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Extrait ajouté par coco54 2011-10-22T09:17:18+02:00

- Je souffre, de même que tous ceux qui m'aiment, parce que tu es damné. Pour toujours. Par ma faute. Il grimaça comme si elle venait de le frapper.

- Tu veux rentrer chez toi, dit-il.

- Je veux partir, exigea-t-elle en donnant des coups de pied dans le sable. Je veux que tu me raccompagnes, quoi que tu aies fait pour m'impliquer dans tout cela. Je souhaite juste mener une vie normale, rompre avec des garçons normaux à cause d'un grille-pain et non pas à cause des secrets surnaturels de l'univers dont tu ne daignes même pas me parler.

- Attends, répondit Daniel, soudain blême et les épaules crispées.

Ses mains tremblaient. Même ses ailes avaient perdu de leur superbe. Luce eut envie de les toucher, comme si elle pensait qu'elles lui diraient si la douleur qu'elle lisait dans le regard de Daniel était réelle. Mais elle ne recula pas.

- On est en train de rompre, là? s'enquit Daniel à voix basse.

- Est-ce qu'on est vraiment ensemble ?

Il se leva et prit le visage de la jeune fille entre ses mains. Elle n'eut pas le temps de l'éviter et sentit toute chaleur quitter ses joues. Elle ferma les yeux et tenta de résister à la puissance magnétique de son contact, mais il était trop fort... Il effaça la colère de Luce, réduisant en lambeaux toute son identité. Qui était-elle, sans lui ? Pourquoi son attirance envers Daniel anéantissait-elle toujours ses réticences? Raison, instinct de survie : aucun sentiment n'était de taille à lutter. Cela faisait sans doute partie du châtiment de Daniel. Simple marionnette entre ses mains, elle était liée à lui à jamais. Elle savait qu'elle ne devait pas le désirer de tout son être, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Le regarder, sentir ses mains sur elle... Rien d'autre n'existait, alors. Pourquoi était-il aussi dur d'aimer Daniel ?

- C'est quoi, cette histoire de grille-pain? Tu veux un grille-pain? murmura-t-il à son oreille.

- Je ne sais pas ce que je veux...

- Moi si, lui assura-t-il en soutenant son regard. Je te veux.

- Je sais, mais...

- Rien ne pourra me dissuader, quoi qu’on te dise, quoi qu'il arrive.

- Mais je veux plus que du désir. J'ai besoin qu'on soit ensemble, vraiment ensemble.

- On le sera bientôt, c'est promis. Cette situation n'est que temporaire.

- Tu me l'as déjà dit...

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Extrait ajouté par kats-at 2011-07-17T20:44:06+02:00

« - Je t'aime Luce. Au point que ça me fait mal.»

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Extrait ajouté par Nicdouille 2011-07-24T16:40:34+02:00

- Ce qui s'est passé ce soir doit rester entre nous, d'accord? déclara Cam. Et dorénavant sois sympa, reste sur le campus, où tu n'auras pas d'ennuis.

Elle s'éloigna du halo des phares de la fourgonnette volée pour gagner le bâtiment.

Cam se remit au volant. Avant de repartir, il baissa sa vitre.

- Au fait, il n'y a pas de quoi! railla-t-il.

Luce se retourna:

- Hein?

- Je viens de te sauver la vie..., répondit-il avant d'accélérer.

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Extrait ajouté par Jess-jess 2011-07-12T20:29:42+02:00

P 354.

Il se retourna vers elle. Son visage exprimait une terrible souffrance. Comme si Luce venait de lui arracher le coeur.

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Extrait ajouté par isane3 2012-04-15T18:33:23+02:00

[...]

(Luce & Daniel.)

- Il faut que j'y aille, annonça-t-il.

- C'est incroyable ! s'exclama-t-elle en se détournant. Tu débarques comme par enchantement, tu déclenches une dispute et tu t'en vas. C'est vraiment le grand amour !

Il la prit par les épaules et se mit à la secouer jusqu'à ce qu'elle consente à le regarder.

- C'est le grand amour, tu le sais bien, affirma-t-il avec une telle ferveur que Luce fut incapable de dire si elle était transportée ou si elle souffrait davantage.

Ses yeux scintillaient d'une lueur violette, non pas de colère mais d'un désir intense. Un regard qui vous fait aimer une personne si fort qu'elle vous manque même quand elle est là.

Daniel se pencha pour l'embrasser sur la joue mais, au bord des larmes et gênée, elle se détourna. Elle l'entendit soupirer, puis elle perçut son battement d'ailes.

Non.

Quand elle fit volte-face, Daniel filait dans le ciel, entre la lune et l'océan. Ses ailes blanches brillaient. Au bout de quelques instants, elle ne parvint plus à le distinguer des étoiles...

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Extrait ajouté par lostangel 2012-04-30T21:18:47+02:00

Il faut que je parte, dit il enfin. Je ne devrais meme pas être ici, mais je n'arrive pas a rester loin de toi. Je m'inquiète pour toi a tout moment. Je t'aime, Luce. Au point que ça me fait mal.

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Extrait ajouté par isane3 2012-04-15T18:42:59+02:00

(Luce & Daniel.)

- ça va ? murmura-t-il d'un voix douce, contre ses lèvres.

- Oui. Tu m'as retrouvée...

Elle percevait le mouvement régulier de ses ailes.

- Je serai toujours là pour te sauver si tu tombes.

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Extrait ajouté par lostangel 2012-04-30T21:20:07+02:00

- Tu veux savoir un truc sur les anges ? On est absolument parfaits, comme oreillers.

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Extrait ajouté par Xelenia 2012-03-29T13:33:14+02:00

Il l'embrassa comme jamais auparavant. Son long baiser parut ne jamais devoir s'arrêter. Les mains de Daniel errèrent sur tout son corps, de plus en plus curieuses et pressées d'explorer ses courbes. Elle se fondit contre lui tandis qu'il lui caressait les cuisses, les hanches, les épaules, pour mieux la faire sienne. Luce palpa ses muscles saillants sous sa chemise en coton, ses bras fermes, son cou, le creux de ses reins... Elle l'embrassa fébrilement sur la joue, les lèvres. Dans les nuages, les yeux de Daniel étaient plus pétillants que la plus belle des étoiles. Enfin, Luce se sentait à sa place.

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Extrait ajouté par chouchana79 2011-03-29T11:43:12+02:00

Prologue Vertiges

En eaux neutres

Les yeux aussi gris que le brouillard qui enveloppait la côte de Sausalito, tandis que la mer agitée venait mourir sur les galets, Daniel observait la baie. En cet instant, il n’y avait pas la moindre touche de violet dans son regard. Luce était trop loin de lui…

Il affronta la tempête, mais il avait beau resserrer les pans de son caban, c’était inutile : il avait toujours froid, après la chasse.

Une seule personne pouvait le réchauffer, ce jour-là, et elle était inaccessible. Il aurait tant voulu poser les lèvres sur le sommet de son crâne, comme il en avait coutume. Il se voyait l’enlacer, puis se pencher pour l’embrasser dans le cou. Cependant, il valait mieux que Luce ne soit pas là, car elle serait horrifiée par la scène qui se déroulait.

Derrière lui, les plaintes des otaries qui affluaient le long du littoral sud d’Angel Island exprimaient son sentiment de solitude absolue, sans personne aux alentours.

À part Cam.

Accroupi devant Daniel, celui-ci nouait une ancre rouillée autour de la silhouette trempée gisant à leurs pieds. Même dans cette sombre mission, Cam avait fière allure, avec ses yeux verts pétillants et ses cheveux noirs coupés courts. Pendant une trêve, les anges étaient toujours plus radieux. Ils avaient les joues plus roses, les cheveux plus soyeux… Même leur corps déjà parfaitement musclé était plus affûté. Les jours de trêve leur faisaient autant de bien que des vacances au bord de la mer pour les humains.

Ainsi, même si Daniel souffrait chaque fois qu’il était contraint de mettre fin à une vie humaine, il semblait rentrer d’une semaine à Hawaii : il était détendu, reposé, bronzé…

Cam effectua un nœud sophistiqué dont il avait le secret et déclara :

- Ça ne m’étonne pas de toi, ça, Daniel ! Il faut toujours que tu te défiles pour me laisser le sale boulot.

- Qu’est-ce que tu racontes ? C’est moi qui l’ai achevé, non ?

Daniel baissa les yeux vers le cadavre d’un homme dont les cheveux gris étaient plaqués sur un front cireux. Il avait les mains noueuses et portait des bottes en caoutchouc bon marché. Son torse était lacéré d’une plaie rouge. Daniel frissonna de plus belle. Si ce meurtre n’était pas indispensable à la sécurité de Luce, Daniel n’utiliserait plus la moindre arme, il ne se battrait plus jamais.

La mort de cet homme laissait Daniel en proie à un certain malaise. Quelque chose clochait. En fait, il avait l’intime conviction que ça n’allait pas du tout.

- C’est le coup de grâce, le moment le plus agréable, commenta Cam en enroulant la corde autour du torse de l’homme avant de la serrer sous ses bras. Le pire, c’est de le jeter à la mer.

Daniel tenait encore la branche ensanglantée. Cam l’avait raillé d’avoir choisi cette arme, mais Daniel n’en avait que faire. Il était capable de tuer avec n’importe quoi.

- Dépêche-toi, grommela-t-il, dégoûté par le plaisir manifeste que Cam prenait à assassiner des êtres humains. Tu perds du temps ! La marée baisse.

- Et à moins qu’on ne procède à ma manière, la marée haute ramènera la cadavre ici même dès demain. Tu es trop impulsif, Daniel. Comme toujours. Tu ne réfléchis donc jamais à long terme ?

Daniel croisa les bras et observa de nouveau les vagues ourlées d’écume. Un catamaran venant du port de San Francisco filait dans leur direction. Naguère, ce spectacle aurait ravivé une foule de souvenirs de promenades avec Luce, sur toutes les mers du monde, au cours d’un millier de vies successives. Mais à présent… Maintenant qu’elle risquait de mourir et de ne jamais revenir, dans cette vie où tout était différent, et où il n’y aurait plus de réincarnations, Daniel n’était que trop conscience que Luce ne possédait aucun souvenir. C’était la dernière fois pour tous les deux. Pour tout le monde, en réalité. C’était donc la mémoire de Luce qui comptait, et non la sienne. Il fallait que des vérités cruelles remontent à la surface, si la jeune fille devait survivre. À la seule pensée de ce qu’elle avait à découvrir, Daniel se crispa.

Si Cam croyait qu’il ne pensait pas à l’étape suivante, il se trompait.

- Tu sais bien que je ne suis encore là que pour une seule raison, déclara Daniel. Il faut que nous parlions d’elle.

- C’est ce que je faisais, répondit Cam.

Avec un grommellement, il hissa le corps inerte par-dessus son épaule. Le costume bleu marine de la victime se froissa sous la corde. La lourde ancre reposait sur son torse ensanglanté.

- Il est un peu pénible, celui-là, commenta Cam. Je trouve ça presque insultant que les Aînés n’aient pas envoyé un homme de main plus à la hauteur.

Puis, tel un lanceur de marteau aux jeux olympiques, Cam fléchit les jambes et tourna trois fois sur lui-même pour prendre son élan avant de projeter le cadavre à une trentaine de mètres dans les airs, vers la mer.

L’espace de quelques secondes, la dépouille survola la baie, puis le poids de l’ancre le fit chuter inexorablement. Il tomba dans les eaux turquoise dans un grand éclaboussement et sombra aussitôt.

Cam s’essuya les mains.

- Je crois que je viens de battre un record, dit-il.

Ils se ressemblaient à bien des égards, mais Cam était pire. En tant que démon, il était capable des actes les plus vils sans l’ombre d’un scrupule. Daniel, lui, était rongé par les remords. Et pour l’heure, il était transi d’amour.

- Tu prends la mort humaine bien à la légère, dit Daniel.

- Ce type méritait son sort, répliqua Cam. Tu ne saisis donc pas le plaisir qu’il y a dans tout cela ?

- Pour moi, Luce n’est pas une proie ! rétorqua Daniel.

- Et c’est la raison pour laquelle tu vas perdre.

Daniel empoigna Cam par le col de son trench-coat gris acier. Il avait envie de le jeter à l’eau comme il venait de le faire avec le prédateur.

Un nuage passa devant le soleil et assombrit leurs visages.

- Doucement, fit Cam en se dégageant. Tu as un tas d’ennemis, mais, pour l’heure, je n’en fais pas partie. N’oublie pas la trêve.

- Tu parles d’une trêve ! maugréa Daniel. Dix-huit jours pendant lesquels d’autres vont tenter de la tuer…

- Dix-huit jours pendant lesquels on les repousse ensemble, corrigea Cam.

Par tradition, une trêve durait dix-huit jours, chez les anges. Au Paradis, dix-huit était le nombre le plus favorable, le plus propice : deux fois sept (les archanges et les vertus cardinales) que venait contrebalancer l’avertissement des quatre cavaliers de l’Apocalypse. Dans certaines langues mortelles, le nombre dix-huit avait fini par représenter la vie elle-même. En l’occurrence, pour Luce, il aurait tout aussi bien pu signifier la mort.

Cam avait raison. Tandis que la nouvelle de la mortalité de Luce dégoulinait le long des couches célestes, les rangs de ses ennemis allaient doubler et redoubler chaque jour. Melle Sophia et sa clique, les vingt-quatre Aînés Zhsmaelin, étaient toujours aux trousses de Luce. Daniel les avait aperçus dans les ombres projetées par les Annonciateurs, le matin même. Il avait entrevu autre chose, aussi, d’autres ténèbres, une fourberie plus profonde, qu’il n’avait pas identifiée tout de suite.

Un rai de lumière transperça les nuages et, du coin de l’œil, Daniel décela une lueur. En se tournant, il s’agenouilla pour trouver une flèche plantée dans le sable humide. Elle était plus fine qu’une flèche ordinaire, d’un ton argenté terne, ornée de volutes, et chaude au toucher.

Daniel sentit sa gorge se nouer. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas vu une étoile filante. Les doigts tremblants, il arracha la flèche en prenant soin d’éviter sa pointe acérée et mortelle.

Il savait désormais d’où provenaient ces autres ténèbres, chez les Annonciateurs du matin. La nouvelle était encore plus grave qu’il le redoutait. Il se tourna vers Cam, tenant la flèche légère comme une plume entre ses mains.

- Il n’a pas agi seul.

En voyant la flèche, Cam se crispa. Il s’en approcha presque respectueusement et tendit la main vers elle, comme Daniel l’avait fait.

- Une arme si précieuse, et il faut l’abandonner. Les Bannis devaient être très pressés de s’en aller.

Les Bannis étaient une secte d’ange lâches et bavards exilés à la fois du Paradis et de l’enfer. Leur atout majeur était Azazel, ange reclus, le dernier qui connaisse encore l’art de créer des étoiles filantes. Lorsqu’il était décoché par la flèche argentée, le tir ne risquait guère de provoquer plus qu’une ecchymose chez un humain. Mais pour les anges et les démons, c’était la plus mortelle des armes.

Tout le monde la voulait, mais personne n’était disposé à s’associer avec les Bannis. Ainsi, les échanges de tirs d’étoiles se déroulaient toujours de façon clandestine, par le biais d’un messager. Ce qui signifiait que le type que Daniel avait tué n’était pas un homme de main envoyé par les Aînés. Ce n’était qu’un intermédiaire. Les Bannis, le véritable ennemi, avaient disparu comme par enchantement, sans doute dès l’instant où ils avaient aperçu Daniel et Cam. Daniel frémit : ce n’était pas de bon augure.

- Nous n’avons pas tué l’homme qu’il fallait.

- Comment ça ? répondit Cam, désinvolte. Cela fait toujours un prédateur en moins. Le monde ne s’en portera que mieux. Et Luce aussi, non ? (Il fixa Daniel, puis la mer.) Le seul problème, c’est…

- Les Bannis.

Cam opina.

- Donc ils la veulent aussi, désormais.

Sous son pull en cachemire et son épais manteau, Daniel sentait frémir les extrémités de ses ailes, telle une démangeaison brûlante qui le troublait. Il demeura immobile, les yeux fermés, les bras ballants. Il avait peine à se retenir de déployer ses ailes avec la puissance des voiles d’un bateau, de peur qu’elles ne l’emportent loin de cette île, au-dessus de la baie. Droit vers Luce.

Il ferma les yeux et tenta d’imaginer la jeune fille. Il avait eu toutes les peines du monde à s’arracher de la cabane où elle dormait paisiblement, sur l’île minuscule de Tybee. Ce devait être le soir, là-bas. Était-elle réveillée ? Avait-elle faim ?

La bataille qui avait fait rage à Sword & Cross, les révélations, la mort de son amie… Luce en avait pâti. Les anges s’attendaient à ce qu’elle dorme toute la journée et toute la nuit, mais, dès le lendemain matin, ils devraient avoir mis en place un plan.

C’était la première fois que Daniel proposait une trêve. Pour fixer les limites, établir les règles, et concevoir un système de peines encourues en cas de transgression de l’un ou l’autre. C’était un lourd fardeau à porter avec Cam. Bien sûr, il le ferait. Daniel ferait n’importe quoi pour elle… il tenait simplement à le faire bien.

- Il faut la cacher en lieu sûr, dit-il. Il y a un lycée, vers le nord, près de Fort Bragg…

- Shoreline, répondit Cam. Les miens se sont renseignés également. Elle sera heureuse, là-bas. Elle suivra un enseignement qui ne la mettra pas en péril. Et surtout, elle sera protégée.

Gabbe avait déjà expliqué à Daniel le type de camouflage que procurerait Shoreline. Très vite, la nouvelle se répandrait que Luce y était cachée, mais pendant au moins un certain temps, au moins, elle serait pratiquement invisible. Dans l’enceinte de l’établissement, Francesca, l’ange la plus proche de Gabbe, s’occuperait d’elle. Dehors, Daniel et Cam traqueraient et tuerait quiconque oserait s’approcher du lycée.

Qui avait pu parler de Shoreline à Cam ? Daniel n’appréciait guère l’idée que le camp de Cam soit mieux informé que le sien. Il se maudissait de ne pas avoir visité ce lycée avant d’avoir fait ce choix, mais il avait déjà eu tant de mal à quitter Luce…

- Elle peut commencer dès demain. À condition… (Cam dévisagea longuement Daniel.) À condition que tu acceptes.

Daniel appuya la main sur la poche de poitrine de sa chemise, où il gardait une photographie récente de Luce, au bord du lac de Sword & Cross. Elle avait les cheveux mouillés et scintillants, un rare sourire au coin des lèvres. En général, quand il parvenait à prendre Luce en photo, au cours d’une vie, il la perdait. Cette fois, elle était encore là.

- Allez, Daniel, reprit Cam, on sait tous les deux ce dont elle a besoin. On l’inscrit, et on la laisse vivre. On ne peut rien faire pour accélérer cette phase, à part la laisser tranquille.

- Je ne veux pas qu’elle reste seule aussi longtemps, cracha Daniel un peu trop vite.

Pris d’un malaise, il observa la flèche qu’il tenait entre les mains. Il avait envie de la jeter à la mer, mais il en était incapable.

- Donc tu ne lui as pas dit, déclara Cam, le regard perçant.

Daniel se figea.

- Je ne peux rien lui dire. Nous risquerions de la perdre.

- Tu risquerais de la perdre, corrigea Cam.

- Tu sais très bien ce que je veux dire ! rétorqua sèchement Daniel. Il est très dangereux de croire qu’elle encaisserait tout sans…

Il ferma les yeux pour chasser l’image du feu rougeoyant si douloureux. Mais elle rôdait toujours dans un coin de son esprit, menaçant de se propager comme une traînée de poudre. S’il avouait à Luce la vérité et la tuait, elle disparaîtrait à jamais, cette fois. Et ce serait sa faute à lui. Daniel était impuissant. Il ne pouvait exister sans elle. Ses ailes le brûlaient à cette pensée. Mieux valait garder Luce à l’abri un peu plus longtemps.

- Ça tombe bien, pour toi, railla Cam. J’espère simplement qu’elle ne sera pas déçue…

Daniel ne tint pas compte de sa remarque.

- Tu crois vraiment qu’elle arrivera à travailler, dans ce lycée ?

- Oui, répondit Cam. Mais mettons-nous bien d’accord : elle ne doit avoir aucune distraction extérieure. Donc pas de Daniel, ni de Cam. Il faut que ce soit une règle stricte.

Ne pas voir Luce pendant dix-huit jours ? Daniel n’osait l’imaginer. Pire encore, il ne pouvait concevoir que Luce accepterait. Ils venaient juste de se trouver, dans cette vie, et avaient enfin une chance d’être ensemble… Hélas, comme d’habitude, lui expliquer les détails la tuerait. Elle ne pouvait entendre parler de ses vies passées de la bouche des anges. Luce l’ignorait encore mais, très bientôt, elle allait se retrouver seule pour… tout deviner.

Daniel était terrifié par cette vérité enfouie, et surtout par la réaction de Luce. Mais le fait qu’elle découvre tout par elle-même était le seul moyen de briser ce cycle horrible. C’était pourquoi son expérience à Shoreline serait essentielle. Pendant dix-huit jours, Daniel serait libre de tuer tous les Bannis qu’il croiserait. À l’issue de la trêve, la situation serait de nouveau entre les seules mains de Luce.

Le soleil se couchait sur le Mont Tamalpais et le brouillard nocturne commençait à descendre.

- Laisse-moi l’emmener à Shoreline, dit Daniel, désireux de profiter de cette dernière chance de voir la jeune fille.

Cam posa sur lui un regard étrange, hésitant. Une fois encore, Daniel dut rentrer ses ailes de force.

- D’accord, concéda enfin Cam. En échange de la flèche.

Daniel lui tendit l’arme, que Cam glissa sous son manteau.

- Emmène-la jusqu’au lycée, puis reviens me voir. Et surtout, pas de conneries ! Je te surveille.

- Et ensuite ?

- On partira à la chasse tous les deux.

Sentant le plaisir intense de la libération se propager dans tout son corps, Daniel opina et déploya ses ailes. Il se dressa et puisa toute son énergie face à la forte résistance du vent. Il était temps de fuir cette scène maudite, de laisser ses ailes le porter vers un lieu où il pourrait être à nouveau lui-même.

Auprès de Luce.

Et vers ce mensonge avec lequel il devrait vivre un peu plus longtemps, encore.

- La trêve commence demain à minuit, lui rappela Daniel avant de prendre son envol dans un nuage de sable.

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