Extraits

"Assis derrière une table de travail imposante, un homme à l’âge incertain, vêtu comme un petit maître, relisait une lettre. Sans affectation, le jeune homme s’inclina devant lui.

— Vous vouliez me voir, monsieur ?

Monsieur Dessales releva la tête, un sourire courtois sur les lèvres. On le disait sévère, mais sa redoutable réputation devait plus à la distance qu’il mettait entre lui et ses élèves qu’à la réalité. Ôtant ses bésicles, il prit le temps de détailler son interlocuteur avant d’engager la conversation.

— Vous voilà donc, monsieur de Sarnas. Ma démarche a dû vous surprendre, et je vous rassurerai tout de suite. Je n’ai nul grief à vous faire. Nul grief sérieux, bien que vos notes laissent quelque peu à désirer.

— J’obtiens pourtant la moyenne dans toutes les matières, monsieur.

— Et c’est bien là où le bât blesse, car je soupçonne cette moyenne de cacher de brillantes possibilités. Mais laissons cela. Le but de ma convocation est d’un autre ordre.

Saisissant le courrier posé devant lui, monsieur Dessales fit mine de l’étudier avec soin.

— Savez-vous que vous me posez un problème, mon jeune ami ? poursuivit-il en reposant le papier devant lui. Un problème de conscience, pour être plus précis. Mon établissement demeure modeste, malgré une renommée que je me flatte d’étayer chaque année, et l’une des règles les plus rigoureuses consiste au paiement régulier des pensions. Vous ne l’ignorez pas ? Or, depuis plus de deux mois, deux mois et demi pour être exact, je ne perçois plus rien de votre famille.

— Je ne sais que vous dire, monsieur, répliqua Adrien, sans cacher sa surprise. Comparés aux revenus des aristocrates de la cour, ceux de mon père sont modestes. Mais bien qu’il vive simplement, je puis vous assurer que les frais de mon hébergement n’écornent pas sa fortune.

Hochant la tête, le directeur lui livra alors une information qui le stupéfia.

— Et pour cause, il n’en a jamais assumé la charge."