Ajouter un extrait
Liste des extraits
Il s’arrêta en face de l’une d’elles et pensa à l’histoire de ce bâtiment qui avait hébergé les malades et les parias. Il pensa à ceux qui avaient vécu là, le corps et le visage couverts de stigmates qu’ils ne pouvaient dissimuler, et aux blessures de leurs âmes. Les blessures des parias. Il éprouvait pour eux une profonde empathie, conscient qu’au fond de lui se manifestaient certains désirs qu’il ne comprenait qu’imparfaitement, mais qu’il savait tout autant réprouvés que cette effrayante lèpre à l’origine de la construction de cette belle bâtisse.
Afficher en entierFlovent ne distinguait aucune trace de lutte dans l'appartement. Pourtant, la violence était visible partout. Le corps d'un homme tué d'une balle dans la tête gisait au sol. Cela ressemblait à une exécution en règle. Apparemment, la victime n'avait pas pu se défendre. Aucune chaise n'avait été renversée, ni aucune table. Les tableaux ornant les murs étaient d'aplomb, les fenêtres intactes et correctement fermées, on ne décelait aucune trace d'effraction. La porte de l'appartement n'avait pas été forcée non plus et la serrure fonctionnait. La victime avait ouvert à son agresseur ou l'avait laissé entrer derrière lui, ignorant qu'il s'agirait là de sa dernière action.
Afficher en entierFlovent et Thorson s’approchèrent pour mieux voir. Le médecin avait raison. Même si le trait était grossier et maladroit, en l’examinant à la lumière crue du laboratoire, on distinguait clairement la croix gammée dessinée sur le cadavre.
Afficher en entierLe Sudin contourna soigneusement les frégates et les torpilleurs avant d’accoster au port de Reykjavik. Quelques instants plus tard, les passagers descendirent du ferry. Titubants, certains étaient très soulagés de retrouver la terre ferme. Pendant qu’ils traversaient le golfe de Faxafloi, le vent avait subitement forci et avait tourné au sud-ouest, il s’était mis à pleuvoir et, après une navigation plutôt calme, le bateau avait beaucoup tangué. La plupart des passagers étaient restés à l’abri dans les cabines exiguës à l’air saturé d’humidité du fait de leurs vêtements mouillés. Quelques-uns, parmi lesquels Eyvindur, avaient souffert du mal de mer sur la dernière partie du trajet.
Monté à bord à Isafjördur en traînant ses deux valises éculées, il avait dormi presque tout le voyage, éreinté après sa tournée. Les bagages contenaient du cirage Meltonian et du vernis Poliflor, ainsi que des échantillons de faïence qu’il avait essayé de vendre dans les villages, les fermes et hameaux des fjords de l’Ouest : assiettes, tasses et couverts fabriqués en Hollande, que le grossiste avait importés en Islande juste avant que la guerre n’éclate.
Afficher en entierLe soir, ils discutaient ou écoutaient la radio. Flovent savait qu'il appréciait ces moments. Son père avait perdu la moitié de la famille qu'il avait fondée quand la grippe espagnole avait emporté son épouse et sa fille. Lui et Flovent les avait pleurées en silence. Après ça son père n'avait pas recherché de nouvelle compagne.
Cet homme appartenait à la dernière génération d'Islandais capables de se satisfaire de peu, de traverser les guerres, les crises économiques, et de voir les leurs succomber à des épidémies sans jamais se plaindre.
Afficher en entierIls passèrent un moment à parler du temps. Ils avaient eu un bel été dans la région et les paysans avaient engrangé du foin en abondance. Depuis plusieurs jours, tous passaient leurs journées aux champs, il n'y avait de place pour rien d'autre. Elle lui demanda de lui parler de Reykjavik, et plus précisément de ce que tout le monde appelait la situation. Elle l'interrogea sur ces femmes qui fréquentaient les soldats. Ce n'était pas trop voyant? Ca se passait comment, exactement ? Les autorités allaient enfin se décider à prendre des mesures ? Thorson s'efforça de lui expliquer qu'en effet, certaines Islandaises fréquentaient des militaires, mais la plupart du temps tout se passait bien. Bien sûr, il y avait quelques débordements. On avait créé une brigade de surveillance des mineurs chargée de veiller sur les filles encore trop jeunes. La vieille femme avait plus d'une fois interrompu Thorson par des "Eh bien, dis donc !" Elle avait entendu dire que c'était le chaos et que ça ne risquait pas de s'arranger maintenant que les Américains déferlaient sur le pays.
Puis elle avait repris un peu de tabac. La vieille pipe posée dans le cendrier à côté d'elle devait aussi lui appartenir. Elle avait perdu presque toutes ses dents et un léger sifflement se faisait entendre chaque fois qu'elle parlait. Ses longs cheveux gris retenus en deux tresses, le visage aussi ridé qu'un sac en papier chiffonné, les doigts déformés, le dos voûté, elle portait la marque des travaux manuels qui avaient constitué son lot quotidien.
Afficher en entier1
Le Sudin contourna soigneusement les frégates et les torpilleurs avant d’accoster au port de Reykjavik. Quelques instants plus tard, les passagers descendirent du ferry. Titubants, certains étaient très soulagés de retrouver la terre ferme. Pendant qu’ils traversaient le golfe de Faxafloi, le vent avait subitement forci et avait tourné au sud-ouest, il s’était mis à pleuvoir et, après une navigation plutôt calme, le bateau avait beaucoup tangué. La plupart des passagers étaient restés à l’abri dans les cabines exiguës à l’air saturé d’humidité du fait de leurs vêtements mouillés. Quelques-uns, parmi lesquels Eyvindur, avaient souffert du mal de mer sur la dernière partie du trajet.
Monté à bord à Isafjördur en traînant ses deux valises éculées, il avait dormi presque tout le voyage, éreinté après sa tournée. Les bagages contenaient du cirage Meltonian et du vernis Poliflor, ainsi que des échantillons de faïence qu’il avait essayé de vendre dans les villages, les fermes et hameaux des fjords de l’Ouest : assiettes, tasses et couverts fabriqués en Hollande, que le grossiste avait importés en Islande juste avant que la guerre n’éclate.
Afficher en entierL'Islande n'était plus une île à l'écart du monde. Elle avait été entraînée dans le tourbillon des événements, et nombre de choses jadis inconcevables s'y produisaient aujourd'hui.(...) Peut-être était-ce avant tout leur innocence qui avait été sacrifiée quand les troupes britanniques étaient arrivées en ville avec leur bruit de bottes un matin de mai.
Afficher en entierAucun n’était bien malin et j’ai vite compris que je pouvais obtenir d’eux tout ce que je voulais. C’est une sensation assez grisante d’avoir un tel pouvoir sur autre.
Afficher en entier"Flovent passa un long moment avec le couple avant de redescendre chez Felix Lunden. On avait enlevé le corps pour le transférer à la morgue de l'Hôpital national. Le médecin de district et le photographe étaient repartis, mais un policier en uniforme montait la garde. Flovent était le seul membre de la Criminelle de Reykjavik. Ses autres collègues avaient été affectés à des tâches plus urgentes dès le début de la guerre. Il craignait de devoir en rappeler certains pour qu'ils puissent l'aider dans son enquête, laquelle promettait d'être longue et complexe."
Afficher en entier