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Elle s'est trompée. Ils l'ont prolongé sans le soulager. Ils l'ont regonflé pour le torturer. Il allait s'éteindre, ils lui ont rendu la souffrance à coups de perfusions et de réhydratation. Il a remarché, il s'est relevé pour assister à sa déchéance et son humiliation. Ils lui ont rendu la capacité de souffrir alors qu'il allait sombrer dans le coma sans râle, dans l'amnésie de son être.
Afficher en entierBarbarie du dictat de l'acharnement : on te prolongera, on t'empêchera de partir, on t'arrachera aux crocs de la mort pour que tu profites davantage de ta souffrance jusqu'au bout de ta putain de vie ; tu saigneras sur le gril, strié de fers rouges et de déchirures internes, d’œdèmes, d'escarres, de métastases et de ganglions qui danseront dans la cage de ton corps sur les aiguilles de ta fouleur à vif, à même de matelas.
Afficher en entierOn avait pouvoir à s'acharner sur un corps jusqu'à le rendre objet mais on n'avait pas vocation à le délivrer pour lui rendre son humanité.
Afficher en entierIl fallait d'abord le regonfler, le réhydrater, le stimuler, le perfuser, le le le le... l'empêcher de mourir naturellement.
[…]
Au moment où le père allait disparaître, au moment où ses ancêtres allaient en étendre la bougie de vent de leur sagesse, au moment où la fille allait le porter jusqu'à son train de rêves ouatés, au moment où elle allait lui raconter l'histoire qui l'endormirait, se dressait l'implacable serment, guérir, guérir, tenter de guérir à tout prix, même de la mort dont la nature avait choisi l'instant et dont la médecine décidait l'ajournement.
Afficher en entierPauvre père, pauvre mère tombés entre les griffes de l'a priori, du jugement, de la démence des bourreaux et de la souffrance ! Au nom de Dieu. De quel dieu ? Les monstres affublent les dieux de leur propre fureur, les anges les parent d'altruisme et de décence.
Afficher en entierLes poumons se sont ouverts sur le jour teinté du gris des rideaux tirés, biffure sur la parenthèse religieuse, sur l'intrusion morbide, sur l'anachronisme, l'obscurantisme, l'acharnement thérapeutique, la négation du droit à la mort, le non-respect de la personne humaine et de sa dignité.
Afficher en entierOn ferme les yeux des défunts à l'instant où ils s'éteignent, comme les étoiles meurent d'avoir trop scintillé ; on oublie de leur refermer la mâchoire et les dents de l'ombre mordent les vivants au cœur de l'angoisse.
Afficher en entier« Nous n'attendons personne.
– Je vous apporte Dieu.
– Mon père n'a pas demandé à le recevoir.
– Je vous apporte le réconfort. »
La fille a éteint la lumière.
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