec d'innombrables images et d'innombrables stratégies individuelles de singularisation dans l'espace public). Ensuite, le voile qu'il leur est recommandé de revêtir – abaya, burqa, exceptionnellement niqab – n'est pas celui qu'ont porté les femmes du Maghreb ou de Turquie, leurs ascendantes souvent, et nos voisines, mais les lointaines et peu nombreuses femmes d'Arabie que la télévision, la presse et la propagande islamiste ont transformées en images. Autrement dit, ces musulmanes d'Occident se comportent comme des images et imitent des images. Et cela pour exprimer une religion, affirmer une culture qui abomine l'ostentation en général, celle des femmes tout particulièrement, et proscrit les images.

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Si le voile musulman heurte tant la sensibilité des Européens – ce que montre à l'envi le débat dont il fait l'objet, en tout cas en France, depuis plus de vingt ans – ce n'est donc pas tant en raison de l'outrage éventuel fait aux femmes (nous tolérons, hélas, toutes sortes d'outrages) que parce qu'il inquiète profondément l'ordre visuel sur lequel le monde occidental s'est, de longue date, fondé. Il inscrit en effet dans une économie du visible entièrement soumise au règne du regard le refus de se laisser voir. Au sein même de l'image, faite pour être vue, la vue est empêchée, interdite ; la forme noire montre qu'elle cache, exhibe la dissimulation. Mais l'image elle-même n'est jamais que la forme symbolique où s'intensifie un régime visuel qui l'a permise, voulue, adorée souvent, et qui l'englobe. Aussi n'est-ce pas seulement en photo, dans l'image matérielle, que le voile opère comme une déchirure de notre organisation du visible, inquiétant celui-ci au plus haut degré, mais hors d'elle, dans l'espace public. Les campagnes, aménagées en paysages et panoramas pour être parcourues du regard, les villes, où l'œil pénètre suivant les défilés des avenues comme à travers la transparence des vitrines, et jusqu'à l'intérieur des appartements bourgeois avec ses pièces de réception visibles depuis l'entrée : rien ne doit résister à la vue. On prête aux qualités physiques qui la servent des vertus morales parmi celles que nous estimons le plus : cette fameuse clarté où Boileau reconnaissait déjà une expression de l'intelligence et, plus récemment, la transparence, érigée en exigence politique. Au centre de ce système du visible, et étroitement articulé avec l'image, se place le visage humain, à la fois émetteur du regard et suprême objet de la contemplation, dès lors que, comme dans l'icône, il passe pour être l'image de Dieu. Soustraire la femme à la vue au moyen d'un objet, le voile, qui montre qu'elle s'y soustrait est donc une manière très efficace de mettre en crise un des fondements de notre culture, son système visuel, que nous avions cru pouvoir étendre au monde entier comme on a universalisé le calendrier chrétien, avec la même impériale insouciance.

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Pour s'afficher ainsi, l'islam a dû subir, par la volonté d'un de ses zélateurs fondamentalistes, une violence au moins aussi grande que celle qu'il entendait infliger ; et il n'est pas certain, de notre côté, que le malaise que la photographie communique vienne seulement de notre attachement à la dignité des femmes et à leur liberté, lesquelles passeraient mécaniquement par leur dévoilement universel. D'abord, la posture du couple – au touche-à-touche, main sur l'épaule, main sur la cuisse – est aberrante et entre en flagrante contradiction avec la religion et la culture que le vêtement prétend exprimer. L'islam traditionnel – pas même fondamentaliste – répugne à de telles exhibitions sentimentales. La tendresse conjugale y relève de la plus stricte intimité et n'est jamais manifestée en public ; ne serait-ce que l'évoquer est déjà une faute de goût, sinon un outrage. Avant même de vêtir éventuellement les femmes musulmanes, le hijab (voile, rideau, écran) désigne la portière que, selon un récit fameux1, le prophète Muhammad rabattit, le jour de ses noces avec Zaynab bent Jahch, pour se protéger des importuns qui tardaient à quitter la fête. Produite par un islamiste, la photo blesse donc au plus intime la bienséance musulmane. Elle froisse également la virilité de cet homme qu'affirment par ailleurs son regard fier et l'aisance de sa posture. Un homme n'a tout simplement pas à se trouver enfermé dans une chambre avec une femme. Son espace à lui est l'extérieur : c'est la rue, la mosquée, le marché ; aux femmes la maison, à plus forte raison la chambre. Et, dans cet ordre d'idée, dans sa chambre et en présence de son mari une femme n'a pas à se voiler. Si elle se voile, c'est qu'elle est étrangère à l'homme. Mais que font une femme et un homme étrangers l'un à l'autre dans une chambre, côte à côte, la main de l'une sur la cuisse de l'autre ? Une telle attitude est-elle digne des dévots d'une religion qui sépare les hommes des femmes et frappe l'intimité conjugale du sceau de la pudeur ?

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Il y a quelques années, le journal Le Monde publiait la photo d'un islamiste. L'homme, soupçonné de terrorisme, avait été enlevé à Milan, détenu et sans doute torturé en Égypte, puis subitement libéré. Pour le photographe, il posait assis sur le lit étroit d'un cosy de palissandre, vêtu d'une dichdacha immaculée, les pieds nus dans des sandales de plastique, la tête couverte d'une chachia blanche, une montre à affichage digital, bracelet d'acier, au poignet. La barbe touffue, à peine grisonnante. Son regard fixait l'objectif. Assise à sa droite, tout contre lui, une forme noire, opaque, reposait sur sa cuisse une main gantée de noir ; il avait, lui, posé sur elle sa main nue. Derrière eux, sur les étagères du cosy, s'apercevaient des napperons brodés au crochet. À l'époque où elle fut publiée, la photographie n'avait rien pour surprendre un lecteur français : nous identifiions sans peine un « islamiste » à sa barbe, à son vêtement, au défi perceptible dans son regard dardé sur nous et, dans la forme noire assise à côté de lui, non pas un spectre ni la maman des Barbapapa, mais la pieuse épouse de l'imam. De telles images, nous en voyions déjà couramment dans la presse, à la télévision, au cinéma ; plus rarement dans les rues de nos villes d'Europe : leur déchiffrage ne nous posait donc, apparemment, aucun problème. Elles sont depuis devenues si communes que, sous l'une ou l'autre espèce – femme entièrement dissimulée sous le drapé noir du hijab et du niqab (ces mots, longtemps réservés à l'érudition des orientalistes nous sont, eux aussi, désormais familiers), hommes barbus en kamis –, elles servent d'enseigne journalistique à presque tout propos sur l'islam.

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