Contes et légendes de l'amour

Jadis vivait, dans les hautes montagnes du Tibet, une fille de roi nommée Dénid. Or cette princesse, depuis son plus jeune âge, était affligée d’une étrange tristesse. Indifférente à ce qui l’entourait, elle ne parlait ni ne souriait jamais. En vain avait-on appelé à son chevet les plus grands médecins du royaume : en dépit des soins, des potions, des remèdes et des incantations, elle demeurait enfermée en elle-même comme dans une grotte obscure.

En désespoir de cause, le roi, son père, décréta qu’il la donnerait pour femme à qui saurait la distraire.

Comme Dénid était fort belle, des princes en âge de convoler accoururent des quatre horizons, suivis de leurs escortes. Bravant ravins, abîmes et neiges éternelles, mers et océans, ouragans et tempêtes, il en vint de Chine, de Cochinchine, d’Inde, du Japon. À dos d’éléphants, de chevaux ou d’esclaves, l’on vit bientôt ces jeunes seigneurs déployer, afin de dérider la princesse, des trésors d’imagination. Tel, dont la voix était réputée, chantait en s’accompagnant de curieux instruments ; tel autre contait de surprenantes légendes ; tel autre, encore, faisait mille pitreries de saltimbanque dont la moindre eût mis un croque-mort en joie. Celui-ci dansait à ravir, celui-là tenait des propos palpitants, ce troisième excellait dans l’art de dire des fables…

Mais aucun d’eux, quel que fût son talent, n’arracha Dénid à ses limbes intimes.