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_Ouille ! Ouille ! fit Guillot, en densant d'un pied sur l'autre, sans sandales, sur les pierres brûlantes. Un moine qui se brûle cruellement la plante des pieds, qui s'en soucie ?
_Qui, en effet ? railla Ugolin. Ton Église te fera peut-être saint. Offres tes souffrances pour le pardon de tes péchés, gros paillard.
Afficher en entierDepuis ma résurrection, la Vérité m'avait défini tout entier. Je n'avait existé que par et pour elle. Elle m'avait façonné, sculpté, créé, comme les artistes l'avaient fait pour ces fresques qui n'attendaient que moi.
Afficher en entierExil
Quitter Toulouse fut l'une des choses les plus difficiles que je fis de toute ma vile existence. Je devais laisser derrière : seul endroit où j'avais été un tant soit peu à ma place et abandonner plusieurs de ceux qui m'étaient devenus chers. J'avais le sentiment de m'exiler, pour autant qu'un damné destiné à errer seul parmi les hommes puisse prétendre s'enraciner quelque part. Sans que je m'en aperçoive, le Sud tout entier s'était insinué en moi. Mais je n'avais droit à rien de tout cela.
Je m'éloignais d'abord de la dépouille de Bertrand de Montbard, cet homme qui avait donné un sens à ma vie, allant jusqu'à sacrifier la sienne pour permettre la perpétuation de ma quête. Pour la première fois depuis mes quatorze ans, il ne serait plus présent à mes côtés. Son absence laisserait un vide profond. Je tournais aussi le dos aux vivants. Par leur courage et leur intégrité, le comte de Foix et son fils, Roger Bernard, avaient gagné à jamais mon estime et ma loyauté. J'espérais en mériter autant de leur part. J'avais conscience que, pour eux, la bataille approchait et qu'ils risquaient d'y laisser leur vie sans que je sois là pour leur porter secours.
Par-dessus tout, je devais renoncer à ma tendre Cécile, la seule femme pour laquelle je m'étais autorisé à éprouver des sentiments plus nobles que le bas désir charnel. En franchissant les murailles de la cité, je renonçais à un avenir auquel j'avais eu la folie de croire, l'espace d'un instant, mais qui m'était interdit. Que je le veuille ou non, ma vie ne m'était que prêtée et elle était ma prison. La seule chose qui restait à déterminer était de savoir si je passerais l'éternité en enfer ou au paradis. Dans un cas comme dans l'autre, le bonheur terrestre n'était pas pour moi.
Point n'est besoin d'ajouter que j'avais le cœur lourd en quittant Toulouse. Plus que jamais, je ressentais ma damnation.
Après que Cécile et Roger Bernard eurent quitté l'étable, je restai longtemps les bras ballants, incapable de la moindre initiative. J'avais cruellement conscience que ma seule chance d'être heureux venait de disparaître et je me sentais vide.
Une main se posa sur mon épaule.
- Tu n'es pas obligé de partir, tu sais, Gondemar, dit doucement Pernelle, qui était venue me retrouver. Tu l'aimes et elle t'aime tout autant. Elle te rend aussi heureux qu'un homme comme toi peut l'être. Je ne te blâmerai pas si tu décides de rester avec elle. Dieu ne donne pas d'ordres. Il offre des choix.
- Dans ton cas, peut-être, murmurai-je, mais pas dans le mien.
- Alors, ne reste pas là, mon pauvre ami. Sinon, ton cœur va devenir si lourd que tu ne pourras plus bouger.
Je hochai tristement la tête. Elle avait raison, évidemment. On ne m'avait pas rendu la vie pour que je me complaise dans mes tourments. Je me frottai énergiquement le visage et secouai la tête. Il était temps de passer à la suite des choses.
Afficher en entierDes cris attirèrent mon attention. Deux soldats sortaient d'une maison en tirant violemment une femme par les cheveux et par les manches de sa robe. Un autre avait chargé son enfant sur son épaule et le transportait comme un vulgaire sac de farine. Un peu partout, la même chose se produisit. Interdit, je m'immobilisai et tentai de comprendre se que je voyais.La femme fut menée avec les autres et jetée à terre. Son enfant subit le même sort et atterrit rudement dans la neige. Peu à peu, tous les villageois furent regroupés.
je remarquai, à l'écart de la place, un tas de bois qu'on avait accumulé en mon absence. Des bûches empilées transversalement sur plusieurs rangs, avec de la paille et des branchages entre chaque.Au centre s'élevait un poteau. Un bûcher. Devant se tenaient brun et Guillot, les deux moines que j'avais vu le matin, l'air sévère et plein d'eux-mêmes.
Chacun tenait une bible serrée contre sa poitrine.
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