Extraits

Il ne cessait de tortiller son bouc en se demandant si l'insensibilité de Lee à l'influence des cornes pouvait venir de là, tout simplement, si la croix de Merrin coupait l'effet des cornes, ou l'atténuait considérablement. Les croix éloignaient bien les vampires, non ?

Une porte battante menant à la cuisine s'ouvrit sur une serveuse qui passa brusquement d'un espace carrelé de blanc et brillamment éclairé par des néons à la pénombre. Munie d’une bouteille de détergent et d’un essuie-tout, elle traversa la salle d'un pas décidé en se dirigeant droit sur lui.

C'était celle qui les avait servis, Merrin et lui, durant leur dernière soirée ensemble. Son visage encadré par deux mèches de cheveux noirs qui soulignaient son long menton pointu rappelait en féminin celui du sorcier qui menait toujours la vie dure à Harry Potter dans les films. Le professeur Snail, ou un truc de ce genre. Dans une autre vie, Ig avait rêvé des bons moments qu’il passerait à lire les aventures d’Harry Potter avec les enfants que Merrin et lui auraient ensemble.

Il avait fait de son mieux pour mettre au point un joli petit meurtre pas compliqué, et maintenant tout partait en fumée. Peut-être que c'était toujours comme ça. Peut-être que tous les beaux plans conçus par le diable n'étaient rien comparés à ce que les hommes pouvaient inventer.

Seul le diable veut que l'homme dispose d'un large choix de tenues de style léger, confortable, murmura-t-il enfin en essayant d'édicter un nouveau proverbe. Exception faite du polyester. Sur cette question, Satan et le Seigneur sont d'accord.

Seul le diable aime les hommes pour ce qu'ils sont et se délecte de la fourberie avec laquelle ils s'abusent eux-mêmes, leur curiosité éhontée, leur manque de maîtrise, leur tendance à enfreindre les règles sitôt qu'elles sont édictées, leur volonté de renoncer à leur âme immortelle pour une bonne partie de jambes en l'air. Car seuls ceux qui ont le courage de risquer leur âme par amour ont le droit d'en avoir une, et cela le diable le sait, contrairement à Dieu.

Je ne prétends pas que Dieu est mort. Non, Il est bien vivant, mais Il n'est pas en position d'offrir le salut, étant damné Lui-même pour Sa criminelle indifférence. Il s'est perdu dès lors qu'Il a exigé fidélité et vénération avant d'offrir Sa protection. Un marché de dupes, typique d'un gangster

Des images étaient scotchées sur le tableau de bord. Il y avait la reproduction d'un tableau: Jésus avec sa barbe et ses cheveux dorés rejetés en arrière, levant les yeux vers le ciel d'un air inspiré, tandis que des rayons de lumière traversaient les nuages derrière lui. "Heureux les éplorés, car ils seront consolés", disait la légende. Scotchée juste à côté, il y avait une photo de Merrin à dix ans, campée derrière son père sur une moto. [...] Une jolie jeune femme aux cheveux auburn était debout derrière la moto, une main posée sur le casque de Merrin, souriant à l'objectif. [...] ce devait être sa soeur, qui était morte quand ils habitaient à Rhode Island. Deux filles, disparues toutes les deux. Heureux les éplorés, car quand ils essaieront de se relever, ils recevront des coups de pieds dans les couilles.

Au pied de l'arbre, quelqu'un, sans doute la mère de Merrin, avait planté une croix ornée de roses en nylon jaune, à côté d'une Vierge en plastique qui souriait avec l'air béat et extatique d'un idiot.

Ce sourire affecté lui était insupportable. Tout comme cette croix, fichée au lieu même où Merrin était morte après s'être vidée de son sang, le crâne fracassé. Une croix ornée de roses jaunes... Quelle chierie. C'était d'aussi bon goût qu'une chaise électrique tapissée d'un imprimé à fleurs.

C'est ton tour, déclara Ig. Déballe-moi ce truc abominable que tu gardais pour toi.

ça me concerne sûrement. Vas-y, qu'on en finisse.

[...]l ne fallait pas sous-estimer la faculté qu'ont les gens de s'abuser eux-mêmes en travestissant leurs propres désirs.