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Extrait

Extrait ajouté par Paraffine 2021-02-27T18:07:37+01:00

Condamné

De tous les jours que Dieu et Métatron m'avaient accordés après mon séjour parmi les damnés, le huitième de mars de l'An du martyre de Jésus 1212 fut le plus sombre. Je quittais Gisors vaincu et condamné. Je me sentais brisé. Mon échec était total. Sous peu, je serais stigmatisé comme un traître. Mon nom serait à jamais honni parmi les Neuf, chez les cathares et même dans le royaume de Dieu. Je me dirigeais vers Carcassonne, mais aussi vers l'enfer. Une éternité de tourment m'attendait et Métatron s'en réjouirait à satiété. Au fond, il avait toujours su que je ne serais pas à la hauteur de la mission qu'il m'avait confiée. Il connaissait ma nature profonde mieux que quiconque. Il me savait faillible et vulnérable. En m'affligeant d'une conscience, il m'avait donné l'instrument de mon salut ou de ma déchéance. Il me revenait d'en user librement et de faire mes propres choix en acceptant leurs conséquences. L'un de ces choix avait été la vie de Cécile. Et le résultat en serait ma damnation éternelle.

À cheval sur Sauvage, je passai les deux premiers jours du voyage dans un état second. Mon attention se reportait sans cesse sur ma senestre redevenue inutile sans les lames créées par le forgeron de Mondenard. Sa chair était à l'image de mon âme : desséchée et flétrie.

En quittant Toulouse pour Gisors, où j'espérais retrouver la seconde part de la Vérité, j'avais volontairement laissé Cécile à l'écart, croyant la protéger. Dans mon coeur, l'espoir et le chagrin s'étaient fait une place. Porteur des instructions cueillies au dernier souffle de la mendiante, j'avais chevauché avec Pernelle et Ugolin, trop fidèles pour me laisser partir seul. En chemin, l'Ignis sacer avait presque eu ma peau. Je m'en étais tiré avec une senestre infirme, mais même cela n'avait pas entamé ma détermination, nourrie par le sentiment d'approcher de la conclusion de ma quête, par l'espoir du salut de mon âme et même la possibilité d'une vie normale.

Incognito, je m'étais joint à un convoi de croisés de retour du Sud et, en me faisant passer pour l'un d'eux, je m'étais dirigé vers Gisors. Mon chemin avait croisé celui de Jaume et celui du fils de mon pire ennemi. Croyant que son père l'envoyait prendre livraison de la seconde part de la Vérité, j'avais espéré tirer parti de la situation et m'étais donc retrouvé garde du corps de Guy de Montfort. J'avais établi avec lui une relation d'intimité et attendu qu'on lui livre les documents pour m'en emparer et fuir. Contre toute attente, la piste menait plutôt vers les Neuf du Nord. Enfin, c'est ce que j'avais cru. Une fois de plus, ma naïveté et mon orgueil m'avaient aveuglé.

Avec l'aide d'Alain de Pierrepont, de Lambert de Thury et du moine Guillot, dont aucun n'était ce qu'il prétendait, Pernelle, Ugolin et moi étions parvenus à retrouver la seconde part, cachée dans une chapelle souterraine aménagée jadis par les familles fondatrices. Au-delà des nombreux dangers évités de justesse, grâce à l'intelligence de mon amie et à l'érudition du moine, Spoiler(cliquez pour révéler)j'avais trouvé l'image de Ieschoua, imprégnée sur un tissu par je ne sais quelle sorcellerie. Les traces de sang et la posture du corps constituaient la preuve irréfutable qu'il était vivant lorsqu'on l'avait descendu de la croix. Ce simple linceul millénaire avait le pouvoir de détruire l'Église.

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