Cuba, l'arme secrète

Prologue

Il avait des cheveux blancs, coupés court, et sa peau était très bronzée. Il ne portait que des sandales, un short et une chemise usée jusqu’à la corde, où trois boutons manquaient, qui flottait sur son grand corps osseux. Son short, beaucoup trop large pour lui, tenait avec une ficelle autour de sa taille. Ses yeux noirs brillants étaient en perpétuel mouvement derrière ses lunettes à monture d’acier, posées sur son gros nez charnu.

Marcher entre la maison et la grange l’avait essoufflé. Il s’assit un moment sur une pierre, à l’ombre des palmiers, et il contempla les montagnes d’un bleu transparent sur l’horizon et, au-dessus, les nuages floconneux chassés par les alizés.

Il n’aurait pas pu trouver de plus bel endroit pour passer sa vie, pensa-t-il une fois encore. Il adorait ce panorama, cette sérénité, cette paix. À son arrivée ici, dans sa jeunesse, il avait compris qu’il avait découvert le paradis. À vingt-six ans, rien ne l’avait préparé à ces couleurs pastel, à cette chaleur et cette luminosité du soleil, aux baisers de cette brise éternelle, aux parfums de ces fleurs des Tropiques qui l’emplissaient et caressaient son âme…

Cuba était tout le contraire de la Russie. Lui qui avait vécu son enfance en Sibérie, il avait eu envie d’embrasser la terre de cette île, à la seconde même où il avait débarqué. À vrai dire, il l’avait souvent fait, par la suite – chaque fois qu’il avait trop bu. Il picolait beaucoup à cette époque, bien des années auparavant, dans sa jeunesse.