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Comment est-ce qu’une femme si belle et si douce pouvait être en même temps une guerrière sanguinaire qui ne s’intéressait qu’au combat ?

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– Non, ce sont des tatouages. Elle les a faits après sa première bataille. J’étais là : on sentait la chair brûlée dans tout le camp. Et ce ne sont pas des serpents, dans ses cheveux, juste des tresses. Par Loki, ce que les gens peuvent être naïfs.

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Il ne faut jamais regretter ce que l'on ne peut avoir, toujours se tourner vers l'avenir et se concentrer sur ce que l'on peut accomplir.

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** Extrait offert par Michelle Styles **

Chapitre 1

Dix ans plus tard — près de Dollar, Albion picte (actuel Clackmannanshire, Écosse).

Au lever du jour, la grande bataille commencerait. Aedan mac Connall, roi de Kintra dans les Iles occidentales, n’avait pas besoin de devins pour connaître son avenir. Il préférait se servir de ses yeux. Devant lui, les deux armées attendaient, à moins d’une lieue de distance, et toutes deux étaient dangereuses… D’un côté, il voyait les Norrois de Blackpool ou de Dubh Linn. De l’autre, les Pictes alliés à l’armée de mercenaires vikings venus de Jorvik pour servir le roi Constantin.

Qui l’emporterait ? Aedan s’en moquait. Le plus important était que, pour une fois, les deux armées se faisaient face au lieu de s’en prendre à son peuple. S’il était venu, c’était pour une femme qui se trouvait quelque part dans cette foule de guerriers.

Son avenir et celui de son peuple dépendaient d’une seule chose : sa capacité à rendre cette femme à son père, à qui elle appartenait. Il préférait ne pas songer au destin qui attendait les otages capturés par Kolbeinn Hache-Sanglante s’il échouait dans sa quête. Il fallait à tout prix qu’il récupère la fille du jaarl et la lui ramène dans le temps imparti, au risque d’être damné pour l’éternité.

— Avez-vous vu une femme ? Une guerrière nommée Dagmar Kolbeinndottar ? lança-t-il à un guerrier qui était assis auprès d’un feu mourant, la mine basse.

L’homme leva sa tête grisonnante.

— Dagmar Kolbeinndottar ? Elle se fait appeler Helgadottar depuis de nombreuses années.

Aedan poussa un soupir soulagé. Il l’avait enfin retrouvée : traquer Dagmar, fille du seigneur norrois Kolbeinn Hache-Sanglante, était pire que traquer un courant d’air sur la lande ! Aedan avait traversé tout le territoire d’Albion et s’était aventuré au plus profond de la Bernicie pour la débusquer.

La description plutôt vague que lui avait donnée Kolbeinn — celle d’une enfant fragile et timide aux cheveux blonds enlevée dix ans plus tôt par sa mère — ne l’avait pas vraiment aidé dans ses recherches. En Bernicie, Aedan avait appris que Dagmar avait juré fidélité au roi Constantin, comme sa mère avant elle.

— Très bien. Je cherche Dagmar Helgadottar, dit-il en inclinant courtoisement la tête. Je souhaite m’entretenir avec elle.

Le guerrier haussa les épaules.

— Je tiens à ma vie, moi.

— Pouvez-vous au moins me dire si elle est ici ?

— Oui, elle est là, répondit le vieil homme avec un demi-sourire. Le roi a dressé une grande tente pour elle et ses hommes, mais ne croyez-vous pas qu’ils sauront faire mieux que taper sur leurs boucliers pour avoir l’air féroce ?

Aedan n’avait pas le temps de discuter. Il tendit l’anneau que Kolbeinn Hache-Sanglante lui avait confié, ainsi qu’une pièce d’or.

— Dites-lui que je lui apporte des informations importantes au sujet de son père.

L’homme prit la pièce avec un hochement de tête.

— J’espère que vous vous en tirerez mieux que les autres…

Aedan le dévisagea sans comprendre.

— Les autres ?

— À chaque fois qu’il a envoyé un messager, Dagmar lui a coupé la tête pour la renvoyer à son père dans un panier… Remarquez, elle n’a plus fait cela depuis la mort de sa mère.

— Elle m’écoutera, moi.

— Vous devez avoir l’éloquence de Loki1 pour être si sûr de vous… même pour être arrivé jusqu’ici.

— Je préfère croire que ce sont les saints qui veillent sur moi.

L’homme cracha dans sa main avant de faire un rapide signe de croix.

— Vous aurez besoin d’eux aussi.

Pressé de mettre fin à la conversation, Aedan siffla et son chien-loup, Mor, bondit des buissons où il s’était caché.

— Près de la ligne de front, vous dites ?

Le vieux guerrier recula d’un pas à la vue du chien.

— Oui, vous ne pouvez pas vous tromper. Dagmar a le visage recouvert d’entrelacs bleus et noirs, et elle a des serpents dans les cheveux.

* * *

Dagmar mit la touche finale à son maquillage. Elle reproduisait ces entrelacs chaque matin depuis si longtemps que c’était devenu une seconde nature chez elle. D’abord la peinture noire, puis la bleue.

Elle avait obéi à sa mère qui préférait la voir se peindre le visage plutôt que se faire tatouer. Cela faisait cinq mois que cette dernière avait rejoint les dieux, mais Dagmar ne pouvait se résoudre à désobéir à ses désirs… Le résultat était plus important que la peinture qu’elle utilisait. Un jour, lui avait fait remarquer sa mère en la maquillant, elle pourrait avoir besoin de changer d’apparence. Mais pour le moment, Dagmar préférait laisser tout le monde penser qu’elle était tatouée et qu’elle ajoutait une arabesque pour chaque bataille gagnée.

— Il veut te tuer, lança le vieil Alf en entrant sous sa tente tandis qu’elle achevait son ouvrage.

À part sa mère, il était le seul à savoir que ses tatouages n’étaient pas vrais. Et il se faisait bien vieux… Depuis quelque temps, il commettait parfois des erreurs au combat et avait du mal à porter en même temps son arme et son bouclier.

— Tu m’as entendu, Dagmar ? Il veut te tuer pour de bon, cette fois.

Dagmar essuya ses doigts recouverts de peinture. Inutile de lui demander de qui il parlait. Olafr Rolfson, le dernier amant de sa mère. Dagmar avait vu clair dans son jeu depuis longtemps. Il passait son temps à la flatter, à lui mentir, tout en clamant haut et fort qu’il n’était pas d’accord avec ses choix.

Les braises du bûcher funéraire de sa mère n’avaient pas eu le temps de s’éteindre qu’Olafr avait commencé à clamer qu’il voulait l’épouser, elle, Dagmar ! Elle avait tout de suite su que ses soudaines déclarations enflammées n’avaient rien à voir avec sa silhouette ou la beauté de son visage : depuis ses quatorze ans, elle entendait souvent des murmures sur son passage et savait parfaitement à quel point elle était laide. Des cheveux qui forment des serpents. Un nez trop long. Un menton trop pointu. Un visage ciselé comme un rocher balayé par le vent. Aucun homme ne pourrait réellement désirer une femme comme elle.

Mais Olafr avait persisté. Il lui avait menti au sujet de sa beauté pour tenter d’arriver à ses fins. Au bout d’un moment, elle avait été contrainte de promettre la castration à tout homme qui voudrait réchauffer son lit — y compris lui. Il avait immédiatement pâli et n’avait plus jamais essayé de la séduire.

— J’ai besoin de l’aide de tous nos guerriers capables, dit-elle froidement.

— Pas lui ! Nous ne sommes pas désespérés à ce point !

— J’ai donné ma parole à ma mère. Voulez-vous donc que je trahisse ma promesse alors que nous sommes sur le point de livrer nos dernières batailles ?

Dagmar sentit sa gorge se nouer. Helga avait ignoré sa blessure, légère à première vue, jusqu’à ce que l’infection lui empoisonne tout le corps. Sur son lit de mort, elle avait fait promettre à sa fille de remplir à sa place ses obligations envers Constantin pour obtenir les terres et le titre qu’il avait promis. Des terres sur lesquelles pourraient enfin s’installer les hommes qui étaient restés loyaux envers Helga pendant leurs longues années d’errance, et un bon foyer pour Dagmar elle-même, comme sa mère le lui avait promis le jour de ses dix ans. Là, elle pourrait vivre en paix, raccrocher son épée et ne plus s’en servir que pour protéger ses biens, au lieu de se battre pour l’ambition d’un autre.

— Constantin sera bien obligé de tenir parole.

— Ta mère savait très bien reconnaître un roi qui ne mérite pas qu’on le soutienne. Elle n’aurait pas voulu que sa fille unique prenne de tels risques. Elle tenait à toi plus qu’à n’importe quoi d’autre sur cette terre, tu le sais bien.

— Je m’en remets à la volonté des dieux, répondit Dagmar en prenant son épée, avant de s’adonner au second rituel qu’elle effectuait toujours avant une bataille : se tresser les cheveux pour qu’ils ressemblent à des serpents ondulant sur ses épaules. Peut-être que les hommes de Dubh Linn nous rendront service, après tout. Olafr laisse souvent son flanc gauche exposé, au combat.

Le vieil Alf soupira.

— Fais-moi plaisir, Dagmar : garde un œil sur lui. Tu risques de te retrouver face à plus d’un ennemi, aujourd’hui.

— J’ai toujours su prendre soin de moi depuis mes dix ans.

Elle se leva, plus déterminée que jamais. Après la naissance du fils de sa belle-mère, on avait essayé de la tuer pour la première fois en empoisonnant un ragoût que son chien avait mangé à sa place. Au final, un serviteur avait tout avoué et Helga avait renvoyé la langue et les oreilles de l’homme à Kolbeinn. Hélas, les tentatives d’assassinat ne s’étaient pas arrêtées là. Trop d’hommes s’étaient laissé aveugler par la promesse de toucher une récompense de la part de la belle-mère de Dagmar s’ils tuaient la seule rivale de son fils.

— Peut-être devrais-tu penser à nouer une nouvelle alliance, suggéra Alf, à te marier à un guerrier de confiance capable de décourager Olafr.

Dagmar donna un rapide coup dans le vide avec son épée qui trancha l’air dans un sifflement menaçant.

— Je n’ai pas besoin qu’un autre guerrier me protège d’Olafr. Mon bras est assez fort pour cela.

Soudain, comme s’il l’avait entendue, Olafr cria depuis l’extérieur :

— Dagmar ! Quelqu’un vous demande !

Elle ravala la réplique cinglante qui lui monta à la gorge et sortit de la tente pour se retrouver face à un homme de haute taille, aux cheveux châtain foncé et aux yeux bleu-vert — le genre d’homme capable de faire fondre la volonté de toute femme et qui avait conscience de son pouvoir… Le genre d’homme qui appréciait d’avoir une amante charnue dans son lit et qui serait dégoûté par le peu d’appâts que Dagmar cachait sous la bande qui lui comprimait la poitrine.

Un rapide coup d’œil sur ses vêtements suffit à lui apprendre qu’il ne venait pas du Nord. Un chien-loup se tenait à ses côtés. C’était un Gael. Dagmar remarqua soudain l’épée ceinte à sa taille — la poignée de l’arme ressemblait étrangement à l’une de celles de son père dont elle se souvenait encore.

— Qui me demande ? lança-t-elle froidement, agacée d’avoir passé trop de temps à admirer l’étranger et ses larges épaules.

— Ah, vous voilà, Dagmar ! s’écria Olafr avec un sourire mauvais. Vous êtes si pressée de vous battre que je pensais vous trouver déjà sur le champ de bataille…

Dagmar ignora sa moquerie. Le jour de son premier combat, elle était partie en avance pendant que sa mère avait été retardée à cause d’un bouclier fendu, et son initiative leur avait permis de prendre leurs ennemis par surprise. Mais Olafr n’avait pas été témoin de cela : à l’époque, il ne faisait pas encore partie du felag. Helga avait trouvé l’aventure si amusante qu’elle l’avait souvent répétée, grossissant le trait à chaque fois.

Seulement, quand Olafr la racontait, il s’arrangeait toujours pour lui faire endosser le rôle d’une jeune fille gâtée et naïve plutôt que celui d’une guerrière qui avait su prendre la bonne décision pour retourner la situation à son avantage…

— Un visiteur ? Juste avant la bataille ? demanda-t-elle en tapotant sa lame contre sa paume.

— Oh ! ma jolie, murmura Olafr en lui lançant un nouveau sourire aigre.

Dagmar le fit taire d’un geste impérieux.

— Ma mère m’a nommée à la tête de sa troupe. J’aurais dû être prévenue dès l’arrivée d’un étranger dans notre camp.

— Vous arrivez toujours à la mauvaise conclusion faute d’écouter les gens, répondit Olafr, de plus en plus souriant. C’est moi qui vous ai amené cet homme. Est-ce ma faute s’il m’a rencontré en premier à son arrivée ? Si c’est le cas, je vous demande pardon. Je tournerai le dos à tous les autres messagers qui se présenteront. Non, je leur dirai plutôt que je ne suis qu’un humble serviteur incapable de les conseiller…

— Vous êtes beaucoup de choses, Olafr, mais certainement pas humble !

— Je sais ce que je vaux, c’est tout, répliqua-t-il en se redressant fièrement. Votre mère avait su le voir, comme tant d’autres, Dagmar la Guerrière Aveugle.

Dagmar se demanda un instant si elle n’était pas tombée dans l’un de ses pièges. En dépit de tous ses défauts, Olafr était un bon guerrier. Sa mère avait patiemment écouté ses conseils pendant les derniers mois de sa vie et elle avait supplié Dagmar de faire de même. Pourtant, il y avait quelque chose chez cet homme qui la faisait frissonner.

— Partez. Pourquoi restez-vous ici au lieu de préparer vos hommes comme je vous l’ai ordonné ?

— Cet homme, Aedan mac Connall, cherche à s’entretenir de toute urgence avec Dagmar Kolbeinndottar, reprit Olafr dans un salut moqueur. Est-ce que vous connaissez cette personne ou dois-je lui dire qu’elle n’est pas ici ?

Dagmar serra les dents. Si son père avait été mort, sa belle-mère n’aurait jamais envoyé un Gael pour la prévenir ; elle aurait envoyé un nouvel assassin pour s’assurer que son fils hérite de tous les biens de Kolbeinn au lieu de devoir les partager à parts égales avec elle comme l’exigeait la loi du Nord… Sa mère le lui avait répété sans cesse depuis la nuit où elles s’étaient enfuies avec le vieil Alf pour seule escorte. Sans doute pensait-elle que sa fille serait mieux préparée si elle savait ce qui l’attendait.

— Je n’ai pas de temps à perdre en devinettes ou en exécutions sommaires — ce qui est bien dommage. Les hommes doivent être prêts à se mettre en marche au son du cor.

Elle se tourna ensuite vers l’étranger et lança à voix haute, dans sa propre langue :

— Je vais conduire mes troupes à la victoire, Gael. Nous parlerons après.

Olafr la fixa de son exaspérant regard interrogateur.

— Vous devriez peut-être écouter cet homme avant de le tuer, à moins que vous ne teniez à mener une bataille que vous ne pouvez pas gagner. Permettez-moi de vous le dire, Dagmar, vous devenez plus impulsive de jour en jour.

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** Extrait offert par Michelle Styles **

Prologue

An 865 — Bjorgvinfjord (actuel Bergen), sur la côte ouest de Viken, Norvège.

— Vous pourriez au moins m’accorder la victoire : c’est mon dixième anniversaire !

Dagmar Kolbeinndottar se campa devant le meilleur ami de son père.

— Cela pourrait être votre cadeau, dire à mes parents à quel point je me suis améliorée au maniement de l’épée. Qu’en pensez-vous ?

Dagmar ponctua sa proposition d’un grand sourire et battit des paupières, consciente qu’elle n’était pas encore très douée pour le combat. De toute manière, elle ne le serait sans doute jamais. Depuis toujours, elle préférait jouer avec ses poupées ou apprendre à tisser que s’entraîner dans la cour poussiéreuse avec son épée de bois. Sa nourrice lui répétait sans cesse qu’elle ne comprenait pas comment son père, l’un des guerriers les plus redoutés du pays, et sa mère, légendaire combattante, avaient pu engendrer une enfant comme elle, incapable d’apprendre à se battre convenablement.

Aujourd’hui, son père rentrait après une longue absence et Dagmar tenait à lui montrer les progrès qu’elle avait faits. Elle voulait lui prouver qu’elle méritait de porter la robe bleue des jeunes femmes, celle qu’il avait promis de lui acheter pour ses dix ans si elle s’entraînait dur.

— Si je faisais une chose pareille, ta mère se servirait de mes entrailles comme d’une corde à arc, répondit le vieil Alf avec une grimace. Et je tiens beaucoup à ces entrailles, petite : je n’en ai pas de rechange…

Dagmar redressa le menton, bien décidée à ne pas abandonner aussi facilement.

— Ma mère vous aime trop pour vous faire du mal. Elle a besoin de vous, maintenant que mon père s’absente plus souvent. Vous avez de la valeur pour elle, un peu comme une gemme précieuse quand les autres hommes ne sont que du charbon…

Le vieil Alf lâcha un gros éclat de rire — et envoya au sol l’épée de Dagmar pour la quatrième fois de la matinée.

— Tu serais plus douée si tu passais ton temps à t’entraîner, au lieu de chercher des excuses et de me flatter comme cela. Les dieux n’apprécient pas ceux qui baissent les bras…

— Je suis distraite, c’est tout, répondit Dagmar, la gorge nouée. J’ai encore entendu ma mère pleurer, cette nuit.

Le visage du vieil homme se fit plus sombre.

— Kolbeinn devrait bientôt être là pour sécher les larmes d’Helga.

— Oui, tout ira mieux quand mon père rentrera.

Dagmar fit de son mieux pour garder la tête haute.

— Il sera de retour à temps pour mon anniversaire, vous verrez ! Il a promis de m’offrir une vraie robe avec un tablier et des broches… si j’obéis à ma mère et si je prends bien mes leçons. Il tiendra sa promesse, n’est-ce pas ?

— Je ne peux pas te dire où il a la tête en ce moment, petite.

— Sur les épaules, j’imagine, répondit Dagmar avec un petit rire nerveux.

Son père était vivant. Tout le monde le savait. Certains de ses hommes étaient rentrés au village mais, pour la première fois, Kolbeinn n’avait pas été le premier à mettre pied à terre. Il n’avait même pas été à bord du bateau. Il était resté à Kaupang « pour régler une affaire importante », lui avait dit sa mère quand Dagmar lui avait posé la question. Sa réponse avait été glaciale — un peu trop, d’ailleurs…

— Ta mère a beaucoup de soucis, tu sais, mais personne ne naît guerrier accompli, pas même elle. Tu apprendras à être aussi douée qu’elle, Dagmar, si tu te concentres sur ton entraînement au lieu de te perdre dans tes rêveries. Allons. Tu veux bien essayer encore une fois, pour faire plaisir à ton vieil ami ?

Dagmar acquiesça et ramassa son épée. Le vieil Alf avait toujours eu foi en elle. Si seulement elle parvenait à maîtriser le mouvement qu’il tentait de lui apprendre avant le retour de son père, tout rentrerait dans l’ordre.

Avant même qu’elle ait pu lever son arme, l’une des sentinelles cria :

— Le bateau du jaarl1 Kolbeinn arrive !

Dagmar lâcha son épée, le cœur en fête.

— Mon père tient toujours ses promesses, je le savais ! s’écria-t-elle. Il m’apporte ma robe et il rendra le sourire à ma mère !

Un souffle de vent soudain chassa les cheveux grisonnants du visage du vieil Alf.

— Oui, petite. Espérons simplement qu’il ait écouté la voix de la raison…

La mère de Dagmar passa soudain devant eux, sans même un regard pour celle-ci. Elle n’avait jamais été aussi belle : sa robe rouge sombre brodée d’or et la cape de fourrure qu’elle avait passée sur ses épaules mettaient son teint en valeur. Cependant, ses yeux brillaient plus que d’habitude et ses lèvres restaient pincées, comme si elle s’apprêtait à partir au combat et non à accueillir son époux.

Dagmar se précipita derrière elle pour la rattraper.

— Le vieil Alf dit que je serai bientôt aussi douée que vous.

C’était un peu exagéré, mais elle était prête à tout pour faire sourire sa mère. Cette dernière lui posa une main sur l’épaule, sans pour autant paraître plus heureuse.

— Je suis ravie que tu veuilles progresser.

— Je veux vous rendre fière. Je veux devenir comme vous, murmura Dagmar.

— Tu es si bonne et si gentille, ma fille. Tu es la lumière de ma vie…

Surprise par ce compliment inhabituel, Dagmar se réjouit comme on peut se réjouir du retour du soleil après un long hiver.

— C’est mon anniversaire, aujourd’hui.

— Nous allons préparer une fête pour le célébrer, mais d’abord nous devons accueillir ton père.

Quand Kolbeinn mit pied à terre, il salua sa mère d’une manière étrangement formelle. Cette dernière quant à elle ne le prit pas dans ses bras. Dagmar les dévisagea, troublée. Elle ne comprendrait jamais les adultes ! Tout le monde savait que ses parents s’aimaient tendrement — les scaldes2 chantaient leur amour et racontaient comment son père avait vaincu des géants de glace pour conquérir son épouse. Dagmar ne se lassait jamais de cette histoire… C’était uniquement pour l’entendre qu’elle s’attardait à chaque festin.

— Tu es rentré, dit Helga d’une voix aussi froide que celle des géants.

— J’ai promis à Dagmar que je reviendrais pour son anniversaire, répondit Kolbeinn encore plus froidement.

Dagmar n’en pouvait plus d’attendre et s’interposa entre eux.

— Est-ce que vous avez apporté ma robe ? J’ai travaillé très dur : demandez au vieil Alf, il vous le dira. Un jour, je serai une grande guerrière, comme ma mère !

Son père s’accroupit face à elle et posa doucement les mains sur ses épaules.

— Je t’ai apporté encore mieux. J’amène une femme qui saura t’apprendre à agir en vraie dame. N’est-ce pas ce que tu désires, ma fille ? Rendre ton père fier de toi ?

Dagmar sentit sa mère se crisper dans son dos. Elle leva alors les yeux et vit descendre du bateau une femme brune aux yeux de chat et au ventre très rond.

— Tu dois être Dagmar, dit-elle avec un sourire. Ton père m’a beaucoup parlé de toi. Je suis sûre que nous deviendrons vite amies.

— Tu l’as amenée ici ? Aujourd’hui ? s’écria Helga, faisant sursauter sa fille.

— Calme-toi, femme, répondit Kolbeinn d’un air vaguement embarrassé. C’est elle qui voulait venir. J’ai besoin d’enfants, tu comprends ?

— Tu as déjà un enfant : notre fille !

— Une fille, ce n’est pas la même chose que des garçons, intervint la femme enceinte en prenant le bras de Kolbeinn pour s’appuyer contre lui comme s’ils étaient intimes.

Dagmar aurait voulu lui arracher les yeux pour lui faire payer son insolence. Son père appartenait déjà à une autre femme — sa mère !

Pourtant, ce dernier ne parut pas choqué par le geste de l’étrangère. Au contraire, il sourit et posa sa grosse main sur son ventre rebondi.

— Toi, tu comprends, murmura-t-il à la femme avec l’un de ses sourires les plus chaleureux.

— Je vois, lança Helga. Tu as fait ton choix et j’ai fait le mien.

Sur ce, elle arracha sa belle robe. Dessous, elle portait un pantalon et une tunique, ses vêtements de guerrière qu’elle gardait précieusement dans un coffre en attendant de les offrir à sa fille pour ses quatorze ans.

Une main de glace étreignit soudain le cœur de Dagmar. De toute évidence, sa mère avait su depuis longtemps ce qui se passait entre son père et cette nouvelle femme.

— Mère ? balbutia Dagmar. Que se passe-t-il ?

— Nous partons, ma fille, répondit celle-ci en posant une main ferme sur son épaule. Je refuse de rester dans une demeure où je ne suis plus la bienvenue. Je divorce, Kolbeinn, ici, devant tout le monde. Je vais prendre avec moi ma fille et mes guerriers pour me bâtir une nouvelle vie ailleurs.

En un éclair, le visage de Kolbeinn s’assombrit. Il se campa devant Helga.

— Dagmar reste ici. Ma fille m’appartient.

Helga le poussa violemment, et il manqua de tomber en arrière.

— Hors de mon chemin, misérable ver ! Dagmar me suivra où que j’aille.

— Tu peux prendre avec toi tout homme qui désirera faire vœu d’allégeance à une guerrière médiocre et vieillissante comme toi, mais notre fille restera ici !

— Pourquoi ? aboya Helga. Pour qu’elle devienne la servante de ta dernière conquête ? Je sais ce que c’est ! J’ai vécu cela !

Sa voix puissante et implacable résonnait dans tout le fjord.

— Ma fille ne sera jamais reléguée à la seconde place. Elle vaut dix des fils que tu pourras avoir !

Dagmar croisa les bras et se campa près de sa mère. Cette dernière ne l’abandonnerait jamais et son père voulait la garder. Peut-être que ses parents pourraient trouver un arrangement, une fois leur dispute calmée. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’affrontaient ainsi.

Les joues de Kolbeinn virèrent soudain au rouge.

— J’ai la loi pour moi. Ma fille m’appartient et j’en disposerai comme je l’entends.

Helga tira alors son épée et en frappa le sol.

— Dans ce cas, je te défie. Tu vas voir si je suis si médiocre, espèce de sac d’air arrogant !

— Tu me défies pour quoi ?

— Pour le droit d’élever ma fille comme je le désire.

Kolbeinn cracha dans sa paume et la lui tendit.

— Je relève le défi. Je suis capable de te battre, même avec une main attachée dans le dos.

— Non, Kolbeinn, non ! Ne fais pas cela ! Cette sorcière va te jouer un mauvais tour ! s’écria l’étrangère en s’agrippant au bras de ce dernier.

Elle frotta son gros ventre contre lui.

— Songe à mon rêve… Tu engendreras de nombreux rois. Notre fils à naître et moi avons besoin d’un protecteur puissant.

Dagmar fut saisie de nausées. Son père allait se battre pour elle, non ? Elle avait souvent vu ses parents s’entraîner ensemble : à un moment ou à un autre, ils éclateraient de rire et comprendraient qu’ils s’aimaient encore. Cette femme et son ventre boursouflé par le bébé qu’elle attendait n’arriveraient jamais à la cheville de sa mère.

— Chut, ma douce, lui répondit son père. Je suis un jaarl important, maintenant. J’ai des responsabilités.

Helga lâcha un hoquet de dédain.

— Dans ce cas, choisis ton champion, Kolbeinn, couard que tu es, et je le combattrai. Je protégerai ma fille aussi longtemps que je respire. Je lui bâtirai une nouvelle vie loin de toi.

— Si tu fais cela, Helga, tu partiras seulement avec les vêtements que tu portes au lieu d’emporter des bateaux. Je dois songer aux besoins de ma famille qui s’agrandit, maintenant.

Dagmar serra les poings. Son père voulait voler à sa mère ce qu’elle avait bâti pendant toute sa vie ! C’était cette femme… Elle seule avait pu lui souffler une idée aussi ignoble…

— Ma mère a apporté quinze drakkars quand elle vous a épousé — tous les scaldes le disent. Elle a bâti ce felag tout autant que vous. Avez-vous oublié tout cela si vite, père ?

— Tu ne devrais pas croire tout ce que les scaldes racontent, coupa la femme en jetant sur Dagmar un regard de haine. Mais si tu quittes ton père, je te prédis une existence miséreuse jusqu’à la fin de tes jours.

Effrayée, Dagmar recula vers sa mère.

— Tais-toi, Dagmar. Tu es le trésor de ma vie et, à mes yeux, tu vaux plus que l’or ou la terre, murmura Helga avant de tendre la main à Kolbeinn. J’accepte de te combattre. Ma fille est plus précieuse que tout ce que ce monde peut offrir et elle aura un destin glorieux. Elle deviendra la plus grande guerrière de tous les temps.

Helga et le champion de Kolbeinn se mirent alors en place pour se battre, sous les yeux horrifiés de la fillette. Tout ce qu’elle avait désiré, c’était une robe bleue pour son anniversaire… et voilà ce qui arrivait : elle venait en quelques minutes de perdre sa famille et sa maison, le seul endroit au monde où elle se savait en sécurité. Puisque son père ne se souciait pas d’elle, elle allait devoir trouver un moyen de rendre sa mère fière. Elle allait trouver un moyen de lui offrir un nouveau foyer.

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